de Michael Seidman
Parution de l’édition espagnole de
Ouvriers contre le travail
à Barcelone et Paris
sous le Front Populaire
de Michael Seidman
Traduit de l’anglais par Federico Corriente
Pepitas de Calabaza, Logroño, mayo 2014 [1]
« Nous voulons voir la fin du sinistre loisir parce qu’il suppose le travail – et que le travail n’est qu’un bon prétexte pour ne rien faire »
La Polycritique, 1968
Nous avons déjà évoqué les éditions française et allemande de cet ouvrage [2] et mis à disposition sur ce site un commentaire critique [3] ainsi qu’une série d’articles intitulés : « De La lucha por Barcelona à El elogio del trabajo. L’anticapitalisme des anarchistes et anarcho-syndicalistes espagnols des années trente. », où il est fait usage de ce travail. [4]
Ouvriers contre le travail a été traduit et publié en japonais (1998), en Grec (2006), en Turc, en français (2010) et en Allemand (2011).
En Espagne, seul un petit opuscule édité en 1988 par l’équipe barcelonaise d’ETCETERA [5] fit connaître les thèses de Seidman dans ce pays. Il a fallu attendre 2014 pour que paraisse enfin Obreros contra el trabajo, alors que les autres livres de Seidman traitant également de la guerre civile ont été traduits [6].
La sortie de l’édition française chez Senonevero a fourni l’occasion à Michael Seidman de tirer un bilan, en 2011, de l’accueil que son livre a reçu depuis sa parution en anglais en 1991. Dans « L’étrange Histoire de Ouvriers contre le travail. Les vicissitudes d’un livre. [7] » publié en bilingue aux bons soins d’Échanges [8] il rappelle que c’est durant son séjour en France (1979-1982) et au contact d’une « critique du travail » ambiante dans certains milieux qu’est née l’idée de ce livre. Et c’est en France 20 ans après qu’il fut le plus commenté :
« Cet essai aborde […] certains aspects de l’histoire du travail et de ses relations avec les théories des années 1970 à aujourd’hui ; il a finalement pour dessein d’explorer le milieu, peu connu mais intellectuellement actif, de l’extrême gauche en France durant cette période.
[…]
L’intérêt des libertaires et des marxistes pour Ouvriers contre le travail manifeste le désir des militants d’extrême gauche de défendre, mais aussi de revivifier et réviser leurs théories. Contrairement aux générations précédentes de gauchistes qui assuraient que les ouvriers travailleraient pour la révolution, leurs héritiers d’aujourd’hui sont nombreux à constater que le problème le plus difficile ne sera pas tant de renverser la bourgeoisie que de mettre les salariés au travail pour la cause. Ces gauchistes ont accepté de meilleur gré que bon nombre d’universitaires les arguments d’Ouvriers contre le travail selon lesquels le mouvement ouvrier fut souvent un effort de la base pour éviter le lieu de travail et échapper au temps du travail. De nouveaux éléments de la gauche radicale ont apprécié la remise en question du productivisme des traditions capitaliste et anarchiste ou marxiste tout à la fois.
Ils ont aussi accueilli favorablement la conclusion d’Ouvriers contre le travail selon laquelle la prolongation du travail salarié servirait probablement de caution au besoin pour la société d’un État répressif afin de maintenir les travailleurs au travail pendant, et peut-être même après, la révolution.
L’étrange histoire d’Ouvriers contre le travail démontre les vicissitudes d’une œuvre intellectuelle et de sa réception. Un ouvrage reçu avec ambivalence par le milieu universitaire américain en 1990 a trouvé une audience plus enthousiaste en terre étrangère une génération plus tard. L’histoire du travail est retournée à ses racines non académiques du début du XIXe siècle présentes chez les théoriciens « utopiques » et « scientifiques » de la classe ouvrière. »
Traduction française du quatrième de couverture de l’édition espagnole :
Ce livre constitue une étude comparative de l’histoire sociale et politique pendant la révolution espagnole à Barcelone et sous le gouvernement du front populaire à Paris au cours des années 1936-1939. Il se centre sur l’attitude adoptée par les ouvriers des deux villes à l’égard du travail alors que les organisations, qui prétendaient les représenter, exerçaient à des degrés divers certaines responsabilités gouvernementales.
Fruit des recherches réalisées à Paris, Barcelone et Salamanque, au début des années 1980, publié pour la première fois en 1991 aux États-Unis, Ouvriers contre le travail abonde en documents et informations sur les luttes ouvrières du quotidien. Il fait la démonstration que les approches productivistes et culturalistes sont incapables de saisir de manière adéquate certains aspects fondamentaux du comportement de la classe travailleuse.
Cet ouvrage qui offre un examen de l’activité ouvrière dans le contexte révolutionnaire comme en période réformiste met en évidence la persistance d’une résistance directe et indirecte au travail.
Seidman s’attache à des détails qui permettent de dépasser les sempiternelles querelles idéologiques et politiques. Il en résulte une étude rafraîchissante qui nous aide à comprendre l’histoire de ces deux pays, et à approfondir la compréhension de ces deux moments clé de l’histoire du XX° siècle européen. En outre, elle contribue à mettre en lumière une dimension du monde du travail jusqu’à il n’y a pas si longtemps considérée comme taboue : la résistance qu’il engendre, et le rôle joué en rapport par les organisations « ouvrières ».
