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Récit du Canadien Bill Wood
membre du Groupe International de la colonne Durruti

Récit du Canadien Bill Wood
membre du Groupe International de la colonne Durruti

Nous avons cité dans Les fils de la nuit le témoignage du Canadien Bill Wood, publié en septembre 1937 dans le mensuel One Big Union, organe des IWW :

« Compagnie Internationale : témoignage du Canadien Bill Wood [1] »

RETOUR D’UN SOLDAT


La lettre qui suit a été publiée dans le journal de l’IWW américaine, le mensuel One Big Union en 1937.


Introduction originale :

Le Mensuel One Big Union et l’Industrial Workers of the World sont corps et âme pour le succès du combat antifasciste en cours en Espagne, mais nous ne voyons aucune raison de nous cacher la tête dans le sable et de prétendre ne pas être informés de la présence d’éléments de la classe capitaliste au sein du gouvernement espagnol de Front Populaire, qui essaient de voler la victoire aux syndicalistes révolutionnaires espagnols.
Peu importe notre sentiment sur la sagesse de la conduite des Syndicalistes dans leur collaboration avec un gouvernement politique, les informations et les arguments contenus dans cette lettre d’un combattant de base dans la lutte pour la liberté de la classe ouvrière, et dans d’autres articles parus dans ce magazine, ne peuvent que rappeler qu’il y a encore des ennemis des travailleurs parmi ceux qui choisissent la « démocratie » par opposition au fascisme.

LA REDACTION


Marseille. France.
Compagnon,

J’ai reçu ta lettre l’autre jour à Barcelone. J’ai tapé trois pages en réponse, mais je n’ai pas pu les faire sortir du pays. Alors je les ai déchirées.

Je suis hors d’Espagne. Les raisons sont nombreuses. J’étais de trop pour le gouvernement et j’étais dans le Bataillon International de Choc Durruti. Le gouvernement nous a sabotés depuis notre formation en mai et nous a mis dans l’impossibilité de rester au front. Pas d’argent, pas de tabac. Tout le temps que j’ai passé dans la milice, je n’ai pas touché d’argent. Je devais demander de l’argent pour des timbres poste, etc. J’ai été retiré du front pour une légère commotion due à un obus et mis dans un hôpital à Barcelone. À l’enregistrement à l’hôpital, je leur ai dit que j’étais du Bataillon International Durruti, et ils n’ont pas voulu m’enregistrer. En fait, ils m’ont dit de m’en aller et de demander à mes amis de l’argent et un endroit où dormir. Je leur ai expliqué que je venais du Canada et que je n’avais pas d’amis à Barcelone, et ils ont essayé de me retenir prisonnier dans l’hôpital. Je les ai traités de pouilleux. Je ne pouvais pas y croire.
De toute façon un jour je me suis échappé de l’hôpital pour rejoindre la section anglaise de la CNT-FAI, et là les gens ont insisté pour que je voie le consul britannique pour un visa de sortie d’Espagne. C’est ce que j’ai fait, même si j’avais en horreur l’idée de partir.

L’Espagne est un pays merveilleux. Je me souviens à présent des histoires que j’avais lues sur l’OGPU en Russie. Les prisons de l’Espagne loyaliste sont pleines de volontaires qui n’ont pas l’esprit borné. Je connais l’un d’entre eux qui est de Toronto, et qui est membre du L.R.W.P. Je me demande s’ils ne vont pas le supprimer. Les staliniens n’hésitent pas à tuer quiconque n’accepte pas aveuglément Staline comme un second Christ. Un des réfugiés qui ont quitté l’Espagne avec moi était membre de l’OGPU en Espagne qui, en fait, est contrôlée par la Russie. Tout volontaire des Brigades Internationales communistes est considéré comme un ennemi potentiel de Staline. Il est contrôlé et recontrôlé, chacun d’entre eux. S’il prononce un mot différent du vocabulaire coco, il est emmené « faire un tour ». Ce gars-là (ex-OGPU) est comme tous les autres cocos qui quittent l’Espagne, absolument anti-Staline et anti-communiste. Il a décampé du pays en exhibant son insigne de l’OGPU dans les trains. etc.

Je crois que l’IWW a perdu quelques-uns de ses membres ici, dans la mesure où je doute qu’ils restent tranquilles au front au vu de ce qui est en train de se passer.
C’est seulement par le sabotage que le gouvernement est arrivé à démanteler le Bataillon International des Anarchistes. Quatre de notre groupe sont morts de privations en un jour. Nos armes étaient pourries, alors que le gouvernement de Valence a plein d’armes et d’avions. Ils savent y faire pour ne pas donner d’armes aux milliers d’anarchistes du front d’ Aragon. Nous aurions pu sortir les fascistes de Huesca et de Saragosse si nous avions eu l’aide de l’aviation. Mais les anarchistes forment des collectivités partout où ils avancent, et ces camarades préfèreraient laisser Franco mettre la main sur ces villes plutôt que la CNT-FAI.
Fenner Brockway, éminent leader travailliste anglais, exposa la manière dont les communistes traitaient ces gars (les volontaires) dans les Brigades Internationales. Ils ne laisseront revenir aucun d’entre eux, à moins qu’il ne s’agisse de racketteurs à la Sam Scarlett qui diront tout ce qu’on leur dira de dire aussi longtemps que les « côtelettes de porc » seront de saison.
La CNT-FAI semble avoir perdu tout le pouvoir qu’elle avait dans l’armée. Il y a un fort important, au sommet d’une colline qui domine Barcelone, que les Anarchistes avaient pris aux fascistes. Quand je suis parti pour le front, il était toujours entre les mains de la FAI, mais quand je suis revenu, ce sont les communistes qui l’avaient. Les travailleurs d’Espagne sont contre les communistes, mais ces derniers s’en fichent. Ils mettent tout en œuvre pour le soutien de la bourgeoisie et autres combinards. Pour tout ce qui concerne l’industrie, la CNT est très puissante, bien plus que n’importe quelle autre organisation.
Voilà, compagnon, un jour est passé depuis que j’ai écrit ce qui précède. Hier soir, j’ai eu un mal de tête et j’ai dû remettre la fin de cette lettre. Je mange bien depuis que je suis en France.
Je crois que le consul britannique va m’envoyer en Angleterre ou au Canada. Si je n’étais pas dans un tel état, je prendrais un bateau anglais pour l’Espagne. Les salaires sont doublés sur la ligne espagnole, et les bateaux restent à quai faute d’équipages. J’ai été sur des bateaux anglais et personne de l’équipage ne savait parler anglais.
J’ai rencontré deux autres hommes des Brigades Internationales ce matin. Ils disent que beaucoup de Canadiens sont en prison en Espagne.

