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Pour Juan, et pour María

Pour Juan, et pour María

Il y a un an, les Giménologues étaient invités à la Médiathèque de Mirepoix pour participer à une semaine sur « Les 75 ans de la Retirada : Minuit dans le siècle en Espagne. Histoires de chair et d’os ».

Lors de la soirée de présentation de nos travaux, Juan était avec nous sur l’estrade, en « vedette américaine ». Malgré le tragique des histoires que nous racontions tous, sa bonne humeur, ses interventions au fil de la soirée mirent une sacrée ambiance. Son livre [1] a fait un tabac à la sortie.

Juan et Maria vinrent à presque toutes les soirées à Mirepoix, le cabas avec la tortilla et le gâteau suivaient immanquablement. Et Maria nous incitait à en manger à toute heure…

Le 31 janvier une crise cardiaque a emporté Juan, notre ami depuis une dizaine d’années. Il a eu l’immense plaisir de finir de rédiger son ouvrage et aussi d’aller le présenter à Alhama plusieurs fois. Son ami Kike Tudela y est pour beaucoup [2]. Nous nous joignons à cet hommage que Kike a rédigé depuis Barcelone.

Les giménologues, 7 février 2015.

Cela faisait des mois que je n’avais plus de ses nouvelles. On s’était parlé au téléphone vers la mi-octobre, et on s’était dit que j’irais le voir au printemps. Mais Juan allait plus mal que ce que j’imaginais. Il avait été hospitalisé l’été dernier à cause d’une sévère bronchite et était depuis lors sous assistance respiratoire. Cela faisait quelques années que lui et María avaient quitté leur petite maison de Banat - où je les ai connus -, nichée au milieu des montagnes entourant Tarascon sur Ariège. Ils s’étaient installés dans leur autre maison de Crampagna, dans la vallée à côté de Foix, là où s’arrêtent les montagnes et où le froid n’est plus si vigoureux, plus près de l’hôpital et de leurs filles.

Cela faisait un moment que je voulais les appeler, pour les saluer et prendre de leurs nouvelles. Une habitude que j’avais prise, par intermittence, depuis que mon chemin avait croisé le leur, il y a dix ans, et qu’aussi bien Juan que María appréciaient. Mais cette fois j’ai trop tardé, et quand je les ai appelés ce samedi 31 janvier, sa fille Emilia m’a annoncé qu’ils venaient d’enterrer Juan. Il est décédé jeudi 29 janvier, à midi. Son cœur s’est arrêté alors qu’il écrivait à l’ordinateur, dans sa chambre, entouré de ses livres et de ses poèmes, de dessins et de photos de sa chère Andalousie.

Juan Gutiérrez Arenas est mort à 84 ans, il en aurait eu 85 le 12 avril. L’aîné des trois fils de Lucas Gutiérrez López, ce chauffeur socialiste d’Alhama de Granada fusillé dans les murs du cimetière de Grenade en 1941, avait consacré les dernières années de sa vie à faire connaître son histoire, celle de sa famille, de son village.

Conscient d’avoir presque tout perdu après la défaite de 1939, la vie de Juan et de sa famille fut marquée par la lutte contre la misère à laquelle étaient condamnés tous ceux qui s’organisaient pour défier l’injuste ordre social dominant la région de Grenade durant la Seconde république, et qui avaient osé tenir tête à l’État fasciste durant l’été 36. Ils vécurent ensemble l’expérience de la guerre, de la révolution et des collectivisations à Alhama de Granada et dans d’autres endroits du sud-est andalou. Lorsqu’ils revinrent au village deux ans plus tard - après avoir fui les troupes franquistes, avec la moitié du village, au cours de l’hiver 37- ils laissèrent leur père dans la prison de Baza et prirent conscience de la défaite et des représailles que leur réservait le nouveau régime. Juan dut attendre la majorité pour abandonner ce monde de misère, de maladies, d’ignorance et de travail mal payé, de violence vis-à-vis des gens de la sierra et peuplé de peurs vis-à-vis du passé proche.

