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Les Gimenologues
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Les "étrangers indésirables". Suite

Sur l’hypothèse du rapatriement forcé des Espagnols indésirables

Témoignages et documents reçus

après la mise en circulation de notre texte

Nous avons revu et corrigé notre texte sur « Les étrangers indésirables » .

Notre proposition énoncée à la fin du texte a été relayée par un de nos correspondants qui nous a transmis les réponses suivantes :


Les « étrangers indésirables »
Communication depuis le site forum de fabiengrd@laposte.net


Le 19 oct. 2009,
« Bonsoir
Ci-joint en fichier attaché, ou directement sur le site, un texte très intéressant sur les "indésirables" de 1939. Quelques historiens (comme Bennassar) affirment que les retours en Espagne franquiste, à partir de 1939, furent massifs (et volontaires). A ce sujet, le cas des Espagnols réfugiés en Isère en 1939-1940, traité dans le texte ci-joint, est très instructif.
Avec, en conclusion, une proposition : " Tout un chacun peut procéder comme nous à partir des archives départementales de sa région et essayer d’établir si des réfugiés espagnols ont été rapatriés de force, et combien, histoire de se rendre compte de ce que cela représente au niveau national."
Fabien ».

[additif des Giménologues ] :
Il est question ici du livre de Bartolomé Bennassar « La guerre d’Espagne et ses lendemains », paru aux éditions Perrin en 2004.
Bennassar y cite (pp. 408-409) la circulaire d’Albert Sarraut du 5 mai 1939 en y prêtant benoîtement foi :
« Il reste clair qu’“aucun rapatriement de force ne devra être effectué” ».
L’auteur écrit plus loin, en se basant sur le peu de rapatriements effectués par les réfugiés espagnols recensés dans le Gard (par rapport aux retours plus massifs depuis d’autre départements français) que :
« le Gard est un cas exceptionnel qui a le grand avantage de démontrer que les rapatriements, certes conseillés, vivement recommandés, n’ont jamais été forcés » (p. 412).
On peut lire encore dans le même ouvrage pp. 415 et 416 ce morceau d’anthologie :
« Une partie des miliciens ou soldats républicains, tel Mariano Constante, sans se préoccuper des responsabilités de leur gouvernement, n’ont pas pardonné à la France les conditions lamentables de leur accueil, et ils ont évoqué “les pressions intolérables” qu’ils auraient subies afin de rentrer en Espagne. Elles existèrent certes, mais ne furent pas intolérables puisque des dizaines de milliers de personnes les ont tolérées. (…) On ne saurait prétendre que les cas isolés “contribuent à prouver que les rapatriements sont coercitifs”, comme le fait Nathalie Bousquet ».


24 Octobre Les « étrangers indésirables ». Un message de Charles :
Bonjour Fabien,
Suite à ton e-mail sur les "étrangers indésirables" et surtout ... les rapatriements forcés...Ce sujet, qui bouscule les certitudes péremptoirement affirmées jusqu’ici par de nombreux historiens (ex : Bennassar), a fait l’objet d’une importante communication présentée le 7 mars 2009 avec mon frère Henri au Colloque de Nérac. (*) Voir intro, ci-dessous :

Colloque de Nérac "La Guerre d’Espagne dans l’Histoire de France"
Du traitement arbitraire des réfugiés espagnols par les autorités françaises
Charles et Henri Farreny
Des témoins et des historiens ont évoqué la faim, le froid, le manque d’hygiène, le dénuement, les mauvais traitements physiques et moraux, dont souffrirent à leur arrivée en France les militaires et civils chassés par l’offensive des troupes antirépublicaines en Catalogne. Néanmoins, soixante dix ans après ce grand exode, des aspects importants sont encore insuffisamment cernés. Outre la dimension humanitaire, les dimensions civique et politique de l’accueil nous paraissent devoir mériter davantage d’attention.
Nous rapprochons ici un ensemble de faits qui invitent à la réflexion quant à l’arbitraire subi par les réfugiés espagnols de 1939, tant sous la IIIe République
La première section traite principalement de l’enfermement des réfugiés. Car il s’agit d’une des caractéristiques essentielles, quoique souvent éludée, de ce que l’on appelle pudiquement « l’accueil » consécutif à « La Retirada » : une bonne moitié des 450 à 500 000 réfugiés de la guerre d’Espagne furent traités comme des prisonniers, privés des libertés essentielles, et d’abord celle d’aller et venir, souvent pour une longue période.
La deuxième section aborde la question des rapatriements vers l’Espagne franquiste. Nous présentons plusieurs documents d’archives administratives et des témoignages de survivants qui indiquent qu’une partie de ces rapatriements n’ont pas été volontaires ni même consentis mais proprement forcés et ce dès le printemps 1939. Le fait que l’organisation de convois de rapatriements forcés a touché au bas mot plusieurs milliers de personnes mais soit largement ignorée des historiens devrait encourager de nouvelles études critiques.