Avec mes vœux pour l’IWW

Bill Wood. »

Lettre originale en anglais du Canadien Bill Wood

« One Big Union Monthlyseptember 1937.

The following letter was published in the American IWW’s paper, One Big Union Monthly in 1937. Original introduction - A SOLDIER RETURNS

The One Big Union Monthly and the Industrial Workers of the World are heart and soul for the success of the anti-fascist fight going on in Spain but we see no reason why we should stick our heads in the sand and pretend not to be aware of the capitalist class element within the Spanish United Front government that is trying to rob the Spanish revolutionary unionists of victory.
No matter what our opinion may be as to the wisdom of the syndicalists’ policy of co-operation with political government, the information and arguments contained in this letter from a rank and file fighter in the cause of working class freedom, and in other articles appearing in this magazine, cannot but be valuable reminders that there are still working class enemies among those who favor "democracy" as opposed to fascism –
EDITOR.

« Marseilles, France. Fellow Worker :

Received your letter the other day in Barcelona. I typed three pages in reply but could not smuggle it out of the country, so I tore it up.
I am out of Spain. The reasons are numerous. I was not wanted by the government as I was in the Durruti International Shock Battalion. The government sabotaged us since we were formed in May and made it impossible for us to stay at the front. No tobacco unless you had money. All of the time I was in the militia I received no money. I had to beg money for postage stamps, etc. I was sent back from the front slightly shell-shocked and put in a hospital in Barcelona. when we registered at the hospital I told them I was from the Durruti International Battalion and they wouldn’t register me. In fact they told me to go and ask my friends for money for a place to sleep. I explained to them that I was from Canada and had no friends in Barcelona, then they tried to make me a prisoner in the hospital. I called them all the lousy — I could think of. Anyway, I ran away from the hospital one day to the English section of the CNT-FAI and the people there insisted that I see the British consul for a permit to leave Spain, which I did, though I hated to leave.

Spain is a wonderful country. At present it reminds me of the stories I have read of the O.G.P.U. in Russia. The jails of loyalist Spain are full of volunteers who have more than a single-track mind. I know one of them from Toronto, a member of the L.R.W.P. I wonder if they will bump him off. The Stalinists do not hesitate to kill any of those who do not blindly accept Stalin as a second Christ. One of the refugees who came over with me from Spain was a member of the O.G.P.U. in Spain, which, by the way, is controlled by Russia. Every volunteer in the Communist International Brigade is considered a potential enemy of Stalin. He is checked and double- checked, every damn one. If he utters a word other than commy phrases he is taken "for a ride." This chap (ex- O.G.P.U.) is like all the other commies coming out of Spain, absolutely anti-Stalin and anti-communist. He skipped the country by flashing his O.G.P.U. badge on the trains etc.

I believe that the I.W.W. has lost some members here, as I doubt if they would keep quiet at the front in view of what is taking place.
It was only through sabotage that the government succeeded in disbanding the International Battalion of Anarchists. Four of our bunch died of starvation in one day. Our arms were rotten, even though the Valencia government has plenty of arms and planes. They know enough not to give arms to the thousands of anarchists on the Aragon front. We could have driven the fascists out of Huesca and Saragossa had we had the aid of the aviation. But the Anarchists form collectives where ever they advance, and these comrades would rather let Franco have those cities that the CNT-FAI.

Fenner Brockway, prominent labor leader in England, exposed the way the communists were treating those boys (volunteers) in the International Brigade. They will not let any of them come back unless they are racketeers of the Sam Scarlett type who will say anything they are told as long as the pork chops are coming in.

The CNT-FAI seems to have lost all the power they had in the army. There is a good fort on the top of a hill overlooking Barcelona which the anarchists captured from the fascists. When I left for the front it was still in the hands of the FAI but when I came back the communists had it. The workers of Spain are against the communists, but the latter don’t care. They are making a play for the support of the bourgeoisie and other racketeers. As far as the industries are concerned the CNT has a lot of power, far more than any other organization.

Well, Fellow Worker, one day has elapsed since I wrote the above. Last night I had a head ache and I had to postpone finishing the letter. I am eating good since coming to France.

I believe the British consul is going to send me to England or to Canada. If I wasn’t such a wreck I would ship on a British ship for Spain. Wages are double on the Spanish run, and ships are tied up because of a shortage of men. I have been on English ships and none of the crew would speak English.

I met two more men from the International Brigade this morning. They say many Canadians are in prison in Spain.

With best wished for the I.W.W.
I remain Bill Wood
from One Big Union Monthly, September 1937. »

This text taken from the Bulletin of the Kate Sharpley Library. 24 Jan 2004 The KSL Bulletin is available online. Part of the International Anarchism

Les Giménologues, 25 avril 2014