Ainsi arriva-t-il à Valence en 1952, découvrant que la vie y était aussi dure et misérable que dans son village. En 1957 il grimpa dans un train en direction de la France, où il s’installa définitivement et où María le rejoignit un an plus tard, après avoir quitté son Sagunto natal. Juan avait alors 27 ans et une capacité merveilleuse à se faire des amis et à apprendre, capacité qu’il garda toute sa vie. Il apprit le métier de maçon, la langue française, l’apiculture, la médecine traditionnelle, et surtout l’histoire de son père et celle des hommes et des femmes de sa génération qui perdirent la guerre et la révolution. Cette histoire lui fut contée par les réfugiés catalans, aragonais et andalous qui s’étaient établis en France depuis de nombreuses années, et qui avaient découvert en Juan quelque chose qu’ils n’avaient plus vu depuis longtemps parmi les émigrés espagnols de la fin des années 1950 : la rébellion et la soif d’apprendre.

Juan se lia rapidement au réseau des exilés libertaires ariégeois, reposant sur l’entraide, les rencontres et les réunions, notamment durant les célébrations du 19 juillet, quand des milliers de réfugiés remplissaient des autobus pour venir à Toulouse afin de commémorer l’anniversaire de la révolution espagnole. Il participa à la création d’associations culturelles, telle l’association Federico García Lorca à Tarascon, et à de nombreuses autres initiatives sociales en Ariège. C’était une personne très appréciée, qui ne perdait jamais l’occasion d’assister - avec son inséparable María - à tous les événements de la région liés à la guerre civile espagnole, à l’exil et à la résistance antifasciste. Avec ses poèmes et ses longues interventions il ne cessait de dénoncer l’immobilisme de la situation après la mort de Franco.

Je me souviens de nos soirées autour d’une soupe, d’un morceau de pain et de fromage, au coin du feu. On regardait Canal Sur par satellite dans la petite maison de Banat tout en commentant la situation difficile de cette région du sud et l’importance de savoir défendre la dignité humaine et reconnaître les signaux de résistance et de ne pas s’avouer vaincus.

C’était une personne pleine d’amour et de rage pour sa terre et son peuple, mais je m’en souviens surtout comme d’une personne amoureuse de la vie, de la littérature, de la poésie, des bals, du rire, de l’amitié, de la nature, des animaux et des champs. Il cultivait un petit lopin de terre que lui avait cédé un ami, anarchiste réfugié [3] , à côté de l’église de Banat. Il se promenait aux alentours du village avec ses chèvres en se remémorant à voix haute les hivers de la Sierra Tejada, récitant des poèmes, des proverbes, des blagues, de vieilles anecdotes des gens de son village, Alhama de Granada.
Ainsi était mon ami Juan, ainsi je m’en souviens et m’en souviendrai toujours.

Salud y alegría compañero, allí donde estés.

Seguimos, Juan.

Kike Tudela, Barcelona

Traduction : Marion Gary, Toulouse

Canto a Andalucía

Nosotros los andaluces
desde lejos te lloramos
y siempre te recordamos
y a tu sol, que allí reluce.

Pues si un día abandonamos
a esa tierra en que nacimos,
desde lejos te añoramos
con lágrimas y suspiros.

Allí nos dejemos amigos
amigos de nuestra infancia,
y amores que se han ido,
y perdido en la distancia.

Los amores que nacieron
allí, en nuestra adolescencia,
y que por ser los primeros,
en la vejez se recuerdan.

En aquella "hermosa tierra"
de la cual un día volamos,
por culpa de la miseria,
fuera de ella nos encontramos.

Juan Gutiérrez, 24 juillet 2000.

Hommage a Juan Gutierrez Arenas par son ami Kike Tudela
2 février 2015

Hacía meses que no sabia nada de él. Habíamos hablado por teléfono un día a mitad de otoño y quedado en que iría a visitarle en primavera. Pero Juan estaba bastante peor de lo que yo imaginaba. Una fuerte bronquitis lo tuvo hospitalizado más de un mes durante el verano pasado y desde entonces necesitaba de asistencia respiratoria. Hacía pocos años que tanto él como María habían abandonado la casita de Banat donde les conocí, metida entre las montañas que rodean Tarascón sur Ariege, para mudarse a su otra casa de Crampanag, un pueblito del valle cercano a Foix, donde acaban las montañas y hace menos frío, más cerca del hospital y de sus hijas.
Llevaba tiempo queriendo llamarles, por saludarles el año nuevo y por saber como se encontraban. Una costumbre que, con interrupciones, formaba parte de mi vida desde que me cruce con ellos por vez primera hace diez años, y que tanto Juan como María apreciaban mucho. Pero esta vez tardé demasiado y cuando les llamé este sábado 31 de enero, su hija Emilia me dijo que venían de enterrar a Juan. Murió el pasado jueves 29 de enero, a las 12h. Se le paró el corazón mientras escribía en el ordenador, en una habitación rodeado de sus libros y poemas, de dibujos y fotos de su Andalucía querida.

