Lettre de prison de Durruti (1933)
Présentée par Agustín Guillamón
C’est le dimanche 2 avril 1933 que sont arrêtés à Séville Durruti, Ascaso et « Combina » à la sortie du Congrès Régional d’Andalousie et d’Estrémadure. L’argument brandi pour justifier leur arrestation est le suivant : « Ils sont responsables des concepts délictueux qu’ils émirent lors du meeting de clôture [1] . » Ce délit d’opinion bafouait la liberté d’expression la plus élémentaire.
Le dimanche 9 avril, à Barcelone, les dirigeants les plus représentatifs d’Estat Catalá et de l’ERC, réunis en hommage au fasciste Josep Dencàs, Conseiller à la Santé depuis janvier, considérèrent que les arrestations de Séville avaient décapité la FAI, et que cette organisation pouvait se considérer comme exsangue. Avec de telles déclarations, ils prenaient leurs désirs pour des réalités comme il est d’usage chez les dirigeants de l’appareil répressif bourgeois qui prétendent réduire les complexes et profondes questions sociales et politiques à de ponctuels et banals problèmes de terrorisme et d’ordre public, et en responsabilisent quelque leader ou tête de turc particulier. Josep Dencàs fut l’un des principaux fondateurs et promoteurs, avec les frères Badia, des escamots fascistes et indépendantistes des JEREC (Juventudes Esquerra Republicana [2] – Estat Catalá).
Buenaventura Durruti, Francisco Ascaso et Vicente Pérez « Combina [3] » furent incarcérés dans la prison de Santa María (Cádiz) après avoir passé quelques jours dans celle de Séville. Durruti écrivit là une lettre à sa famille dans laquelle il exposait sa définition de la patrie comme « un ensemble de propriétés », et la différence qu’il faisait entre guerre impérialiste et guerre sociale, entendue comme synonyme de lutte de classes. La plus grande partie de la lettre s’adressait à son frère Pedro pour l’aider à approfondir son analyse sur la guerre, car Buenaventura considérait que Pedro avait mal cerné le problème dans un article paru récemment dans la presse.
On relève dans la lettre quelques points qui permettent de préciser la biographie de Durruti :
1. Son séjour d’un an à Paris pendant la Grande Guerre
2. Sa relation avec Pío Baroja, qui lui rendit visite en prison, peut-être intéressé par la connaissance et le contact direct avec un homme d’action comme Durruti.
3. Le traitement discriminatoire et vexatoire des autorités républicaines envers les militants anarchistes, qui empêchait la moindre collaboration ou intelligence entre le mouvement anarcho-syndicaliste et les autorités de la Deuxième république.
Nous reproduisons intégralement cette lettre, traduite en catalan, ci-dessous :
« Port de Sainte Marie, 3 juin 1933 [4] .
Chère mère et chers frères
J’ai reçu votre lettre datée du 1, où vous me dites que vous avez obtenu les laissez- passer, et vous me demandez ce que vous devez en faire.
Les laissez-passer, vous les gardez jusqu’à ma sortie, et une fois arrivés à Barcelone vous me les envoyez. Ce que je crains c’est que je ne puisse m’en servir vu que cela fait deux mois que vous les avez et qu’il n’en manque qu’un pour qu’ils soient périmés ; un mois que je devrais passer ici, il me paraît évident que le Gouvernement est disposé à ce que je passe l’été à l’ombre.
Il y a quelques jours, je pensais que je sortirais, mais les compagnons de Madrid m’ont écrit pour me dire que Quiroga [5] avait donné des ordres pour que l’on ne nous libère pas. Mais de but en blanc sans que personne ne s’y attende, le juge de ce petit village s’est présenté avec un télégramme du juge d’instruction qui s’occupe de l’affaire du meeting de clôture du Congrès - affaire pour laquelle on aurait dû être mis en liberté sous caution personnelle de mille pesetas - et on apprend dans le télégramme de Séville que le procès est re-instruit, qu’ils annulent la liberté sous caution, que nous restons à disposition du juge de Séville, inculpés sans caution.