Ce livre n’est pas particulièrement passé inaperçu : il a été traduit en sept langues et depuis sa parution, il a déchaîné des passions dans tout le spectre idéologique. Comme le dit l’auteur dans « L’étrange histoire d’Ouvriers contre le travail », « ses admirateurs ont été des universitaires, des libertaires, des communistes et des capitalistes, et ses détracteurs furent tout aussi hétérogènes. »
Ce volume publié aujourd’hui pour la première fois en castillan a été traduit par Federico Corriente et comprend un épilogue écrit en collaboration avec Jorge Montero : « Sur les viscissitudes d’ Ouvriers contre le travail », destiné à faire la lumière sur l’environnement qui l’a inspiré, et pour en même temps attiser un débat plus que nécessaire de nos jours.
Les éditeurs espagnols
Épilogue
Sur les vicissitudes de
Les ouvriers contre le travail
Jorge Montero et Federico Corriente
« 14 thèses sur la Commune »,
Internationale situationniste n° 7 (1962)
Ici, il faut dire que nous n’avons jamais envisagé l’existence du “ mouvement anarchiste ”, mais seulement celle des réalités de notre époque. Il est vrai cependant que nous croyons les perspectives de l’I.S. incompatibles à long terme avec l’existence et les prétentions des “ autres mouvements politiques révolutionnaires ”, et pour la simple raison que, si la miséreuse bureaucratie anarchiste se met aujourd’hui à la traîne de tels “ autres mouvements politiques ” non précisés, pour notre part nous ne leur reconnaissions en rien la qualité de mouvements “ révolutionnaires ” ; et tout ce qui s’est passé depuis nous confirme dans notre opinion.
Guy Debord et Gianfranco Sanguinetti,
« Sur la décomposition de nos ennemis »,
dans La véritable scission dans l’Internationale (1972)
L’aspect le plus intéressant du livre de Michael Seidman (Les ouvriers contre le travail : Barcelone et Paris sous le Front Populaire), traduit aujourd’hui pour la première fois en castillan, est celui de constituer une analyse de l’anarcho-syndicalisme et du syndicalisme révolutionnaire comme phénomènes de transition entre la domination [9] formelle et la domination réelle du capital [10] (terminologie que n’emploie certes pas Seidman) et la démythification qui en résulte de l’anarchisme ibérique, et il nous montre à quel point ce dernier se convertit, au moins à partir d’un certain moment, en une forme d’adaptation conflictuelle à l’intégration dans la société capitaliste, plutôt qu’en un mouvement de contestation radicale de celle-ci.
Seidman souligne le rôle fondamental joué par le développement (et le sous-développement) industriel dans le procès d’assimilation progressive de l’anarcho-syndicalisme espagnol par le système capitaliste durant les années trente. Déjà avant juillet 1936, le projet communiste libertaire avait été reformulé à tel point que, pour le courant majoritaire du mouvement, « faire la révolution » signifiait adapter l’anarchisme aux exigences de la société industrielle et prendre la place d’une bourgeoisie « parasitaire et improductive », incapable de développer les forces productives.
Les anarcho-syndicalistes des années trente partageaient pour l’essentiel le point de vue de ce que Moishe Postone a qualifié de « marxisme traditionnel » [11], à savoir une critique du capitalisme « du point de vue du travail », ou, ce qui est la même chose, à partir d’une optique qui considérait les rapports de production basés sur la propriété privée des moyens de production et le marché comme les principaux obstacles au développement des forces productives et à l’« émancipation du travail ». Ainsi donc, selon Postone, on pourrait dire que tant le « marxisme traditionnel » que l’anarcho-syndicalisme substituèrent à la critique émise par Marx du mode de production – une « critique du travail dans le capitalisme », c’est-à-dire de la totalité identifiée au capital et constituée par le travail, en ce qu’ils étaient tous deux les objets centraux de la critique – un projet politique de modification de la distribution du produit social, et au corollaire de cette critique, l’auto-abolition du prolétariat, une théorie de l’« émancipation du travail » entendue comme conquête du pouvoir (politique ou social) par la classe laborieuse et généralisation à toute la société de la condition ouvrière.
Tout au long de la période ascendante du mouvement ouvrier, tant les marxistes que les syndicalistes révolutionnaires (anarchistes ou non) placèrent leurs espoirs de dépassement du capitalisme et de la société de classe dans le pouvoir toujours plus grand de la classe ouvrière au sein du capitalisme. Les anarcho-syndicalistes espagnols, par exemple, convertirent le syndicat en une entité de lutte contre le capital qui préfigurait la société émancipée du futur. Ainsi, tandis que le congrès fondateur de la CNT (en 1910) avait défini le syndicalisme comme un moyen de lutte et de résistance et non comme une fin en soi, le syndicat s’était converti, à l’occasion de son IIIe congrès (en 1931), dans « le type d’organisation indépassable, non seulement comme instrument de résistance face au capitalisme, mais en outre comme principe pour le supplanter dans l’hégémonie et la direction de la société ».
