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Une recension du livre Rastros de Rostros
MÉMOIRE DE LA DIGNITÉ EN ACTION AU CENTRE DES PÉRIPHÉRIES MÉPRISÉ
De Miquel Fernández González
Une recension du livre Rastros de Rostros [1]

MÉMOIRE DE LA DIGNITÉ EN ACTION
AU CENTRE DES PÉRIPHÉRIES MÉPRISÉ


« Rastros de rostros propose une méthodologie aussi révolutionnaire que les faits qu’il présente. »

Cantine populaire au Ritz de Barcelona

« Les périphéries devinrent pendant un temps le centre. »



De Miquel Fernández González
Observatori d’Antropologia del Conflicte (OACU).
Facultat de Geografia i Història. Departament d’Antropologia Social i d’Història d’Àfrica i Amèrica.
Universitat de Barcelona. 22 janvier 2014.

Le premier à me mettre sur la piste de Pere López Sánchez fut mon collègue anthropologue Manuel Delgado. J’étais en train d’examiner jusqu’à quel point la tenue des Jeux olympiques de 1992 à Barcelone avait été un « objectif de tous ». L’article en question [1] critiquait le consensus factice autour de ce macro événement. Je fus surpris par la profondeur et l’originalité de la perspective critique, par la lucidité de l’analyse et par le style incisif et clair du texte. Sa façon d’écrire et d’analyser - précise et précieuse à la fois - ainsi que la perspective profonde et radicale me conduisirent à chercher d’autres écrits de lui [2]. Le second texte qui attira mon attention élargissait la critique jusqu’à poser les jalons de ce qui constituerait bientôt la délégitimation académique [3] du Modèle Barcelone[4], aujourd’hui décrié par ses propres promoteurs [5]. Car, comme nous le rappelle López Sánchez - sans s’y référer une seule fois, le silence valant parfois mieux que de longs discours - le Modèle a existé, et il doit sa reconnaissance mondiale à son expérience ardue à l’heure de mettre le sol de la ville à disposition des spéculateurs locaux et internationaux, aussi bien que pour perfectionner l’exploitation des pauvres et leur contrôle.

La ville du pardon dont avait rêvé le grand-père du maire olympique Joan Maragall n’a jamais été aussi près de se réaliser que dans la période qui va de son élection en 1986 comme siège des Jeux olympiques de 1992, jusqu’à l’expulsion du cinéma Princesa en 1996. Dix années furent suffisantes pour étourdir une grande partie de la population, et pour laisser libre cours à un capitalisme aussi sauvage que celui qui explique en partie le déclenchement de la révolution que nous relate López Sánchez. Ce rêve de la Barcelone de l’ordre sera remis en question et connaîtra sa première grande opposition lors de la série de protestations qui débuta en 2001 avec l’occupation massive des rues contre la Banque mondiale, qui avait prévu de célébrer à Barcelone l’Annual World Bank Conference on Development Economics (ABCDE acronyme d’ailleurs éloquent). Cette série se poursuivra jusqu’à nos jours sous diverses formes d’occupation des places publiques.

Ses monographies précédentes, Un verano con mil julios[6] ou El Centro histórico, un lugar para el conflicto[7] sont considérées aujourd’hui comme incontournables pour connaître l’histoire critique du gouvernement des villes en général, et plus particulièrement celui de Barcelone. Cependant, le nouveau livre du géographe dont nous rendons compte ici a dépassé toutes mes attentes. Il s’agit de l’analyse détaillée de la révolution sociale du premier tiers du siècle dernier dans le quartier barcelonais de Can Tunis. Mais il ne s’en tient pas là. Rastros de rostros propose une méthodologie aussi révolutionnaire que les faits qu’il présente.
J’espère que ces quelques pages fourniront une synthèse qui fera honneur à l’exhaustive enquête de López Sánchez. Elles se veulent aussi un hommage à ce livre émouvant, novateur et intelligent. Je veux souligner ici deux grandes questions qui, à mon sens, font de Rastros de rostros le travail le plus indispensable, en matière de sciences sociales, récemment publié en Espagne. Premièrement - et comme on vient de le dire -, son précieux et irrévérencieux apport méthodologique pour aborder des problématiques historiographiques. Deuxièmement, c’est, littéralement, l’accouchement de la lutte des habitants des Casas Baratas de Can Tunis. Une poignée de personnes qui, comme dans d’autres quartiers ouvriers, étaient traitées de pouilleux, de racaille, de sans noms, d’éternels perdants et perdantes de l’histoire. Dans ce sens, c’est peut-être l’œuvre en castillan qui se rapproche le plus de la huitième thèse sur l’histoire de Walter Benjamin [8], selon laquelle, ne l’oublions pas, la mémoire se construit sur des décombres, et pour les opprimés, les pauvres, les étrangers... l’État d’exception constitue la règle de la vie ordinaire. C’est en ceci que Rastros de rostros est sans doute le témoignage le plus gênant sur le possible, et sur ses ennemis.