J’ai demandé au juge à quoi obéissait cette décision sur un procès sans importance comme celui-ci : il ne sut que répondre, et se limita à m’informer de ma détention sans caution. C’est un cas que l’on voit pour la première fois, car tous les procès pour délit de presse ou diffamation sont assortis de caution sans mise sous écrou. Je ne vois pas quelles sont leurs intentions. Nous avons écrit aux compagnons de Séville pour qu’ils élucident ce problème ; suite à leur réponse nous verrons bien quelles sont les intentions de ces types.
D’ici que puis-je vous raconter ? Nous sommes dans une prison terrible, où l’on sait quand on y entre mais pas quand on en sort ; ceci est pire que l’enfer de Dante. Nous sommes complètement isolés. Il est clair que le Gouvernement est disposé à ce que personne ne nous voie. Mais nous allons protester contre cette mesure d’exception qui est utilisée à notre encontre, car tous les prisonniers des prisons d’Espagne peuvent parler avec leur famille et leurs amis ; nous qui sommes des prisonniers politiques, ils ne nous laissent communiquer avec personne ; et ils nous critiquent parce que nous attaquons le régime républicain. Que veulent-ils que nous disions après les horreurs qu’ils nous font.
Quand Pío Baroja est venu nous voir à la prison de Séville, il m’a dit : « C’est terrible ce qu’ils font avec vous » ; et quand je lui ai demandé : « Monsieur Pío, quelle position croyiez-vous que nous devrions adopter face à cette barbarie ? ». Il n’a pas su quoi répondre. Ensuite j’ai lu un de ses articles dans Ahora, et la réponse qu’il n’osait nous dire à travers les barreaux.
Bon, je ne vais pas continuer à vous parler de tout ça, parce que ça me met de mauvaise humeur.
Le vieux Germinal [6] qu’on avait libéré a été réincarcéré, subit le même sort que Combina et moi ; inculpé pour le meeting sans caution possible.
Il y a quelques jours, j’ai reçu La Mañana, c’est Perico [7] qui me l’envoie, j’ai vu et lu l’article qu’il a écrit, intitulé « Message des enfants anglais ». L’article est très bien, mais Perico ne cerne pas bien le problème de la guerre ; ne te fâche pas pour cela frangin. Un peu avant la déportation, vous vous rappelez que nous avions fait à Barcelone un grand meeting contre la guerre où participa un grand pacifiste français : le prince de la paix comme ils le nomment à Paris. Pioch [8] , c’est le nom de cette figure internationale. Pioch a beaucoup fait pour nous quand nous étions détenus à Paris. Il a prononcé un discours grandiose, il a exposé les crimes de la guerre de façon magistrale. Mimi [Emilienne Morin (1901-1991)] a pris le discours en sténo. Moi j’ai pris la parole après Pioch ; après l’avoir salué et présenté au public espagnol, j’ai traité de deux aspects de la guerre : guerre impérialiste et guerre sociale. Sans léser la susceptibilité de Pioch je lui ai demandé pourquoi les pacifistes ont attendu le danger de la guerre pour s’affronter aux horreurs de la guerre. Les pacifistes d’aujourd’hui ont eu besoin de s’inspirer des crimes commis pour faire des articles dans la presse et des discours dans les tribunaux ; comme si les crimes commis en 14-18 avaient été les uniques crimes commis par le capitalisme. Moi j’ai vu, frère Perico, beaucoup d’êtres humains mutilés dans cette terrible guerre, tu sais que j’ai vécu un an à Paris en plein conflit. Et bien, frangin, moi je n’ai pas eu le besoin d’attendre cette terrible guerre pour me dresser face à tous les crimes. Si la guerre a mutilé des milliers d’hommes, la guerre sociale a aussi mutilé des milliers de travailleurs. Quelle différence y a-t-il entre un homme qui perd un bras en défendant la patrie et celui qui le perd en travaillant ? C’est quoi la patrie ? D’après l’Académie c’est le sol où tu es né. Mais quels droits donne la patrie au travailleur ? Celui de travailler quand il trouve quelqu’un qui veut bien l’exploiter. C’est-à-dire que la patrie est un ensemble de propriétés et dès que quelqu’un, d’un autre pays, veut tout ou partie de ces propriétés, les propriétaires se réfugient derrière les lois qu’ils ont eux-mêmes créées ; et c’est en armes qu’ils nous obligent à mourir au champ d’honneur en défendant la propriété sacrée. Dans ces conflits, les hommes s’entretuent, et quand la tragédie est terminée les seuls bénéficiaires sont les propriétaires.