Au cours de nos recherches, ces dernières années, Henri et moi étions effectivement tombés - sans trop de mal - sur de nombreux documents d’archives officielles établissant que les autorités de l’époque avaient bel et bien organisé de nombreux retours forcés vers l’Espagne de Franco. Outre les témoignages irréfutables de plusieurs victimes de ces rapatriements forcés, notre communication (parution très prochaine) a fait état, notamment, d’un document militaire secret déjà publié en page 144 de notre livre "L’Affaire Reconquista de España" (voir fichier image ci-joint).
Cordialement, Charles Farreny.
(*) Geneviève Dreyfus-Armand a présidé l’ouverture de ce Colloque. Les Actes du Colloque de Nérac seront disponibles très prochainement.
Copie ci-jointe des pages 131-132 et 144 de notre livre.[ Cf.documents 1 et 2 ]


24 Octobre 2009 De Gabrielle (Rennes) :
« Nombreux témoignages sur les rapatriements forcés à Rennes ( Manuela Martin, Francisco zafra, cf aussi “les cahiers” de l’écrivain Louis Guilloux, Côtes d’Armor saint-brieuc, à l’époque Cotes du Nord) ».


les "Indésirables" : Extrait d’un message :
"yo llevo OCHO años buscando las listas del campo de concentración de Argeles sur Mer, en el que estuvo el que fuera posteriormente el preso nº 3069 del campo de concentración y depuración de Reus."
Le camp de Reus, camp de concentration et de dépuration pour les "Indésirables" de France ?
[un autre message sur le même sujet]
A propos des retours en Espagne franquiste, voici une réponse des archives municipales de la ville de Reus où se situait un « camp de concentration et de dépuration » réceptionnant notamment les convois venant de France.
A noter la phrase : “Pero nada sobre los que regresaban de los campos de concentración franceses”. Pour ma part, je crains le pire quant au sort réservé aux combattants républicains rapatriés de force en Espagne Franquiste par les Autorités françaises. Pourquoi ne peut-on retrouver aucun document à leur sujet ? Sans oublier qu’entre 1939 et 1945, on estime qu’il y a eu plus de 250.000 fusillés en Espagne. Alors le sort des Rouges, livrés à domicile par l’Etat français,....
Contestando su pregunta, debo informarle que el Archivo Municipal de Reus no conserva esta documentación. Solamente disponemos de algunos listados del personal de los batallones de trabajadores y algunos permisos para traslados a otros campos de concentración. Pero nada sobre los que regresaban de los campos de concentración franceses. Si desea que busquemos alguna persona en estos listados, nos envía los nombres y le informaremos si constan o no en estos listados.
Atentamente, Arxiu Municipal


Les "indésirables" : Le témoignage de Maria Luisa :
« Afirmar que los regresos masivos a España de los que llegamos a Francia en el año 1939 fueron voluntarios, requiere unos matices. Es cierto que desde la llegada masiva de los exiliados, "delegados franquistas" entraban en los campos asegurando a los internados que podían volver a España con la seguridad de que no tendrían ningún problema al no tener "las manos manchadas de sangre". Fue lógica en muchos casos la opción de aceptar el retorno librándose de las alambradas. Todos los que pasaron fueron destinados a campos en la zona catalana.
Pero en el año 40, iniciada la II guerra mundial se produce otro movimiento de retorno más numeroso y no voluntario. Se trata de la "repatriación" de miles de civiles : mujeres, niños, mayores y mutilados de los campos de concentración. Se organizan las "compañías de trabajadores extranjeros" que salen de los campos de concentración para contribuir a la construcción de la "línea Maginot" y otras barreras de defensa. Coincidiendo con esta circunstancia, el gobierno francés se plantea el costo del mantenimiento de los campos de refugiado y establece una selección : Aquellos "internados" que no tengan un pariente luchando con los aliados, será devuelto a España. Salieron muchos trenes cuyo destino desconocían los viajeros. Llegaron a Cataluña y ahí se llevó a cabo la selección : Mujeres a la cárcel, sus hijos entregados a la Sección Femenina que los llevaban a las "inclusas", los orfanatos de la época dirigidos por "la sección femenina". Las mujeres mayores devueltas a sus pueblos marcadas irremisiblemente por el sello de "rojas". Las cifras que se están manejando desde el punto de vista estadístico : 600.000 internados en los campos de concentración franceses, indican que 350.000 fueron españoles. »


