Nouvelles investigations sur la mort de Durruti
et les circonstances de sa venue à Madrid
par Tomás Mera
Quand nous avions émis l’hypothèse selon laquelle Manzana aurait pu être, pour le compte du gouvernement républicain, le bras armé ayant causé la mort de Durruti*, nous avions versé au dossier, entre autres éléments, les affirmations de García Oliver concernant les conditions de la création du Conseil supérieur de guerre. Nous n’avons jamais franchement opté pour cette thèse, mais nous avions pensé que cela valait la peine de l’émettre, afin de susciter des réflexions qui pourraient, soit l’étayer, soit la réfuter.
Nous accueillons donc avec plaisir l’effort produit par un lecteur assidu de nos ouvrages, Tomás Mera, qui a cherché, à partir de la lecture attentive de la presse madrilène de l’époque, à reconstituer pas à pas le parcours des principaux protagonistes de cette ténébreuse affaire.
Sans vouloir déflorer les conclusions auxquelles parvient l’auteur, qui penche plutôt pour la thèse de l’accident provoqué par Manzana, nous pouvons rassurer les chercheurs du futur : la question reste ouverte…
La première mouture du texte de Tomás Mera placée sur ce même site datait de février 2018. En voici une nouvelle version largement revue, corrigée et augmentée, avec annexes et documents nouveaux.
Les Giménologues, 19 novembre 2019
* Voir la note 53 de Les Fils de la nuit, T. 2 : À la recherche des Fils de la nuit, Libertalia, 2016
Préambule de l’auteur
En 2013, de passage à Toulouse, je redécouvre Buenaventura Durruti à travers la biographie d’Abel Paz parue en 1993 aux éditions Quai Voltaire. Après une vingtaine d’années passées dans la mouvance trotskyste, il est temps de tout remettre à plat sur la guerre d’Espagne et sur le rôle des anarchistes de la CNT et de la FAI. Adolescent, j’avais dévoré les livres de Hugh Thomas, Catalogne libre, d’Orwell, ou Leçons d’Espagne, de Trotsky. Je n’avais gardé, enfouie dans ma mémoire, qu’une image de Durruti résumée à sa mort à Madrid, à l’arrière du front, d’une balle tirée dans le dos, et impliquant les staliniens. Je me souviens aussi d’un vieil anarchiste de Barcelone rencontré à l’été 76 chez des connaissances espagnoles qui m’avait raconté l’assaut des postes de police pour se procurer des armes. La biographie de Durruti ne fut que le début d’une longue série de lectures sur la période. Il est frappant, avec le recul, de s’apercevoir qu’aucun historien académique, et ils ont été pléthore, n’aura traité sérieusement des conditions de la disparition de Durruti. Seuls les libertaires auront tenté de comprendre… Abel Paz restera comme le déclencheur de ce retour aux sources. Les multiples versions sur la mort de Buenaventura ont alors aiguisé ma curiosité. La lecture attentive des ouvrages de Llarch, Enzensberger ou Amorós ainsi que les publications et les encouragements des Giménologues m’auront permis de me lancer dans l’écriture de ces nouvelles investigations…
Voir le TEXTE INTEGRAL dans le PDF ci-joint avec les annexes.
Table des matières
Préambule
Introduction
Chapitre I Les tractations pour faire venir Durruti à Madrid
L’étau se resserre autour de Durruti
Les tractations en Catalogne
La suite des tractations à Madrid et Valence
Chapitre II Les manigances autour de la junte de Défense et de la venue de Durruti à Madrid
La bataille de Madrid : le PCE avance ses pions aux dépens de la CNT du Centre
Le PCE prend le pouvoir via la junte de Défense. Acte final
La CNT madrilène propose de nommer Durruti et Casado pour diriger le secteur Centre
Les conditions de l’arrivée de Durruti à Madrid
Chapitre III Retour sur les différentes propositions de commandement faites à Durruti
La proposition de García Oliver de placer Durruti à la tête des trois Brigadas Mixtas
La création du conseil supérieur de Guerre
García Oliver à la manœuvre pour faire nommer Durruti à la place de Miaja
Retour sur la rivalité entre Largo Caballero et Miaja
García Oliver à la manœuvre (suite)
Le piège se referme sur Durruti
Chapitre IV Le rôle crucial des services secrets russes
L’extrême spécialisation des services secrets soviétiques
Une organisation pyramidale à la manière des poupées russes…
Chapitre V Qui a tué Buenaventura Durruti ?
1 La version officielle de « la balle fasciste » n’est pas tenable
2 Durruti se serait accidentellement tué avec son naranjero
3 Manzana aurait accidentellement tué Durruti avec son naranjero
4 Hypothèse selon laquelle Manzana aurait volontairement tiré sur Durruti avec son pistolet
5 La version d’une altercation qui tourne mal avec des miliciens
La veste de Durruti, grande absente de l’exposition de 1938
La version d’Ortiz, seul contre tous
L’attitude des médecins
La réunion du sous-comité national de la CNT
Chapitre VI Le sergent José Manzana Vivó
Où se trouvait Manzana durant les journées de juillet 1936 ?
Les heures décisives avant et après la mort de Durruti
Val reprend la main
Manzana de retour en Aragon
En guise de conclusion… provisoire
Chronologie
Annexes