Qu’est ce que la guerre sociale ? C’est le combat de deux classes sociales. D’abord celle des propriétaires qui pour obtenir un maximum de bénéfices se foutent pas mal que leurs ouvriers puissent laisser une partie de leurs membres dans leurs machines ; le but étant de gagner de l’argent. Les propriétaires voient que l’autre classe met leurs biens en danger, en appellent aux lois qu’ils ont eux-mêmes créées et assassinent ceux qui ne veulent pas se soumettre à la propriété sacrée. Frangin, dans cette lutte il y a aussi beaucoup de mutilés, beaucoup plus que dans les guerres impérialistes.
Comment éviterons-nous la guerre ? Il n’y a qu’une seule façon, Perico, en conseillant aux jeunes de ne plus fabriquer les armes avec lesquelles ils vont s’entretuer, et qu’ils ne défendent les intérêts de personne. Que celui qui a des propriétés les défende lui-même.
Perico, je sais que tu vas me dire que tout ça est très bien mais que la guerre nous l’avons déjà à notre porte et qu’il faut l’éviter, et je suis d’accord. Il faut éviter la guerre. Seuls les travailleurs organisés sont capables d’empêcher la tuerie qui s’annonce. Quand Herriot [9] arriva à Paris de retour d’Espagne, il fit d’intéressantes déclarations dans la presse parisienne. L’Espagne, dit Herriot, est un pays très intéressant avec lequel il faudra compter ; car quand les jeunes républicains arriveront à consolider la République, ce pays sera très utile pour la sécurité de la paix.
Mon frère, il ne faut pas oublier que quand ces hommes parlent de paix c’est la guerre, et quand ils disent consolider la République, il s’agit de supprimer l’organisation qui en période de guerre pourrait paralyser l’activité industrielle de la nation. Herriot n’a pas osé dire publiquement qu’en Espagne il n’était pas possible de faire une mobilisation tant qu’existerait la Confédération.
De même qu’il faut éviter la guerre, il faut se préparer pour qu’elle n’ait pas lieu. Mais si elle devient inévitable, tu dois proposer des solutions pour faire échouer ses partisans. De la même façon qu’un individu se fait faire en automne un manteau pour se protéger du froid l’hiver. Il faut s’organiser, mais si la guerre arrive, sachons paralyser l’industrie nationale, arme contondante pour faire échouer les plans machiavéliques d’une classe sans scrupule qui, pour conserver ses privilèges, est capable d’assassiner la moitie de l’humanité.
Perico, tu dois continuer à écrire ; tes deux articles m’ont beaucoup plu ; ce que tu dois faire c’est lire ; si tu as besoin de détails, de documents sur la guerre, je te les enverrai. Tu sais, à Paris, il y a un comité avec des hommes érudits qui écrivent beaucoup et des choses très au fait de la guerre.
Ils te seraient très utiles, toi qui lis le français ; à Barcelone j’ai quelques journaux, si tu en as besoin écris à Mimi pour qu’elle te les envoie, et si tu en éprouves le besoin demande-lui de te mettre en rapport avec ce groupe et abonne-toi aux journaux, c’est une peseta par semaine. Ces journaux te seront très utiles. Si j’étais libéré rapidement on parlerait de tout cela et je te fournirais une liste de revues françaises qui sont de véritables joyaux littéraires et scientifiques.