Le projet du communisme libertaire ibérique, donc, était complètement imprégné de l’idéologie ouvriériste de l’époque, qui portait, selon Seidman, « l’acceptation du travail à sa conclusion extrême, bien que logique, et proposait de construire une utopie centrée sur les lieux de travail ». Les anarcho-syndicalistes ne remettaient aucunement en question la centralité du travail dans le mode de production capitaliste, ni non plus des phénomènes plus « abstraits » comme les ravages sociaux et psychiques causés par la dictature de la valeur (dont la substance n’est autre que le travail abstrait producteur de survaleur). Tout au contraire, si quelque chose mobilisait leurs ardeurs critiques, c’était le non-travail sous toutes ses formes : celui des capitalistes, évidemment fainéants et parasites, mais également celui qui plongeait ses racines dans l’aversion au travail des classes populaires, qu’ils accusaient fréquemment d’être inspirées par les premiers ou par le désir de les imiter. C’est la raison pour laquelle la perspective utopique d’abolir le travail à un horizon situé au-delà de la révolution sociale devait paradoxalement avoir pour point de départ l’élimination de toutes les restrictions qui pèseraient sur lui et, en conséquence, l’extension de la condition ouvrière à tout le monde. C’est donc en pleine cohérence avec ce qui précède que le fameux grand chef de la CNT-FAI, Diego Abad de Santillán, fit sienne en 1936 la maxime biblique (et bolchevique) : « Qui ne travaille pas ne mange pas. »
Dans son livre, Seidman suit les contours de l’idéologie anarcho-syndicaliste à partir de la trajectoire de Abad de Santillán, qui, d’une opposition à la domination du syndicalisme au sein du mouvement anarchiste, se convertit en peu de temps en l’un des partisans les plus farouches du syndicat comme base de la révolution. De la même façon, s’il critiquait en 1931 la technologie et écrivait que « l’industrialisme moderne, à la Ford, est du pur fascisme », il s’était converti deux ans plus tard en fervent partisan du fordisme et en vint même à soutenir que même si les moyens de production étaient transférés de la propriété privée à la propriété collective, l’essence de la production et les méthodes de production ne changeraient en rien. En plus de Abad de Santillán, Seidman cite d’autres pontes anarchistes espagnols renommés, depuis les plus modérés jusqu’aux individualistes, en passant par les collectivistes, tous fervents défenseurs du travail, du progrès et de la gestion ouvrière de la production, très sainte trinité destinée, selon eux, à la réorienter en direction de la satisfaction des besoins des travailleurs.
L’anarcho-syndicalisme mettait ainsi en évidence jusqu’à quel point il avait assumé la logique et la dynamique du capitalisme, ainsi que sa conséquence inévitable : l’incompréhension totale et l’hostilité avec lesquelles il accueillerait le refus d’une grande partie du prolétariat espagnol de se laisser imposer une « nouvelle » organisation du travail à partir de juillet 1936. Dès que les militants de base de la CNT, conjointement à d’autres travailleurs, s’emparèrent spontanément de la plupart des entreprises de Barcelone, les bonzes cénétistes ne tardèrent pas à faire l’éloge de l’excellente organisation scientifique du travail et à proposer la rationalisation, la concentration et la standardisation des industries « bloquées sous le régime de la propriété privée », en faisant appel, à l’instar de vulgaires bolcheviques, aux méthodes capitalistes les plus « avancées » (comme le taylorisme).
Ainsi, à partir de juillet 1936, la CNT dut affronter non seulement ses ennemis de classe, mais en outre ceux qu’elle prétendait représenter. Comme les patrons l’avaient fait dans leurs entreprises avant la révolution, les syndicats lièrent la paie au rendement et rétablirent en 1937 le travail à la pièce et les primes (supprimés en juillet 1936) dans les entreprises collectivisées. Non contents de ces mesures, les dirigeants anarcho-syndicalistes menacèrent les tire-au-flanc avec les carnets de producteurs ou « carnets d’identité de travailleurs » défendus par le dirigeant cénétiste Ángel Pestaña. Pour finir, et pour le cas où cela ne suffirait pas, il restait toujours l’option des « camps de travail » créés par le ministre « anarcho-bolchevique » Juan García Oliver [12], au sein desquels la fameuse « œuvre constructive de la révolution espagnole » avait prévu de racheter les péchés contre-révolutionnaires des vagabonds, fainéants, factieux, délinquants et autres « mauvaises herbes » à travers la thérapie salvatrice du travail. Néanmoins, en dépit des appels des dirigeants syndicaux qui étaient à la tête des usines à travailler toujours plus et à se sacrifier au nom de la révolution, les revendications ouvrières traditionnelles ne cessèrent point, et nombreux furent les travailleurs qui continuèrent à exiger des augmentations de salaire et à persévérer dans toutes ces pratiques destinées à réduire le temps de travail et diminuer la productivité (absentéisme, retards, manque de ponctualité, faux arrêts - maladie, sabotage, baisses des cadences, indiscipline et indifférence).
Dans la seconde moitié du livre, Seidman analyse les révoltes anti-travail des ouvriers parisiens sous le gouvernement de Front Populaire, et il nous explique comment – à l’image de ce qui était survenu à Barcelone – le refus du travail précédait la victoire électorale de la coalition du Front Populaire. À la différence de l’Espagne, où persistait la domination formelle du capital, la transition vers la domination réelle s’était déjà accomplie en France. L’introduction de l’organisation scientifique du travail dans les industries automobiles de la région parisienne avant la Première Guerre mondiale avait provoqué des grèves contre l’accélération des rythmes de travail et la réduction des tarifs du travail à la pièce comme conséquence de la déqualification des tâches entraînée par les nouvelles méthodes d’organisation. La situation s’aggrava dans les années vingt, période au cours de laquelle le taylorisme se généralisa, les chaînes de montage se multiplièrent dans toute l’industrie automobile et les travailleurs qualifiés se virent peu à peu remplacés par des ouvriers spécialisés auxquels il fallait imposer une discipline rigoureuse et insupportable dans les usines afin qu’ils se soumissent à des tâches répétitives et ennuyeuses.