L’État d’exception a également envahi la pensée issue des universités. Le travail de López Sánchez est nécessaire parce qu’il attaque les oublis éloquents de l’historiographie officielle, et parce qu’il propose une méthode qui défie les règles d’un establishment académique habitué à observer le monde social de très loin, et de très haut. Ce travail est des plus importants parce qu’il s’élève clairement contre l’État d’exception académique qui établit ce que et comment on doit penser, rechercher ou raconter. Une marque de fausseté et d’hypocrisie qui n’a pas rendu justice aux traces des éphémères victoires contre l’oppression, aux façons de vivre et de s’organiser sans la domination des uns sur les autres.

Joan Margarit [9] dit : « Ce n’est pas de l’histoire que j’ai la nostalgie. C’est de la géographie. » Et c’est un géographe qui nous alerte sur le fait qu’aujourd’hui, plus que jamais, il faut lutter sur tous les fronts afin que l’injustice ne persiste pas sous la forme de la normalisation. Enfin, il faut remercier la maison Virus pour l’édition d’un texte éloigné des modes historiographiques et des impondérables académiques.

Question de méthode. La méthode en question
Un titre tel que Rastros de rostros en un prado rojo (y negro) synthétise non seulement ce qu’a découvert (ou pas) l’auteur, mais aussi comment il a procédé. López Sánchez nous donne une formidable leçon de comment apprendre, appréhender, découvrir (dans le sens d’exhumer ce qui était caché, et trouver ce qui était ignoré). Il dit tout au long du texte : « J’ai préféré les points d’interrogation aux interrogatoires », laissant de côté « le rôle de déprédateur en faveur de celui de collecteur » (p. 196). Lorsqu’il n’a pas de données, il ouvre l’éventail des possibilités et précise bien que ce sont uniquement celles qui lui viennent à l’esprit. Ce qui est arrivé est une chose, et ce qui aurait pu se passer en est une autre ; l’une se plie aux faits, l’autre aux souhaits ou aux craintes. C’est une position éthique mais aussi méthodologique car il est le premier à s’interroger sur la valeur des données : qu’est-ce qui a le plus de valeur, les archives ou les paroles des protagonistes et de leurs proches ? Partant de ce respect pour les faits survenus, et prenant en compte la faiblesse de la mémoire, l’auteur examine avec une totale honnêteté l’immense documentation qui lui a permis d’esquisser ce qui a pu se passer. Et il scrute avec un acharnement particulier les traces qui ont pu être effacées afin que rien ne change. Car une autre prémisse émane des pages de Rastros de rostros : il est bien plus difficile de laisser une trace que de l’effacer.