Du nerf Périco et en avant, mais sans démagogie, le courage vaincra.
Mimi m’a écrit que sa mère partait à Paris ; la femme [Mimi] est triste parce qu’elle reste toute seule et qu’il faut qu’elle donne la petite [Colette Durruti, née en décembre 1931] à garder. Rosa [sœur de Buenaventura], si tu l’as envoie-moi la lettre que j’ai signée que tu as lue dans le journal, je ne l’ai pas lue.
Donne de mes nouvelles aux amis et dis à Manolin [10] qu’il m’écrive.
Très affectueusement, celui qui vous aime, Pepé. »
Durruti, Díez [11], Ascaso, Combina et Lorda [12] posèrent pour une photo derrière les grilles de la prison de Puerto Santa María en août 1933. Ce cliché, très diffusé à l’époque, fut envoyé par Durruti à sa famille ainsi qu’à des compagnons de lutte avec deux fabuleuses notes [13]. La première disait : « Il n’y aura de paix sur terre tant qu’existeront les prisons. Que les idéalistes n’oublient pas que c’est à eux de les détruire. » La deuxième : « La seule solution qu’ont trouvée les républicains c’est d’emprisonner ceux qui ne pensent pas comme eux. »
Le 13 septembre Durruti Ascaso et Combina et d’autres compagnons furent transférés à Séville afin d’être jugés pour vagabondage, ce qui les indigna profondément, car de toute leur vie, ils n’avaient vécu que du fruit de leur travail. Ils firent donc la grève de la faim. Finalement Combina et Durruti furent libérés le 7 octobre 1933. Ils arrivèrent à Barcelone le 10. Par contre, Francisco Ascaso et trois autres compagnons (Díez, Valiente et Paniza) restèrent en détention jusqu’au 3 novembre, inculpés d’un nouveau délit de « désobéissance » pour avoir refusé de signer la sentence qui leur attribuait le qualificatif de vagabonds.
Le 22 octobre 1933, huit mille membres en uniforme des escamots des JEREC défilèrent militairement dans Montjuic en imitant le style nazi-fasciste. Ils étaient vêtus de la chemise militaire verte, du pantalon de velours foncé, de courroies en cuir et de bottes. Ils acclamèrent les discours de Miguel Badia, de Josep Dencàs - d’après la « Soli », ridicule imitateur d’Hitler - et du président Macià, aussi manipulé qu’ambitieux.
Un tel défilé provoqua le lendemain un houleux débat au Parlement catalan qui rejetait en majorité de telles manifestations, bien que tout cela ne fût que pure parlotte et dans une totale passivité.
Le 24 octobre, un groupe d’escamots attaqua, pistolet au poing, l’imprimerie où se confectionnait l’hebdomadaire El Be Negre [14], provoquant quelques dégâts, pendant qu’ils escamotaient cinq ou six mille exemplaires du numéro qui était en cours d’impression. On n’arrêta personne ; le rédacteur qui avait offensé quelques-uns des dirigeants de l’ERC et de l’Estat Catalá, s’enfuit prudemment vers un pays lointain. Le propriétaire de l’imprimerie présenta la facture pour les destructions de mobilier et les détériorations de machines au responsable de l’assaut, qui n’était autre que Jaume Aiguader junior (fils du maire de Barcelone et dirigeant de ERC). Il était à la tête des quinze assaillants de l’hebdomadaire avec son oncle Artemi.
La « Soli » avertit que si les escamots les attaquaient, ils trouveraient la défense adéquate, très éloignée de la passivité de l’El Be Negre.