Après la victoire électorale du Front Populaire français en mai 1936, les travailleurs parisiens déclenchèrent une vague de grèves avec occupations spontanées des usines (pour la première fois dans l’histoire de France) dans les secteurs aéronautique, métallurgique et automobile. Peu après la fin des occupations d’usines – non sans la collaboration inestimable des staliniens, qui jouèrent de la matraque contre « ceux qui ne savent pas terminer une grève » et « se laissent entraîner dans des actions inconsidérées » [13] (Thorez, secrétaire général du PCF le 8 juin 1936) –, de nombreux travailleurs profitèrent du relâchement d’une discipline d’usine rien moins que militaire pour arriver tard, partir tôt, manquer au travail et ralentir au maximum le rythme de production. Même la législation du travail plus « radicale » de la IIIe République, approuvée par le gouvernement de Léon Blum le 7 juin 1936 (semaine de travail de quarante heures, congés payés et augmentations de salaires), ne parvint pas à persuader les ouvriers parisiens de travailler de façon plus diligente et intensive. L’immense majorité des travailleurs, toutefois, ne manifesta pas la moindre intention de s’emparer des moyens de production ni d’en assurer la gestion ; simplement, ils avaient très peu envie de travailler, que cela fût pour le patron ou pour l’État.
La résistance au travail a accompagné en grande ou en moindre partie toutes les étapes de l’industrialisation, même si elle le fit de manière plus souterraine à certaines étapes et plus ouverte à d’autres. Néanmoins, à partir du milieu du XIXe siècle, les organisations, partis et syndicats ouvriers (quelle que soit leur couleur idéologique) la combattirent et la condamnèrent à la clandestinité jusqu’à ce que, à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix, toute une vague de luttes antisyndicales et anti-travail la ramène au premier plan et rende visiblement étrange la proposition de reconstruire le monde autour de lieux que les occupants fuyaient comme la peste
En juin 2011, Michael Seidman publia un article intitulé « L’étrange histoire de Ouvriers contre le travail » [14] , qui était destiné à préciser les origines de l’œuvre et faciliter la compréhension de l’« étrange réception » qu’il avait reçue dans des milieux des plus hétéroclites (« Ses admirateurs en ont été des universitaires, des libertaires, des communistes et des capitalistes ; ses détracteurs à peu près également hétérogènes. ». Il proposa à cet effet d’explorer, entre autres sources de son livre, le milieu – peu connu mais intellectuellement actif, selon lui – de l’« extrême gauche » française des années soixante-dix, pour être plus précis de l’« ultragauche » historique. Cela dit, bien que le texte ne manque pas d’intérêt, il ne contribue pas trop à tirer la chose au clair.
Seidman commence par dire que la conception d’Ouvriers contre le travail se vit influencée – bien que non entièrement déterminée – par la « critique du travail » post-soixante-huitarde prépondérante dans ce milieu, à laquelle il fut exposé durant son séjour à Paris entre 1979 et 1982. Néanmoins, un peu plus loin, il reconnaît comme autres influences de cette époque la recherche générique d’« autonomie » et le refus de la part des ouvriers, des femmes et des prisonniers des techniques disciplinaires et du rôle dirigeant traditionnel des intellectuels, thématique très liée au nom de Michel Foucault.
Bien que Seidman ne le mentionne pas explicitement, les origines et les perspectives de ces deux influences déclarées sont radicalement distinctes (et nous laissons délibérément de côté la question de l’influence de diverses écoles historiographiques, qui compterait aussi pour beaucoup) [15] . Pour le dire vite, on peut difficilement considérer que le « discours de la dissidence » foucaldien et les élaborations de l’ultragauche post-soixante-huitarde aient grand chose en commun, bien qu’ils puissent paraître compatibles à première vue, car le premier commença à gagner de l’audience dans le contexte de la crise de la gauche établie (le PCF et les diverses extrêmes gauches), dans les marges de laquelle il cohabitait fort pacifiquement, tandis que l’ultragauche la considérait comme une des expressions fondamentales du monde qu’elle combattait.
Pour autant, et vu que les positions de Foucault sont très connues, nous concentrerons notre attention sur l’« extrême gauche française » [sic] à laquelle Seidman fait référence, à savoir les différents groupes qui surgirent en France après Mai 68, et qui s’approprièrent de manière critique le legs des Gauches Communistes historiques, que ce soit sur leur versant germano-hollandais (conseilliste) ou italien (bordiguiste), ainsi que les thèses de Socialisme ou Barbarie et de l’Internationale Situationniste (I.S.). Cette dernière fut un des rares groupes qui exercèrent une influence considérable sur la vague révolutionnaire de ces années, grâce dans une large mesure à sa critique du travail. Néanmoins, sa défense simultanée du slogan « Ne travaillez jamais ! » et de la devise « Tout le pouvoir aux conseils ouvriers ! » révélait également la contradiction existant entre la contestation situationniste du travail et son exhortation aux travailleurs pour qu’ils s’approprient les usines et les gèrent.