Novembre 2009 à Fabien :
« Benassar et d’autres affirment qu’il n’y a pas eu de rapatriements forcés des réfugiés espagnols vers l’Espagne franquiste. Allez donc voir, sur Google, les témoignages de :
Consuelo Alonso Guindal

Maria Salvo Iborra
Isabel Vicente Garcia [Cf. Document 3]
Soledad Real Lopez...
Mais ce ne sont que des témoignages ! Alors il suffit de faire un petit tour aux Archives Départementales de Loire Atlantique à Nantes où il y a les preuves irréfutables de ces convois forcés qui ont permis de vider les camps de Moisdon-la-Rivière et Juigné des Moutiers ( plus de 800 Espagnols).
Amicalement. Carlos »
Amicalement. Carlos »
[additif des Giménologues : en attendant d’avoir communication des documents des archives départementales de Loire Atalantique, nous avons trouvé sur Wikipediace passage sur Moisdon ]

Commune de Moisdon-la-Rivière dans le département de Loire-Atlantique : Moisdon-la-Rivière est située à 12 km au sud de Châteaubriant.
Le camp de réfugiés espagnols.
En 1939, le préfet de Loire-Inférieure fait installer à Moisdon-la-Rivière et Juigné-des-Moutiers des camps d’accueil pour les réfugiés espagnols de la zone républicaine. Afin de libérer les colonies de vacances (Pornichet, Le Pouliguen) où se trouvent les réfugiés au printemps, le camp de Moisdon (Camp de la Forge) ouvre le 31 mai, celui de Juigné début juin. L’effectif des deux camps est de 1160 personnes en août et de 996 en octobre. On connaît le détail pour le camp de Moisdon à la date du 24 octobre :
TOTAL : 688 réfugiés
Femmes : 306
Enfants : 356
Hommes : 26.
La diminution des effectifs est en partie liée aux rapatriements vers l’Espagne franquiste : le 30 juillet, départ de 35 personnes. 186 autres s’inscrivent pour le rapatriement du 18 août, mais les militants communistes présents rappellent les dangers du retour. Beaucoup de volontaires se désistent : finalement 46 seulement partent.
Cet épisode permet aux autorités de repérer les "agitateurs" et "agitatrices" qui seront punis lorsque après la signature du pacte germano-soviétique, ils se lancent dans une propagande hostile à la guerre ; plusieurs d’entre eux sont transférés vers le camp de Saint-Cyprien (Pyrénées-Orientales).
Le camp se vide aussi parce que les épouses et les enfants rejoignent l’homme de la famille quand il trouve un emploi, ce qui est facilité par l’entrée en guerre de la France. Les derniers réfugiés espagnols quittent le camp le 11 novembre 1940.

Et cet autre document sur le même camp :

Extrait d’un article paru sur le site http://www.chateaubriant.org/ Sur le camp de la Forge à Moisdon

Résister aux convois

La Pologne est envahie le 1er septembre 1939.
L’administration se fait alors plus pressante pour organiser le retour volontaire ou non des réfugiés en Espagne.
C’est dans ce contexte que des évasions ont lieu et surtout qu’un Comité révolutionnaire se constitue dans les deux camps. “ Il s’occupe d’organiser une propagande à travers les réfugiés, les engageant à résister à tous les départs de nouveaux convois en direction de I’Espagne." ” écrit le sous-préfet.

La secrétaire du comité de Moisdon est Gabriela Abad Miro. A Juigné, la résistance s’organise sous la direction de Teresa Alonso Gutierriez, 22 ans, assistée d’une demi douzaine de compatriotes. Le préfet note "qu’il est à remarquer que toutes ont demandé à partir pour la Russie".
Certains qui ont la chance d’avoir des relations ou de la famille, peuvent encore partir au cours de I’été 1939 pour les Etats-Unis, Cuba, le Chili, Tetouan et Tanger.

Les journaux espagnols républicains publiés en France sont vite interdits par le ministre de I’lntérieur.( Voz de Madrid, Espana, ABC, La Vanguardia de Barcelona etc...). Celui-ci envoie par télégrammes au préfet, des listes de publications qui risquaient peu de se retrouver à Moisdon.
Le sous-préfet Arnaud écrit à plusieurs reprises que "les réfugiés gardent une attitude très digne".

http://www.chateaubriant.org/spip.p...Engagés dans l’armée française

24 septembre 1939, la guerre est déclarée depuis trois semaines. Les circulaires du gouvernement se multiplient : il faut coûte que coûte renvoyer le plus possible d’Espagnols à I’exception de ceux et de leurs familles qui se sont engagés dans les Compagnies de Travailleurs Espagnols, au service de I’armée française. Il en est de même pour ceux qui ont trouvé un emploi. Le sous-préfet avec beaucoup de courage indique par lettre "qu’il ne peut séparer les parents et les enfants pour les renvoyer en Espagne".