Les mois suivants, on vit le mouvement fasciste des escamots faire avorter des grèves et noyauter les meetings des partis adverses, pendant que Badia et Dencás se familiarisaient avec la cuisine gouvernementale et les fonctions de l’ordre Public [15].
Pendant ce temps, Durruti, Ascaso et Combina intervenaient dans les innombrables meetings lors de la campagne abstentionniste de la CNT. La guerre sociale suivait son cours.
Agustín Guillamón.
Traduction du CRAS de Toulouse 2015, revue par les Giménologues le 29 août 2015 avec quelques notes additives [N. des G].
Version originale espagnole
Carta de Durruti desde la cárcel (1933)
El domingo 2 de abril de 1933, Durruti, Ascaso y “Combina” habían sido detenidos en Sevilla, a la salida del Congreso Regional de Andalucía y Extremadura. El argumento esgrimido para justificar la actuación policial era éste : “como responsables de los conceptos delictivos que emitieron en el mitin de clausura” [16] , esto es, un delito de opinión, que atentaba contra la más elemental libertad de expresión de las personas.
El domingo 9 de abril, en Barcelona, los más destacados dirigentes de Estat Català y ERC, reunidos en el homenaje al fascista Josep Dencás, entonces Consejero de Sanidad, consideraban que las detenciones de Sevilla habían descabezado a la FAI y que esta organización podía darse como extinguida. Tales declaraciones tomaban los deseos por realidades, como suele ser habitual entre los mandos del aparato represivo burgués, cuando pretenden reducir complejas y profundas cuestiones sociales y políticas a puntuales o habituales problemas de “terrorismo” y orden público, individualizadas además en algunos líderes o cabezas de turco. Josep Dencás había sido uno de los principales fundadores y promotores, con los hermanos Badía, de los escamots fascistas e independentistas de las JEREC (Juventudes Esquerra Republicana-Estat Català).
Buenaventura Durruti, Francisco Ascaso y Vicente Pérez “ [17]” fueron encarcelados en el penal de Santa María (Cádiz), tras pasar algunos días en la cárcel de Sevilla.
En ese penal Durruti escribió una carta a su familia en la que destaca su definición de patria como “conjunto de propiedades” y la oposición que hace entre guerra imperialista y guerra social, entendida como sinónimo de lucha de clases. La mayor parte de la carta está dirigida a su hermano Pedro, en un intento de ayudarle a profundizar en el análisis de la guerra, que Buenaventura consideraba que Pedro no había enfocado adecuadamente en un artículo publicado recientemente en la prensa.
En la carta cabe destacar algunos puntos que inciden en la biografía de Durruti :
1.- Su permanencia durante un año en París durante la Gran Guerra.
2.- Su relación con Pío Baroja, que lo visitó en prisión, posiblemente interesado en el contacto y conocimiento directo de un hombre de acción como Durruti.
3.- El trato discriminatorio y vejatorio de las autoridades republicanas respecto a los militantes anarquistas, que impedía la menor colaboración o entendimiento del movimiento anarcosindicalista con las autoridades de la Segunda República.
Esa carta, traducida al catalán, es la que reproducimos íntegramente a continuación.
“Puerto de Santa María, 3 de junio de 1933 [18].
Querida madre y hermanos.
He recibido vuestra carta, fechada del día 1, en la que me decís que tenéis los Pases en vuestro poder, y me preguntáis que hacéis con ellos.
Los pases os los guardáis hasta que yo salga y una vez en Barcelona me los mandáis. Lo que lamento es que, será fácil que no me pueda servir de ellos, pues si hace dos meses que los tenéis en vuestro poder ; nada más hace falta uno para que caduquen ; mes que será muy fácil que pase aquí : pues está visto, que el Gobierno está dispuesto a que pase el verano a la sombra.