Après sa dissolution, la critique du travail de l’I.S. fut mise à jour par les mouvements sociaux du début des années soixante-dix, mais aussi à travers les écrits contemporains de différents groupes et revues qu’il conviendrait de qualifier rétrospectivement de « communisateurs » (bien que ce terme fût rarement employé à ce moment-là), et elle prit la forme du refus du conseillisme en tant que frère siamois stérile du léninisme et produit d’une époque dépassée [16]. Cette position, diffusée à travers la revue néobordiguiste Invariance (fondée par Jacques Camatte en 1968), est celle qui est sous-jacente à la critique du conseillisme réalisée par Jean Barrot (Gilles Dauvé) dans Contribution à la critique de l’idéologie ultragauche (1969). La question de fond, toutefois, allait beaucoup plus loin, car Barrot avait indiqué qu’« il suffi[sait] de voir que, de 1917 à 1936, de la révolution russe à la révolution espagnole, en passant par les insurrections en Allemagne, en Chine et ailleurs, aucun mouvement social d’envergure ne met en cause le fond même du capitalisme. Dès qu’un mouvement révolutionnaire triomphe, il ne peut qu’essayer de gérer le capitalisme, mais non de le bouleverser ».
Et c’est autour de cette question que se manifeste le manque d’intérêt de Seidman pour aborder ce que ce « mouvement anti-travail », pour ce qui le concerne, aurait à abolir (ou non), à savoir le rapport social capitaliste comme tel. S’il est bien vrai qu’il interroge le rôle joué par une gauche déterminée à « émanciper le travail » sans supprimer les bases du capitalisme [17] et met également en question la vision productiviste de celle-ci, Seidman ne met à aucun moment en relation la guérilla anti-travail et la critique du capital comme totalité, et il s’en dégage une attitude contemplative devant ce qui peut en sortir, le capitalisme contemporain par exemple, qui précisément doit son existence (et une grande partie de ses caractéristiques plus « novatrices ») au fait de s’être imposé pendant les années soixante-dix face à des luttes qui brandissaient la bannière du refus du travail (c’est pourquoi cela n’a pas beaucoup de sens, et encore moins maintenant, quand un chômage structurel galopant ne cesse de s’accroître, de ressortir cette bannière de la boue).
Contrairement à ce que l’on pourrait croire (il suffit, par exemple, de considérer les positions du post-opéraïsme contemporain), cette attitude contemplative n’est en rien incompatible avec l’assomption acritique de ce que la terminologie des opéraïstes italiens nommait le « point de vue ouvrier », c’est-à-dire l’antagonisme immédiat du « pôle travail » du rapport social capitaliste (« plus d’argent, moins de travail »), et elle se marie également très bien avec l’immédiatisme du désir prolétarien, qu’il soit individuel ou de masse, que semble défendre Seidman. Ce trait fondamental de sa méthodologie, dans celle-ci comme dans d’autres œuvres, est ce qui l’apparente plus étroitement à Foucault et compagnie qu’à l’« ultra-gauche » post-soixante-huitarde. Que cela soit bien clair, cependant : presque tous ceux qui critiquent et font des objections à Ouvriers contre le travail se situent dans la pratique sur le « pôle capital » de cet antagonisme, car ils assument idéalement la nécessité d’une « gestion politique » du processus révolutionnaire dont les conséquences et la signification sont connues de tous.
Traduction effectuée par les Giménologues
Epilogue dans sa version originale :
Sobre las vicisitudes de
Obreros contra el trabajo
« 14 tesis sobre la Comuna », Internationale situationniste nº 7 (1962)
A este respecto hay que decir que jamás hemos tenido en cuenta la existencia del “movimiento anarquista”, sino únicamente la de las realidades de nuestra época. Es cierto, no obstante, que a largo plazo consideramos que las perspectivas de la I. S. son incompatibles con la existencia y las aspiraciones de los “demás movimientos políticos revolucionarios”, por la sencilla razón de que, pese a que la miserable burocracia anarquista se haya colocado en la actualidad a remolque de tales “movimientos políticos” no identificados, por nuestra parte no les reconocemos en absoluto la condición de movimientos “revolucionarios”, y todo lo sucedido desde entonces no ha hecho sino confirmar nuestra opinión.
Guy Debord y Gianfranco Sanguinetti, « Sobre la descomposición de nuestros enemigos », en La verdadera escisión en la Internacional (1972)
La peculiaridad más interesante del libro de Michael Seidman, (Los obreros contra el trabajo : Barcelona y París bajo el Frente Popular), traducido ahora por vez primera al castellano, es la de ser un análisis del anarcosindicalismo y del sindicalismo revolucionario como fenómenos de transición entre dominación formal y dominación real del capital [18] (terminología ésta que Seidman, por cierto, no emplea) y la consiguiente desmitificación del anarquismo ibérico, y pone de relieve hasta qué punto éste llegó a convertirse, al menos a partir de cierto momento, en una forma de adaptación conflictiva a la integración en la sociedad capitalista en lugar de un movimiento de impugnación radical de ésta.
Seidman subraya el papel fundamental desempeñado por el desarrollo (y el subdesarrollo) industrial en el proceso de asimilación progresiva del anarcosindicalismo hispano por el sistema capitalista durante la década de 1930. Ya antes de julio de 1936 el proyecto comunista libertario había sido replanteado hasta tal punto que para la corriente mayoritaria del movimiento, « hacer la revolución » significaba adaptar el anarquismo a las exigencias de la sociedad industrial y ocupar el lugar de una burguesía « parasitaria e improductiva » incapaz de desarrollar las fuerzas productivas.