Juan Gutiérrez Arenas ha muerto con 84 años, iba a cumplir 85 el doce de abril. El mayor de los tres hijos de Lucas Gutiérrez López, aquel chofer socialista de Alhama de Granada fusilado en las tapias del cementerio de la capital granadina en 1941, fue una persona que dedicó los últimos años de su vida a dar a conocer su historia, la de su familia y la de su pueblo. Consciente de haberlo perdido casi todo tras la derrota de 1939, la vida de Juan y la de su familia estuvo marcada por la lucha contra la miseria a la que fueron condenados todos aquellos que se habían organizado para desafiar al injusto orden social dominante en las comarcas del Poniente granadino durante la II República, y que además osaron plantar cara al golpe de Estado fascista en el verano de 1936. Juntos vivieron la experiencia de la guerra, la revolución y las colectividades en Alhama de Granada y en otros puntos del sudeste andaluz. Cuando dos años más tarde volvieron al pueblo, tras haber salido huyendo junto a media población de las tropas franquistas el invierno de 1937, dejaron a su padre detenido en la cárcel de Baza y empezaron a comprender las dimensiones de la derrota y del castigo con que les obsequiaría el nuevo régimen los siguientes años.

Tuvo que esperar a la mayoría de edad para dejar atrás aquel mundo de hambre, enfermedades, ignorancia y trabajos mal pagados, de violencia contra la gente de la Sierra y miedo a recordar el pasado reciente y así fue como llegó a Valencia en 1952, para descubrir que la vida allí seguía siendo tan miserable y oscura como en su pueblo. En 1957 se montó en un tren y se fue para Francia, donde fijó su residencia el resto de su vida y a donde le siguió María un año más tarde desde su Sagunto natal donde se habían conocido. Juan tenía entonces 27 años y una capacidad maravillosa para hacer amigos y para aprender, algo que mantuvo toda su vida. Aprendió el oficio de albañil, aprendió el francés, la apicultura, la medicina natural y, sobre todo, aprendió la historia de su padre y de los hombres y mujeres de la generación que perdió la guerra y la revolución. Esa historia se la contaron los refugiados catalanes, aragoneses y andaluces que llevaban ya décadas en Francia y que descubrieron en Juan lo que no veían en muchos otros emigrantes españoles en la Francia de finales de los cincuenta : su rebeldía y su hambre por saber.

Juan se vinculó instintivamente al exilio libertario del Ariege, a sus redes de ayuda mutua y a sus encuentros y reuniones, sobre todo en aquellas celebraciones de cada 19 de julio, cuando miles de refugiados llenaban autobuses para ir a Toulouse a conmemorar el aniversario de la revolución española. Participó en la creación de asociaciones culturales como la “Federico García Lorca” en Tarascón y en innumerables iniciativas sociales y culturales en la comarca del Ariege. Era una persona muy querida y no perdía la ocasión de asistir junto a su inseparable María, a cualquier evento que se realizara en la zona para recordar la guerra civil española, el exilio o la resistencia antifascista, con sus poemas y sus largas intervenciones, donde denunciaba una y otra vez que las cosas en España no habían cambiado nada tras la muerte de Franco y que ahora tenemos un nuevo régimen.

Nos recuerdo, por eso, cenando sopa y pan con queso al amor de la lumbre en alguna de mis visitas, mientras veíamos el Canal Sur vía satélite en la casita de Banat, y comentábamos lo mal que están las cosas en el sur, pero lo importante que es saber defender la dignidad humana, reconocer las señales de resistencia y no darse por vencidos.

Era una persona cargada de amor y rabia por su tierra y por su gente, pero sobre todo lo recuerdo como una persona enamorada de la vida, de la literatura, la poesía, el baile, el humor, la amistad, la naturaleza, de los animales y del campo, cultivando una pequeña parcela cedida por la familia de un amigo, anarquista refugiado [4], al lado de la iglesia de Banat, paseando con sus cabras por las afueras del pueblo, mientras recordaba en voz alta los inviernos de la Sierra Tejeda y recitaba poemas y refranes, chistes y aneccdotas antiguas de las gentes de su pueblo, de Alhama de Granada.

Así era mi amigo Juan, así lo recuerdo y lo seguiré recordando.

Salud y alegría compañero, allí donde estés.

seguimos, Juan.

Kike