Nous sommes toujours le 19 juillet 1936 à Lérida, où le coup d’Etat fasciste a échoué.
Deuxième épisode : Vers le front d’Aragon
Nous sommes toujours le 19 juillet 1936 à Lérida, où le coup d’Etat fasciste a échoué.
A Barcelone, Lluis Companys, le Président de la Généralité de Catalogne, institution restée en place malgré la tourmente, propose habilement aux anarchistes de partager le pouvoir -qu’il n’a plus- avec le camp républicain, au sein d’un Comité Central des Milices Antifascistes. Le 21 juillet, dans un climat d’urgence où la base n’est pas consultée, les hautes instances de la CNT et de la Fédération Anarchiste Ibérique -la FAI- acceptent de collaborer avec les partis bourgeois à condition que ce Comité Central ait tous les pouvoirs et que la libération de l’Aragon -et du reste de l’Espagne- soit sa priorité.
Reconduire une sorte de front populaire antifasciste, même dans l’idée de gagner du temps et de ne pas trop effaroucher les démocraties européennes, est une tactique risquée : elle conduit de fait, qu’on le veuille ou non, à camoufler la révolution sociale en cours. Comme l’écrira plus tard Abel Paz, unjeune libertaire de l’époque : « Les anarchistes mettaient le doigt dans un engrenage dangereux ».
Il existe ainsi de fait en Catalogne trois pouvoirs : la Généralité, symbole de l’Etat régional, sans soutien populaire ; le Comité central des Milices Antifascistes, contrôlé de fait par les anarchistes ; les Comités révolutionnaires de quartier, d’usines et de villages, spontanément mis en place par la population et contrôlant leurs propres comités de défense. Nous verrons dans quelles conditions ces derniers appliqueront les conceptions du communisme libertaire exprimées lors du quatrième Congrès cénétiste de Saragosse en mai 1936. C’est dans l’enthousiasme général que le Comité Central des Milices décide de former des colonnes de miliciens qui partiront le 24 juillet pour l’Aragon en vue de libérer sa capitale ; la première colonne est conduite par son délégué général Buenaventura Durruti.
Récit : du chapitre Teresa à la fin du chapitre La guerre.
Avant la fin du 1er chapitre, dans le fil du récit, juste avant le 2ème chapitre « La guerre », on incorpore la note suivante :
La colonne Durruti traverse plusieurs villages aragonais, déjà libérés par les militants locaux. Le 27 juillet, elle installe son quartier général à Bujaraloz. Elle est forte de 6000 hommes pour 3000 fusils seulement, et reste dépourvue d’armement lourd. Neuf autres colonnes anarchistes, marxistes et catalanistes la rejoindront les jours suivants, et elles établiront une ligne de front nord-sud de 80 kms environ. Mais l’attaque sur Saragosse prend du retard ; Durruti et d’autres miliciens y tiennent beaucoup, pour des raisons stratégiques, car la prendre c’est briser l’encerclement de ceux qui résistent au Pays Basque, en Biscaye et dans les Asturies ; et aussi parce qu’il faut profiter de la victoire catalane sur les militaires insurgés avant qu’ils ne concentrent toutes leurs forces autour de la capitale de l’Aragon. Mais Durruti est surtout très affligé de voir que dans le plus fort bastion anarchiste de l’Espagne, après Barcelone, le coup d’Etat a réussi grâce à la traîtrise du gouverneur civil de la place et au manque de méfiance des militants locaux, pourtant très aguerris. Ses camarades sont coincés là-bas, sous-armés et se font systématiquement liquider par l’armée. Les conditions de la perte de Saragosse et l’enlisement du front en Aragon seront d’une certaine manière symptomatiques de la façon dont une partie des militants anarchistes vont résister à l’agression des classes possédantes. Nous y reviendrons.