Los anarcosindicalistas españoles de los años treinta compartían en lo fundamental el punto de vista de lo que Moishe Postone ha calificado como « marxismo tradicional [19] », a saber, una crítica del capitalismo « desde el punto de vista del trabajo », o lo que es lo mismo, a partir de una óptica que consideraba las relaciones de producción basadas en la propiedad privada de los medios de producción y el mercado como los principales obstáculos al desarrollo de las fuerzas productivas y la « emancipación del trabajo ». Así pues, según Postone, tanto el « marxismo tradicional » como el anarcosindicalismo reemplazaron la crítica del modo de producción hecha por Marx —una « crítica al trabajo en el capitalismo », es decir, a la totalidad identificada con el capital y constituida por el trabajo, por lo que ambos eran objetos centrales de la crítica— por un proyecto político de modificación de la distribución del producto social, y su corolario, la autoabolición del proletariado, por una teoría de la « emancipación del trabajo » entendida como conquista del poder (político o social) por parte de la clase trabajadora y generalización a toda la sociedad de la condición obrera [20].
A lo largo de todo el período ascendente del movimiento obrero, tanto los marxistas como los sindicalistas revolucionarios (anarquistas o no) depositaron sus esperanzas de superación del capitalismo y de la sociedad de clases en el poder cada vez mayor de la clase obrera en el seno del capitalismo. Los anarcosindicalistas españoles, por ejemplo, convirtieron al sindicato en una entidad de lucha contra el capital que prefiguraba a la sociedad emancipada del futuro. Así, mientras el congreso fundacional de la CNT (1910) había definido el sindicalismo como un medio de lucha y resistencia y no como un fin en sí, al celebrarse su IIIer Congreso (1931) el sindicato había pasado a convertirse en « el tipo de organización insuperable, no sólo como instrumento de resistencia frente al capitalismo, sino también como valor para suplantar a éste en la hegemonía y la dirección de la sociedad ».
El proyecto de comunismo libertario ibérico, pues, estaba completamente impregnado de la ideología obrerista de la época, que de acuerdo con Seidman llevaba « la aceptación del trabajo a su conclusión extrema, aunque sea lógica, y proponía construir una utopía centrada en los lugares de trabajo ». Los anarcosindicalistas no cuestionaban en modo alguno la centralidad del trabajo en el modo de producción capitalista, ni mucho menos fenómenos más « abstractos » como los estragos sociales y psíquicos causados por la dictadura del valor (cuya sustancia no es otra que el trabajo abstracto productor de plusvalía). Todo lo contrario, si algo movilizaba sus pasiones críticas era el no-trabajo en todas sus formas : el de los capitalistas, vagos y parásitos por descontado, pero también el que tenía sus raíces en la aversión al trabajo de las clases populares, a la que acusaban con no poca frecuencia de estar inspirada por los primeros o por el deseo de imitarles. Paradójicamente, por tanto, el objetivo utópico de abolir el trabajo en un horizonte situado más allá de la revolución social había de tener como punto de partida inicial la eliminación de todas las restricciones que pesaran sobre él y, en consecuencia, la extensión de la condición obrera a todo el mundo. De ahí la completa coherencia con que en 1936 el conocido mandamás de la CNT-FAI, Diego Abad de Santillán hizo suya la máxima bíblica (y bolchevique) « el que no trabaja no come ».
En su libro, Seidman sigue los virajes de la ideología anarcosindicalista a partir de la trayectoria de Abad de Santillán, que de oponerse a la dominación del sindicalismo en el movimiento anarquista pasó en poco tiempo a convertirse en uno de los partidarios más ardientes del sindicato como base de la revolución. De igual forma, si en 1931 criticaba la tecnología y escribía que « el industrialismo moderno, a lo Ford, es puro fascismo », dos años más tarde se había convertido en un ferviente partidario del fordismo y llegó incluso a afirmar que aunque los medios de producción pasaran de ser propiedad privada a convertirse en propiedad colectiva la esencia de la producción y del método productivo no cambiarían en nada. Además de Abad de Santillán, Seidman cita a otros renombrados gerifaltes anarquistas españoles, desde los más moderados pasando por los colectivistas hasta llegar a los individualistas, todos ellos fervorosos defensores del trabajo, el progreso y la gestión obrera de la producción, Santísima Trinidad destinada, según ellos, a reorientar ésta hacia la satisfacción de las necesidades de los trabajadores.
El anarcosindicalismo ponía así de manifiesto no sólo hasta qué punto había asumido la lógica y la dinámica del capitalismo sino también su inevitable consecuencia : la total incomprensión y hostilidad con las que acogería el rechazo de una gran parte del proletariado español a la imposición de una « nueva » organización del trabajo a partir de julio de 1936. En cuanto los militantes de base de la CNT, junto a otros trabajadores, se adueñaron espontáneamente de muchas de las empresas de Barcelona, a los popes cenetistas no les faltó tiempo para alabar las excelencias de la organización científica del trabajo y proponer la racionalización, concentración y estandarización de las industrias « estancadas bajo el régimen de la propiedad privada » echando mano de los métodos capitalistas más « avanzados » (caso del taylorismo) como unos bolcheviques cualesquiera.