Ce qui a été vu a un rapport avec comment cela a été vu et comment on l’explique. L’essai sur les façons de connaître n’est en aucun cas gratuit. Dans ce sens, parmi les réflexions méthodologiques qui surgissent d’un bout à l’autre du livre, celles des pages 201-202 sont particulièrement précieuses :
« Les pièces de monnaie ont deux faces. Les intentions ne sont pas forcément des prétentions. On ne peut se fier complètement aux papiers imprimés qui affichent des noms. Ils ont toujours été écrits, souvent par la dictée, en traînant une signature pompeuse ou grise, avec ou sans sceau. Du regard à l’écriture il y a un pas : l’un et l’autre creusent dans la réalité des faits - de certains faits -, et ils racontent et observent ce qui semble opportun, d’après ce que l’on peut parvenir à connaître, d’après ce que l’on veut savoir. Cette double réduction des réalités fuyantes devrait nous servir à ne pas mettre sur un piédestal des sources qui, même si elles passent pour primaires, n’en sont pas moins secondaires ; c’est-à-dire construites et faussées. Les choses, et encore plus les faits dépendent des yeux qui regardent, ou qui se détournent ; des bouches qui parlent, ou qui se taisent. L’action représentera toujours quelque chose de différent pour celui qui l’accomplit et pour celui qui l’observe. On est trop loin de toute prétention absurde de s’approcher de la vérité, si on l’écrit avec un V majuscule, cela va de soi. Intention de savoir ce qui a pu se passer, cela se peut bien. Ce n’est pas beaucoup, mais ce n’est pas rien. »

Ce paragraphe est une bonne manifestation de l’honnêteté du travail de López Sánchez. Un récit historiographique qui n’invente rien, qui suppose quelque chose en précisant sa composante propositionnelle, et qui n’en fait pas sa vérité. Il expose, met en relation, analyse, et ne trompe pas. Il dit ce qu’il sait, ce qu’on lui a dit et chaque chose est située sur le plan correspondant. Il ne prétend pas reconstruire une vérité qui n’a jamais existé, il ne cherche pas à imposer une lecture tendancieuse et intéressée. Et il le fait en prenant parti, certes, mais en se distanciant de sa propre opinion au moment de décider. Il écrit ce qu’il sait qui est arrivé. Le reste, il le suppose, et cette franchise que d’autres auteurs prendraient pour une faiblesse est le cœur même de la valeur de son imposant travail de recherche.

López Sánchez s’immerge dans les documents et les sources orales sans se fier aux uns ni aux autres. L’auteur veut comprendre comment les gens ordinaires vécurent et s’impliquèrent intensément dans un processus révolutionnaire. Il trouve ses données ici et là, depuis des comptes rendus policiers jusqu’aux fiches de pension de réversion versées aux veuves des combattants tombés au front, qu’il utilise pour rendre compte de l’histoire des habitants des Casas Baratas de Can Tunis. À la fin, dans l’idée de contester frontalement le silence qui entoure ces personnes, il les nomme et les énumère : 186 hommes et femmes qui « ne sont pas nombreux, mais ces traces témoignent qu’ils voulurent et surent être ensemble dans leur présent hostile, en agissant et en pensant dans le cadre d’un futur proche » (p. 206).
Ni la disposition des chapitres, ni le développement de la narration ne sont conformes aux canons. Il n’y a pas de progression, il n’y a pas – toujours – une séquence correcte et univoque des faits – principe que nous rappelait avec insistance le grand cinéaste Joaquim Jordà –, ils vont et ils viennent. Et avec ce va-et-vient, López Sánchez nous introduit dès le début dans les ressorts internes des questionneurs de l’histoire, la personnelle, la collective et l’officielle, mais surtout celle qui est tombée dans l’oubli – la massacrée.

