Bandeau
Les Gimenologues
Slogan du site
Descriptif du site
Emilio est décédé à Saint-Pierre-Des-Corps le mercredi 30 janvier 2013, à l’âge de 93 ans.

Emilio Marco Pérez est né le premier janvier 1921 à Falset, province de Tarragone. Ce village comptait environ 3500 habitants dans ces années-là. Il est le deuxième fils de Mercedes Pérez Bes, née le 10 janvier 1896 à Falset, et de Jaime Marco Serrano, né en 1891 à Capçanes [1] . Parmi les trois autres garçons, il y a Joseph, né en 1920. Emilio le fait entrer aux Jeunesses Libertaires en février 1936, sans doute en même temps que lui-même : « Ce n’était pas un militant très actif » précise-t-il. Mobilisé en 1939, Joseph est légèrement blessé au mois de février. Au sortir de l’hôpital, il se cache chez son ancien patron, mais il est arrêté et condamné à sept ans de camp de travail dans le Sahara marocain.

Jaime Marco est rabassaire [2] : il cultive l’olivier, la vigne et donne la moitié de la production au propriétaire de la ferme. Emilio garde les chèvres et aide son père aux champs. Ils n’ont de problème ni pour se vêtir ni pour se nourrir car ils cultivent un potager et élèvent des poules et des lapins.

Jaime fréquente la coopérative ouvrière (UGT) qui existe depuis le début des années trente. Il y a aussi une coopérative agricole qui sert de lieu de réunion et de café et, par ailleurs, un syndicat agricole républicain créé en 1919.

Les parents d’Emilio ne sont pas engagés politiquement, mais Jaime a célébré la proclamation de la République en défilant dans Falset le 14 avril 1931 avec les portraits de Fermin Galán Rodriguez, d’Àngel García Hernández, de Francisco Ferrer Guardia et Salvador Segui Rubinat [3]. Ce jour-là, le père et le fils travaillaient dans les champs quand ils virent passer un train affublé de drapeaux républicains. Ils retournèrent immédiatement à Falset et Jaime se rendit à la mairie où les républicains locaux étaient en train de jeter le portrait du roi par-dessus le balcon ; puis tous partirent en manifestation dans les rues le soir.

Emilio s’intéresse aux discussions politiques entre son père et un ami de la famille, Peret originaire de Falset qui a habité un temps à Barcelone. Il vient souvent manger avec sa femme chez eux. Peret avait chez lui le premier drapeau de la République aux couleurs passées, qui sera installé au balcon de la mairie de Falset en avril 1931.
Petit à petit, sa réflexion sur la vie sociale mûrit et le 10 février 1936 le jeune homme de quinze ans s’affilie à la CNT oficios varios, sindicato único [syndicat unique, métiers divers].

Comment es-tu entré dans le mouvement libertaire ?

Emilio : « J’y suis entré parce que mes amitiés et mes idées faisaient que j’étais toujours fourré avec les gars de la CNT qui étaient persécutés, je leur rendais visite en prison... Et ces gens-là me plaisaient parce que pour moi c’était ceux qui voyaient le mieux la réalité. Mon père était rabassaire mais il n’était pas mécontent que j’aille voir du côté de la CNT. [...] J’ai beaucoup fréquenté les ouvriers de la CNT qui travaillaient sur le chantier d’un tunnel de chemin de fer. Et puis j’étais apprenti chez un barbier où venaient tous les révolutionnaires, et là, en les écoutant et en discutant avec eux, j’ai peu à peu été convaincu. Aussi, il fallait voir comment ils emmenaient les ouvriers arrêtés, comment ils les frappaient parfois... bref, suite à tout ça, en février 1936 les camarades m’ont délivré une carte de la CNT (pour 20 centimes). Et à partir de ce moment-là les types me lisaient [4] Solidaridad Obrera, Tierra y Libertad, La Revista Blanca, et j’allais à des réunions dans toute la région du Priorat ».

[…] Le 6 octobre 1934, c’est la première fois que j’ai tenu une arme, une carabine Winchester, lors de la grève générale en soutien à l’insurrection des Asturies. Les copains plus âgés faisaient le tour des gros propriétaires viticoles autour de Falset pour faire cesser le travail. J’étais posté sur un pont et je devais empêcher quiconque de traverser ; mais bien sûr, j’aurais été incapable de me servir de l’arme, je n’en connaissais pas le maniement.
Le soir, mon père me demanda d’aller rassembler les chèvres et les moutons sur un terrain dans les hauteurs proches du village, et aussi de nourrir les lapins. Quand je suis arrivé là-bas, j’ai vu que tous les clapiers étaient ouverts ; plus un seul lapin. Mon père bien sûr a tout de suite compris, et il me fit cette réflexion : « Si ce n’est que ça pour maintenir la grève, ce n’est pas grand-chose ».

Je me souviens aussi des compañeros qui partaient à pied pour le congrès de la CNT de Saragosse en mai 1936 ; certains venaient de Tarragone et devaient effectuer près de 200 kilomètres. Ils marchaient environ 40 à 50 kilomètres par jour. Quand ils traversaient Falset, les copains du syndicat les ravitaillaient et leur indiquaient les raccourcis par les chemins de montagne ; et quand ils arrivaient dans un autre village, d’autres copains faisaient de même et ainsi de suite jusqu’à Saragosse. Il n’y avait aucune femme parmi les marcheurs ».

Ainsi commence le livre en cours sur notre ami, auquel nous travaillons depuis quelque temps…


Emilio est le petit jeune à droite

Deux films ont été réalisés sur Emilio dont nous avons déjà parlé :
article 557 et article 543

Un documentaire qui lui a été consacré en 2006 par Franck Wolff (Sans Canal Fixe) : atheles.org

Les Giménologues 8 juin 2013