Así, a partir de julio de 1936, la CNT no sólo hubo de enfrentarse a sus enemigos de clase sino también a quienes decía representar. Tal y como habían hecho los patronos en sus empresas antes de la revolución, los sindicatos ligaron la paga al rendimiento y en 1937 restablecieron el trabajo a destajo y las primas (suprimidos en julio de 1936) en las empresas colectivizadas. No contentos con estas medidas, los dirigentes anarcosindicalistas amenazaron a los haraganes con los carnés de productores o « carnés de identidad laborales » promovidos por el dirigente cenetista Ángel Pestaña ; por último, y en caso de que lo anterior no bastara, siempre quedaba la opción de la « solución final » : los « campos de trabajo » creados por el ministro « anarcobolchevique » Juan García Oliver [21], en los que la célebre « obra constructiva de la revolución española » tenía previsto desplegarse redimiendo los pecados contrarrevolucionarios de vagos, holgazanes, facciosos, delincuentes y otras « malas hierbas » a través de la terapia salvadora del trabajo. No obstante, a pesar de los llamamientos de los dirigentes sindicales que estaban al frente de las fábricas a trabajar cada vez más y a sacrificarse en aras de la revolución, las reivindicaciones obreras tradicionales no cesaron, y fueron muchos los trabajadores que continuaron exigiendo aumentos de salarios y perseverando en todas aquellas prácticas destinadas a reducir el tiempo de trabajo y disminuir la productividad (absentismo, retrasos, impuntualidad, bajas fingidas, sabotaje, ritmo lento, indisciplina e indiferencia).
En la segunda mitad del libro Seidman analiza las revueltas antitrabajo de los obreros parisinos bajo el gobierno del Frente Popular, explicándonos cómo —al igual que había sucedido en Barcelona— el rechazo al trabajo precedió a la victoria electoral de la coalición frentepopulista. A diferencia de lo que sucedía en España, donde persistía la dominación formal del capital, en Francia la transición a la dominación real ya se había completado. La introducción de la organización científica del trabajo en las industrias del automóvil de la región parisina antes de la Primera Guerra Mundial había provocado huelgas contra la aceleración de los ritmos de trabajo y la reducción de las tarifas del trabajo a destajo como consecuencia de la descualificación de las tareas acarreada por los nuevos métodos de organización. La situación se agravó en la década de 1920, período en el que se generalizó el taylorismo y se multiplicaron las cadenas de montaje en toda la industria de la automoción y en el que trabajadores cualificados fueron reemplazados poco a poco por obreros especializados a los que era preciso imponer una disciplina rigurosa e insoportable en las fábricas para que se sometieran a tareas repetitivas y aburridas.
Tras la victoria electoral del Frente Popular francés en mayo de 1936, los trabajadores parisinos desencadenaron una oleada de huelgas con ocupación espontánea de las fábricas (por primera vez en la historia francesa) en los sectores aeronáutico, metalúrgico y del automóvil. Poco después de que las ocupaciones de fábrica remitieran, —no sin la inestimable colaboración de los estalinistas, que se liaron a porrazos con « quienes no saben terminar una huelga » y « se dejan arrastrar a acciones inconsideradas » [22] (Thorez, secretario general del PCF, 8 de junio de 1936)— muchos trabajadores aprovecharon la relajación de una disciplina fabril poco menos que militar para llegar tarde, marcharse pronto, faltar al trabajo y ralentizar al máximo el ritmo de producción. Ni siquiera la legislación laboral más « radical » de la IIIª República, aprobada por el gobierno de Léon Blum el 7 de junio de 1936, (semana laboral de cuarenta horas, vacaciones pagadas y aumentos salariales) fue capaz de persuadir a los obreros parisinos para que trabajasen de forma más diligente e intensa. La inmensa mayoría de los trabajadores, sin embargo, no dio muestras de la menor intención de apoderarse de los medios de producción ni gestionarlos ; sencillamente tenían muy pocas ganas de trabajar, ya fuese para el patrón o para el Estado.
La resistencia al trabajo ha acompañado en mayor o menor medida a todas las etapas de la industrialización, si bien lo ha hecho de manera más subterránea o abierta en determinadas etapas que en otras. No obstante, a partir de mediados del siglo XIX las organizaciones, partidos y sindicatos obreros (con independencia de sus matices ideológicos) la combatieron y la condenaron a la clandestinidad hasta que a finales de los años sesenta y principios de los setenta toda una oleada de luchas antisindicales y antitrabajo volvieron a ponerla en primer plano e hicieron visiblemente extraña la propuesta de reconstruir el mundo alrededor de unos centros cuyos ocupantes huían de ellos como de la peste.
En junio de 2011 Michael Seidman publicó un artículo titulado « La extraña historia de Los obreros contra el trabajo [23] », que estaba destinado a aclarar los orígenes de la obra y facilitar la comprensión de la « extraña acogida » que había obtenido en ambientes de lo más variopinto (« Sus admiradores han sido universitarios, libertarios, comunistas y capitalistas, y sus detractores han sido igual de heterogéneos. »). Para ello proponía explorar, entre otras fuentes de su libro, el medio —poco conocido pero intelectualmente activo, según señala— de la « extrema izquierda » francesa de la década de 1970, es decir, y para ser exactos, la « ultraizquierda » histórica. Ahora bien, pese a que el texto no carece de interés, tampoco contribuye demasiado a despejar determinadas incógnitas.