Coopérative Flor de maigt de Can Tunis


Souvenirs d’une révolution qui fut une guerre (des classes)
Maintenant c’est le sous-titre qui nous met sur la piste de ce qui est raconté. « Las Casas Baratas de Can Tunis dans la révolution sociale des années trente » rassemble les résultats d’une énorme recherche sur les faits, les personnes, les lieux et les pratiques lors de la première, et peut-être la seule, révolution libertaire en Europe. Pour cela, il concentre son champ d’observation sur un quartier périphérique, dans toute l’extension du terme, Can Tunis. Le livre veut renouer un fil rompu de l’histoire. Un fil qui non seulement se brisa à cause de la défaite, mais aussi parce que ces vaincus et vaincues naquirent, grandirent et moururent dans la marge même, tout en étant la majorité. Pour cela, il rassemble des morceaux épars («  trazos hechos trizas », p. 56), regrettant la ville telle qu’elle était, mais sans aucune sorte de condescendance, car le portrait « misérabiliste le dégoûte » (p. 114). C’est avant tout un récit sur l’inconnu, une espèce de micro mémoire de la douleur, de la souffrance des pauvres, des éternels perdants, de leurs espoirs et des pratiques pour les combler. Alors pourquoi est-il si difficile de connaître la mémoire des dépossédés, des vaincus ? Que peut nous dire de nouveau Walter Benjamin ? Les effets de la défaite ne sont pas seulement balayés, mais aussi criminalisés, maltraités, au point que certains des protagonistes vivants – ou leurs parents – ne veulent pas se rappeler ces événements obscurs et douloureux. C’est dans ce sens que nous comprenons Benjamin, et tant López Sánchez que l’auteur de ces lignes nous accordons à dire que « dans ces quartiers, fouiller la mémoire est ingrat, gênant, quand ce n’est pas un supplice » (p. 207).

Il propose que le modèle d’analyse résultant de l’examen de l’immense quantité de documents serve à comprendre ce qui est arrivé dans le reste de la ville. C’est l’auteur qui le signale : « Même en ne traçant qu’à gros traits ce qui s’est passé dans ce pré rouge et dans ses alentours, il est évident que ces événements ressemblent beaucoup à ceux qui touchèrent le reste de la ville. Là-bas, il est arrivé tout ce qui devait arriver, mais ni plus ni moins qu’ailleurs » (p. 294).

Exposition universelle Barcelone 1888 [2]


L’histoire occulte des miséreux commence à partir des effets d’un des piliers fondamentaux de ce qui allait être le Modèle Barcelone [10], c’est-à-dire l’impulsion donnée par les fonds publics à la production intensive de survaleurs au profit d’oligopoles, à partir de la promotion de méga événements. Dans le cas étudié, il s’agit de la célébration de l’Exposition internationale de 1929. Barcelone se prépare à mettre la ville en adéquation avec cet événement. L’exposition précédente de 1888, ainsi que la ferme volonté de l’élite barcelonaise de tirer profit du capital contenu dans le prix du sol de la Ville des prodiges et son Ensanche [nouveaux quartiers] flambant neuf vont transformer l’événement en une nouvelle étape de la classique accumulation capitaliste. Loin d’être original, ce processus n’est qu’une récidive. Il s’agit d’abord d’importer de la main-d’œuvre en provenance du reste de l’État à des prix coloniaux, pour activer la concentration de capitaux. Il faut ensuite rendre la « ville attrayante », c’est-à-dire, déjà à cette époque, masquer la souffrance et la pauvreté – précisément incarnée dans les corps mobilisés afin d’être durement exploités à Barcelone –, qui enlaidiraient les cartes postales. L’étape suivante consiste à configurer la ville pour la consommation – ou plutôt pour qu’elle soit consommée. C’est ce qui s’est produit jusqu’à aujourd’hui, où la foire sauvage d’un capitalisme antihumaniste dégage en ce début du XXIe siècle autant de violence que lors du premier tiers du précédent.
Las Casas Baratas de Can Tunis sont construites dans ce contexte. L’objectif officiel est d’éliminer du champ de vision des visiteurs les bicoques de la montagne de Montjuïc. « Tout devait être prêt ou en avoir l’apparence » (p. 64). La corruption urbanistique était déjà galopante dans cette Barcelone post-prodigieuse. Le plan fut élaboré pour loger 6500 familles qui vivaient dans des bicoques, mais seules 2329 maisons à bon marché furent finalement construites. Il semblerait que, hier comme aujourd’hui, l’argent destiné à la construction des maisons soit allé dans les poches des spéculateurs des familles bien placées de Barcelone.