Hace unos días confiaba en salir, pues los compañeros de Madrid me habían escrito diciéndome que Quiroga [19] había dado órdenes para que nos pusieran en libertad. Pero de repente, sin que nadie lo esperara, se nos presentó el juez de este pueblecito, con un telegrama del juzgado que instruye el proceso por el mitin de clausura del Congreso ; proceso por el cual estábamos en libertad, bajo la fianza personal de mil pesetas ; y nos comunicó que había recibido un telegrama de Sevilla en el cual nos tenía que notificar, que el proceso estaba reformado ; y se nos retiraba la fianza ; por lo tanto que dábamos a disposición del juzgado de Sevilla, procesados y sin fianza.
Yo le pregunté al juez ; a que obedecía esta modificación en un proceso sin importancia como éste : no supo qué contestarme ; y se ciñó a comunicarme mi prisión sin fianza. Este caso es la primera vez que se ve, pues todos los procesos por delio de imprenta o palabra son con fianza, y sin prisión. No sé con que intención habrán modificado esta habrán modificado esta fianza. Hemos escrito a los compañeros de Sevilla para que nos aclarasen esta incógnita ; unas vez éstos nos contesten ; veremos a ver que intenciones abrigan estos tíos.
De aquí ; que queréis que os cuente ; esta es una cárcel terrible, donde uno entra y no sabe cuando sale ; esto es peor que el infierno de Dante. Estamos completamente incomunicados ; han venido compañeros a vernos y no se les ha autorizado la comunicación. Está visto que el Ministerio de la Gobernación está dispuesto a que nadie nos vea. Ahora que nosotros vamos a protestar de esta medida excepcional que se emplea con nosotros, pues todos los presos que hay en las cárceles de España pueden hablar con sus familias y amigos ; y a nosotros, que somos presos políticos, no nos deja comunicar con nadie : y luego nos critican porque atacamos al régimen republicano. Que quieren que digamos cuando cometen estas barbaridades con nosotros.
Pío Baroja [20] , cuando vino a verme a la cárcel de Sevilla me decía : es terrible lo que hacen con ustedes ; y yo le pregunté qué posición cree Don Pío que debemos adoptar nosotros frente a estas arbitrariedades. No supo qué contestar. Luego he leído un artículo de él en Ahora, que es la contestación que no se atrevía a darme a través de las rejas [21].
Bueno, no quiero hablaros más de estas cosas porque me pongo de mal humor.
Al viejo Germinal [22] , que le habían puesto en libertad, le han detenido, y está en las mismas condiciones que Combina y yo. Procesado por el mitin y sin fianza.
Hace unos días he recibido La Mañana, que me lo manda Perico [23] , he visto y leído el artículo que ha escrito con el titulo “Mensaje de los niños ingleses”, el artículo está muy bien ; pero Perico no enfoca bien el problema de la guerra ; y no te enfades por esto, hermano. Días antes de la deportación os recordaréis que hicimos un gran mitin en Barcelona contra la guerra ; en el cual tomó parte un gran pacifista francés : el príncipe de la paz como le llaman en París. “Pioch” [24] , éste es el nombre de esta gran figura internacional. Pioch hizo mucho por nosotros cuando estábamos presos en París. Pioch hizo un discurso grandioso ; expuso los crímenes de la guerra de una forma majestuosa. Mimi [25] tomó su discurso taquigráfico ; yo hablé detrás de Pioch ; después de saludarle y presentarle al público español ; traté los dos aspectos de la guerra. Guerra imperialista y guerra social. Sin herir la susceptibilidad de Pioch, le pregunté el porqué habían esperado los pacifistas el peligro de guerra para encararse contra la monstruosidad de la guerra. Los pacifistas de hoy, han tenido necesidad de inspirarse en los crímenes cometidos, para hacer artículos en la prensa y discursos en los tribunales ; como si los crímenes cometidos del 14 al 18 fueran los únicos crímenes cometidos por el capitalismo. Yo he visto, hermano Perico, muchos seres humanos mutilados en esa terrible guerra ; por otro lado, tú sabes que viví un año en París, en plena guerra. Pues bien, hermano, yo no tuve necesidad de esa terrible tragedia para levantarme contra toda la clase de crímenes. Si la guerra mutiló a miles de hombres, también la guerra social ha mutilado a miles de trabajadores. ¿Qué diferencia hay entre el hombre que pierde un brazo defendiendo la patria al que lo pierde trabajando ? ¿Qué es la patria ? Según la academia es el suelo donde uno ha nacido. Pero qué derechos le concede la Patria al trabajador ? El de trabajar cuando encuentra quien le explote. Es decir, la Patria es el conjunto de propiedades ; y en cuanto hay algún otro país que quiere usurpar parte de esa propiedad ; entonces los propietarios se amparan en las leyes que ellos mismo han creado ; y con las armas nos obligan a morir en el campo de batalla defendiendo la propiedad sagrada. En estas luchas los hombres se asesinan los unos a los otros, y cuando la tragedia ha terminado, los únicos beneficiados son los propietarios.