Seidman comienza diciendo que la conceptualización de Los obreros contra el trabajo se vio influida —aunque no completamente determinada— por la « crítica del trabajo » pos-sesentayochista preponderante en ese medio, a la que se vio expuesto durante su estancia en París entre 1979 y 1982. Sin embargo, un poco más adelante reconoce como otras influencias de aquella época la búsqueda genérica de « autonomía » y el rechazo por parte de obreros, mujeres y presos de las técnicas disciplinarias y del papel dirigente tradicional de los intelectuales, temática muy vinculada al nombre de Michel Foucault.
Aunque Seidman no lo mencione expresamente, los orígenes y las perspectivas de estas dos influencias declaradas son radicalmente distintos (y dejamos deliberadamente de lado la cuestión de la influencia de diversas escuelas historiográficas, que también daría para mucho [24]). En pocas palabras, difícilmente se puede considerar que el « discurso de la disidencia » foucaultiano y las elaboraciones de la ultraizquierda pos-sesentayochista tengan gran cosa en común, pese a que primera vista puedan parecer compatibles, pues el primero comenzó a ganar audiencia en el contexto de la crisis de la izquierda establecida (el PCF y los diversos izquierdismos) en cuyos márgenes cohabitaba más bien pacíficamente, mientras que la ultraizquierda la consideraba como una de las expresiones fundamentales del mundo que combatía.
Por tanto, y dado que las posiciones de Foucault son muy conocidas, centraremos nuestra atención en la « extrema izquierda francesa » (sic) a la que hace referencia Seidman, a saber, los diferentes grupos que surgieron en Francia después de mayo del 68, y que se apropiaron críticamente del legado de las Izquierdas Comunistas históricas, tanto en su vertiente germano-holandesa (consejista) como italiana (bordiguista), así como de las tesis de Socialisme ou Barbarie y de la Internacional Situacionista (I. S.). Éste último fue uno de los contados grupos que ejercieron una considerable influencia sobre la oleada revolucionaria de aquellos años, en no poca medida debido a su crítica del trabajo. No obstante, su defensa simultánea del eslogan « No trabajéis jamás » y del lema « todo el poder para los consejos obreros » también ponía de manifiesto la contradicción existente entre la impugnación situacionista del trabajo y su exhortación a los trabajadores a que se apropiaran de las fábricas y las gestionaran.
Tras su disolución, la crítica del trabajo de la I. S. fue puesta al día, además de por los movimientos sociales de principios de la década de 1970, por los escritos coetáneos de varios grupos y revistas a los que retrospectivamente cabría calificar de « comunizadores » (pese a que ese término rara vez se utilizó en aquel entonces), y se concretó en el rechazo del consejismo en tanto hermano siamés estéril del leninismo y producto de una época superada [25]. Esta posición, difundida a través de la revista neobordiguista Invariance (fundada por Jacques Camatte en 1968), es la que subyace a la crítica del consejismo realizada por Jean Barrot (Gilles Dauvé) en Contribución a la crítica de la ideología de ultraizquierda< (1969). La cuestión de fondo, sin embargo, iba mucho más allá, pues Barrot había señalado que
basta con ver que, de 1917 a 1936, de la revolución rusa a la revolución española, pasando por las insurrecciones en Alemania, China, etc., ningún movimiento social de envergadura pone en tela de juicio el fondo mismo del capitalismo. Desde el momento en que triunfa un movimiento revolucionario, no puede más que intentar gestionar el capitalismo, pero no derrocarlo.
Y es en torno a esta cuestión donde se hace patente la falta de interés de Seidman por entrar o salir en aquello que, en su caso, habría de abolir (o no) este « movimiento antitrabajo », es decir, la relación social capitalista como tal. Si bien es cierto que cuestiona el papel desempeñado por una izquierda empeñada en « emancipar al trabajo » sin suprimir las bases del capitalismo [26] y también pone en tela de juicio la visión productivista de ésta, Seidman no relaciona en ningún momento la guerrilla antitrabajo con la crítica del capital como totalidad, de lo que se desprende una actitud contemplativa ante lo que de allí pueda salir, por ejemplo, el capitalismo contemporáneo, que precisamente debe su existencia (y gran parte de sus características más « novedosas ») al hecho de haberse impuesto durante la década de 1970 a luchas que enarbolaron la bandera del rechazo al trabajo (de ahí que tenga bastante poco sentido, y más ahora, cuando crece sin cesar un paro estructural galopante, recoger del fango esa bandera).
Pese a lo que podría parecer (basta con fijarse, por ejemplo, en las posiciones del posoperaismo contemporáneo), esta actitud contemplativa no es en absoluto incompatible con la asunción acrítica de lo que la terminología de los operaistas italianos denominaba el « punto de vista obrero », es decir, el antagonismo inmediato del « polo trabajo » de la relación social capitalista (« más dinero, menos trabajo ») y también casa muy bien con el inmediatismo del deseo proletario, individual o de masas, que parecer abanderar Seidman. Este rasgo fundamental de su metodología, en esta y en otras obras, es lo que lo emparenta más estrechamente con Foucault y Cía que con la « ultraizquierda » pos-sesentayochista. Ahora bien, que quede claro : casi todos aquellos que critican y ponen reparos a Los obreros contra el trabajo se sitúan en la práctica en el polo « capital » de ese antagonismo, pues asumen idealmente la necesidad de una « gestión política » del proceso revolucionario cuyas consecuencias y significado son de todos conocidas. “
Jorge Montero y Federico Corriente
Les Giménologues, le 15 juin 2014