L’indiscipline n’est pas spontanée
La capacité créative d’un mouvement révolutionnaire est basée sur l’abondance des initiatives, et plus particulièrement sur la rapidité de leur réalisation (p. 219). Les protagonistes de cette histoire sont, ne l’oublions pas, les ouvriers, et un ouvrier est « celui qui n’a pas d’autre choix que de travailler pour quelqu’un d’autre ». Ce sont eux qui habitaient les nombreux quartiers comme Prat Vermell. Une motivation qui n’est pas toujours formulée mais qui est presque toujours déterminante à l’heure de rendre compte de l’explosion révolutionnaire réside dans le ras-le-bol des opprimés : « Nous ne supportions plus les petits messieurs de la bourgeoisie, nouveaux ou anciens » (p. 48). « La misère est aussi insupportable que la tyrannie » (p. 82). Affirmation qui traverse tout le livre d’une manière ou d’une autre.

Pere López Sánchez scrute la vie quotidienne, les réflexions qu’élaboraient ces habitants et habitantes de la périphérie. Les personnages de l’histoire voyaient les élections comme de la superstition, étant convaincus de « l’impossibilité absolue que la politique puisse résoudre les problèmes ouvriers » (p. 162).
« Leur être-ensemble – qui respectait l’individualité mais méprisait l’individualisme – se forgeait à travers des contacts qui allaient et venaient à partir du travail, de la vie dans le quartier, de la complicité née de la lutte commune contre la misère et l’oppression qu’ils subissaient, et dans le fait de miser, même à tâtons, sur un autre présent et futur. Ils étaient isolés de la ville, mais la soif de revendication et d’émancipation les tenait ensemble. Par commodité peut-être » (p. 164).
C’est ainsi qu’émergea là-bas, par commodité aussi peut-être, la réalisation culturelle des principes autodidactes populaires sous la forme de l’Ateneo de defensa obrera, avec la prétention déclarée de représenter un bastion moral. S’y tenaient des journées poétiques ou théâtrales, des conférences (l’une d’elles portait sur la société future sans argent), des festivals en faveur de prisonniers, en général à partir d’une attitude résolue à aborder toutes les facettes de la vie qui les concernaient.
L’auteur recueille des histoires oubliées comme celles des diverses grèves déclenchées en solidarité avec un compagnon licencié, des « grèves pour la dignité collective », par solidarité internationale (comme avec les martyrs de Chicago, par exemple), ou celles des « bras tombés » [quand les ouvriers restaient à leur poste de travail, mais sans rien faire]. Auxquelles il faut ajouter celles des loyers et les multiples protestations contre les expulsions et contre les clauses abusives des contrats des Casas Baratas. López Sánchez nous offre quantité d’éléments pour voir des correspondances – valables à l’époque comme aujourd’hui – dans la façon de répondre aux expulsions dans les quartiers de Sants, Hostafrancs ou La Magoria. La grève affecta plus de 90 000 logements et perdura – avec plus ou moins d’intensité – jusqu’en 1942. « Parce qu’ils n’allaient pas se laisser voler pour vivre, qui plus est avec tout ce luxe débridé qu’ils voyaient autour d’eux » (p. 177). De fait, ils répondaient aux expulsions par des relogements, comme ceux, massifs, qui se produisirent lors de la nuit de la Sant Joan en 1931 (p. 183). Sans le moindre doute, cela représente le préambule de notre émouvante et guerrière PAH (Plataforma d’Afectats per la Hipoteca). Lors du meeting du 1er juillet 1931 qui généralise la grève, on demande que les chômeurs ne paient pas, que l’on supprime les dépôts [de caution], et l’on exige un rabais de 40 % pour les travailleurs. À ce moment-là, la grève des loyers atteignait son sommet. Le gouverneur civil, Esplá Rizo, et le président de la Chambre de la propriété, Pich i Pon (qui deviendra maire de la ville en 1935), s’allient pour « imposer la paix civile ». Pendant ce temps, les locataires s’organisent pour empêcher les expulsions.

C’est que ces hommes, femmes, personnes âgées et enfants, avant et après la révolution, « allaient en quête du tout », démontrant que ceux qui ne voulaient plus être considérés comme des moins que rien revendiquaient que « la civilisation arrive aussi jusqu’à eux ».