¿Qué es la guerra social ? La lucha de dos clases sociales. La una, la de los propietarios, que por obtener un máximo de beneficios, les importa un comino que sus operarios dejen entre las máquinas algunas partes de sus miembros ; el caso es ganar dinero. Por otro lado esta clase de propietarios ; ve que la otra clase pone en peligro sus propiedades ; también apelan a las leyes que ellos han creado, y asesinan aquellos que no se someten a la propiedad sagrada. En esta lucha, también hermano hay muchos hombres mutilados, muchos más que en las guerras imperialistas.
¿Cómo evitaremos la guerra ? Sólo hay una forma, Perico. Aconsejando a las juventudes para que no construyan las armas con las cuales se han de matar ; y que no defiendan los intereses de nadie. Quien tenga propiedades, que las defienda él mismo.
Me vas a decir, Perico, que esto está bien ; pero que la guerra la tenemos encima, y hay que evitarla, de acuerdo hermano : hay que evitar la guerra. Solo los trabajadores organizados son capaces de impedir la matanza que se avecina. Cuando Herriot [26] regresó a París de un viaje por España, hizo unas declaraciones muy interesantes en la prensa parisina. España, dijo Herriot, es un país muy interesante y que mañana se debe tener en cuenta ; pues en cuanto los jóvenes republicanos consigan fortalecer la República, será un país muy útil para la seguridad de la paz.
Hay que tener en cuenta, hermano, que cuando estos hombres hablan de la paz, es la guerra, y cuando habla de fortalecer la República, es anular la organización, que en momentos de guerra podría paralizar la vida industrial de la nación. Herriot no se atrevió a decir públicamente que en España no es posible una movilización mientras exista la Confederación.
Así mismo, hay que evitar la guerra, pero hay que prepararse para que ésta no se lleve a cabo. Si se hace inevitable, tienes que dar soluciones para que fracasen los partidarios de ésta. Lo mismo que piensa uno de hacerse en el otoño un abrigo para salvarse del frío del invierno. Hay que organizarse ; pero si llega el momento fatal de la guerra, sepamos paralizar la industria nacional ; arma contundente para hacer fracasar los planes maquiavélicos de una clase sin escrúpulo, que por conservar sus privilegios son capaces de hacer asesinar a media humanidad.
Perico, ti continúa escribiendo ; tus dos artículos me han gustado mucho ; lo que tienes que hacer es leer ; si necesitas detalles para documentarte referente a la guerra ; yo te los mandaré, pues en París hay un comité integrado por hombres muy capaces, que escriben mucho y bien referente a la guerra,
Tú que lees el francés, te serán muy útiles, en Barcelona yo tengo algunos periódicos ; si los necesitas escribes a Mimi que te los manda, y si quisieras la [le] puedes decir que te ponga en relación con este comité, y te suscribes a la prensa ; es cuestión de una peseta por semana. Esta prensa te será muy útil. Si yo saliera pronto, hablaríamos esto, y te proporcionaría revistas francesas que son verdaderas joyas literarias y científicas.