196 enfants sont encore à Moisdon et 106 à Juigné.
La famille DIEZ FERNANDEZ, c’est à dire la mère, Ramona, et ses trois petites filles vivent à la Forge. Il y a de nombreux courriers concernant cette famille, car le père militaire de carrière "est dans une compagnie de 7e (auxiliaires) depuis le début des hostilités, il est en instance d’engagement dans I’armée française". Cet engagement permettra à sa femme de toucher une allocation militaire de 20,50F par jour

Des personnes interviennent pour éviter des départs forcés, comme I’adjoint au maire de Saint Nazaire qui plaide pour une femme qu’il connaît, afin d’éviter son expulsion, ce qui lui a été accordé. Les rapatriements commencent à faire du bruit. Un certain Monsieur Pringt de Cholet interpelle par lettre le préfet pour protester contre ses décisions. Celui-ci ne répond pas mais dans une note interne, visiblement excédé, iI dit à ses collaborateurs de demander à ce monsieur "de s’occuper de ce qui le regarde"....

Le 24 octobre 1939, il reste 996 Espagnols à Juigné et Moisdon, se répartissant ainsi :

688 à la Forge (306 femmes, 356 enfants et 26 hommes invalides) 308 à Juigné( 150 femmes et 150 enfants)

L’arrivée d’autres réfugiés est telle, que I’administration décide de disperser les Espagnols et de les pousser au maximum à rentrer en Espagne. Des lettres de propagande de I’Ambassade d’Espagne en France sont distribuées à cet effet. Franco promet d’accueillir sans poursuites les exilés.

Mensonges... Ceux qui retournent sont aussitôt internés dans les geôles du Caudillo. La répression est féroce. Des milliers de prisonniers sont affectés à la construction de "La valle de los caidos" auprès de I’Escorial. Ce chantier souterrain gigantesque (cathédrale taillée dans le roc) est un bagne terrible. Beaucoup de prisonniers mourront d’épuisement. FRANCO, à sa demande y sera enterré en 1975.

Les camps sont officiellement dissous à la fin du mois d’octobre 1939. Ne restent dans les cantonnements qu’une douzaine de familles. Entre le 1er septembre et le 31 octobre, 28 personnes de Juigné seront renvoyées en Espagne, tandis qu’à la Forge, sur 826, 87 sont parties, plus ou moins volontairement.

De semaine en semaine le gouvernement incite les préfets à accélérer les rapatriements en "raison des dépenses d’assistance". Il faut que les gens fassent la preuve qu’ils vont subir des représailles pour obtenir I’autorisation de rester. Mais le meilleur moyen pour les Espagnols est encore de remplacer les hommes mobilisés, ce qui est le cas aux mines de Rougé et à la carrière de Saint-Vincent des-Landes.

Au cours de cet automne 1939, les castelbriantais accueillent successivement des Belges, des Polonais et des Français du nord de la France, prélude à ce qu’ils verront I’année suivante (30 000 prisonniers de guerre et des prisonniers politiques à Choisel).

La famille DIEZ FERNANDEZ quitte le camp au début de 1940 pour une petite maison à I’extérieur de Châteaubriant (Laudais). Le père de famille vient en permission une dernière fois et écrit à sa famille.

Les petites filles sont scolarisées à I’école publique de Béré. En partant au début de 1940, Madame Arnaud, confie à la famille espagnole son chat et les poulets élevés dans les jardins de la sous-préfecture....


Le 5 novembre 2009 : Les "Indésirables " : « Salut Fabien.
Pour réaliser la brochure sur ma famille, j’ai écumé les archives Départementales du Finistère à Quimper, et à cette occasion j’ai trouvé un courrier du S/s préfet de Morlaix adressé au Préfet du Finistère dans lequel il rend compte du retour vers l’Espagne d’un groupe de 151 Réfugiés qui étaient hébergés à la Colonie de Plougasnou. Il précise que ce retour " s’est effectué sans incident", et que 7 gendarmes accompagnaient ce convoi vers Hendaye. Ce courrier est daté du 10/11/1939 ( date du départ du convoi ).
Hasta luego. Patrick
7 gendarmes, probablement armés comme tous les gendarmes, pour encadrer un retour "volontaire" ? La mention "sans incident" était-elle nécessaire ? »


Documents rassemblés par les Giménologues, le quatre décembre 2009.