Tú anímate Perico, y adelante ; pero sin hacer demagogia. Se triunfa cuando se es valiente.
Mimi me ha escrito que su madre se marcha para París, la mujer [27] está triste porque se queda sola, y tiene que dar a guardar la nena [28] .
Rosa [29] : mándame si la tienes, la carta que has leído en la prensa, y que está firmada por mí, pues no la he leído.
Dar recuerdos a los amigos, y Manolín [30] que me escriba.
Recibir un abrazo de éste que os quiere, Pepé [31] .”
[Firmado Pepé]
*
Durruti, Díez, Ascaso, Combina y Lorda, posaron tras las rejas de la cárcel del Penal del Puerto de Santa María en agosto de 1933, en una foto muy difundida en la época, que fue enviada por Durruti a su familia y a compañeros de lucha con dos hermosas dedicatorias alternativas. La primera dedicatoria decía : “No habrá paz en la tierra mientras existan las cárceles. Que no olviden los idealistas que ellos son los encargados de destruirlas”. La segunda dedicatoria : “La única solución que han dado los republicanos es encarcelar a los que no piensan como ellos”.
El 13 de septiembre Durruti, Ascaso y Combina, junto a varios compañeros, fueron trasladados a Sevilla para ser juzgados en aplicación de la Ley de vagos y maleantes de la Segunda República, con gran indignación de todos ellos, que consideraban como un insulto ser juzgados por vagos, porque toda su vida habían vivido del fruto de su trabajo. Se declararon en huelga de hambre. Finalmente Combina y Durruti fueron liberados de la cárcel el 7 de octubre de 1933, llegando a Barcelona el día 10. Sin embargo Francisco Ascaso y otros tres compañeros (Díez, Valiente y Paniza) fueron retenidos en la cárcel hasta el 3 de noviembre, acusados por el juez de un nuevo delito de “desobediencia”, por negarse a firmar la sentencia que les regalaba el título de vagos.
El 22 de octubre de 1933 ocho mil miembros uniformados de los escamots de las JEREC desfilaron militarmente en Montjuic, imitando el modelo nazi-fascista. Vestidos con camisa militar verde, pantalones oscuros de pana, correajes de cuero y botas, vitorearon los discursos de Miguel Badía, de Josep Dencás (según la “Soli” ridículo imitador de Hitler) y del tan manipulado como ambicioso presidente Macià.
Tal desfile provocó al día siguiente un encendido debate en el Parlamento catalán, que rechazaba en su mayoría tales manifestaciones totalitarias, aunque todo quedó en mera palabrería y en la mayor pasividad.
El 24 de octubre un grupo de escamots asaltaron a punta de pistola la imprenta donde se imprimía el semanario humorístico El Be Negre, provocando algunos desperfectos, al tiempo que destruían y secuestraban los cinco o seis mil ejemplares del número de esa publicación en curso de impresión. No se detuvo a nadie, el redactor que había ofendido a algunos dirigentes de ERC y Estat Català huyó prudentemente a un lejano país y el propietario de la imprenta presentó cargos por destrucción de algunos enseres y deterioro de maquinaria contra el confeso participante en el asalto, el señorito Jaume Aiguader (hijo del alcalde de Barcelona y dirigente de ERC del mismo nombre), que estuvo al mando, con su tío Artemi, del escamot de los 15 asaltantes del semanario.
La “Soli” advirtió que si los escamots les atacaban se defenderían adecuadamente, muy lejos de la pasividad de El Be Negre.
En los meses siguientes la emulación fascista de los escamots incluyó también reventar huelgas y boicotear los mítines de los partidos rivales, al mismo tiempo que Badía y Dencás se hacían con los resortes efectivos de Gobernación y Orden Público. Mientras tanto, Durruti, Ascaso y Combina intervinieron en los masivos mítines de la campaña abstencionista de la CNT. La guerra social seguía su curso.