Ce livre, il faut insister sur ce point, est avant tout une arme pour faire honte à ceux qui qualifièrent la révolution des années trente de « résultat de la sauvagerie ». Et l’on n’y esquive pas les accusations : « Est-il possible de faire une révolution sans la moindre violence ? » (p. 283). « Dans la justice [des révolutionnaires], police, juge et bourreau ne faisaient qu’un. Cette métamorphose de la justice juste n’était pas vraiment une nouveauté. Ils la connaissaient d’avant, suffisamment bien hélas, pour savoir que la seule vérité juridique était celle-là. » (P. 290.) Même avec cela, l’enquête sert aussi à démentir la stigmatisation à partir de la supposée sauvagerie des habitants de ce quartier : à Prat Vermell, il n’y eut que quatre morts du fait des ouvriers.

Tout le livre est un démenti directement adressé à ceux qui prétendent que l’éclosion anarchiste de 1936 était spontanée. Pour leur faire honte, l’auteur affirme qu’il n’y eut pas de spontanéité, bien au contraire, et que « l’on a erronément qualifié de spontanéité le fait d’avoir été attentif à la conjoncture » (p. 232). [« La spontanéité utilisée comme synonyme d’improvisation ou de rupture de frein soudaine ignore] [3] les grandes ébullitions souterraines qui agitent les calamités de la survie. » (p. 92). [toujours selon les tenants de la thèse de la spontanéité] [4] « Les “pouilleux” de ce quartier et d’autres du même acabit sautèrent sans la moindre préparation dans le train de cette révolution sociale qui gâcha tant de vies, à commencer par les leurs. » (p. 93). Ou « La stupéfaction cessera et ne resteront, sous forme de bobards, que les arguties rebattues qui pontifient sur une irruption par enchantement, que ces anonymes surgirent du néant, et qu’avec rien ils voulurent tout dévorer, et en plus avec de mauvaises manières. » (p. 203). C’est parce que les fascistes lancèrent la réaction qu’ils provoquèrent une révolution. « Dans les confins de la ville des prodiges, lorsque l’omelette se retourna brusquement, ils osèrent montrer de manière désordonnée - certains diront de façon incontrôlée - qui tenait le couteau par le manche. Les périphéries devinrent pendant un temps le centre. Ils repoussèrent dans les marges leurs ennemis éternels. » (p. 159).

Et arriva le « dimanche sans festival ». Le fameux mot de passe du 18 juillet est rappelé : « Fernando, Furriel, Ferrol ». Il énumère les plans putschistes sous le nom de code « opérer l’enfant », qui furent au nombre de six : trois d’entre eux programmés pour avant, deux après et un pour le jour même des élections que remporta le Frente Popular le 14 avril 1936 (p. 213).

Il [L’auteur] rappelle aussi comment au cours de cette matinée de dimanche, il y eut des actes de fraternisation entre le peuple en armes. Par exemple, pendant l’assaut de la caserne de Lepanto : après avoir hissé le drapeau blanc des militaires ouvrirent les portes de la caserne et serrèrent les révolutionnaires dans leurs bras (p. 217). Et au cours des pages suivantes, il établit le parcours des gens armés contre la réaction - ce qu’il fut et quil avait pu être -, celui de ceux qui crurent que c’était le moment de vouloir le tout.

Par moments, il semble que régna la conviction générale de l’imminence de l’instauration du communisme libertaire. Ce ne fut pas le cas, mais cela flottait dans l’air et obligeait de dignes dignitaires à ne pouvoir dissocier dans leur vocabulaire public les mots « ordre » et « révolutionnaire ». Ce fut le moment de « la mise en marche des patrouilles de contrôle » (p. 220). On déclara la guerre aux parasites sociaux, on infligea des amendes aux industriels sous la forme d’impôt révolutionnaire, [...] « on leur rendit la vie impossible en les harcelant à loisir et en exerçant des violences diverses » (p. 223). Car l’auteur ne cache rien lorsqu’il recueille un témoignage qui reconnaît qu’« il se passa toutes sortes de choses, car il faut de tout pour faire un monde, c’était inévitable » (p. 227).

Une barricade dans la calle Princesa en 1931


Guerres souterraines
De nombreux exemples détaillés et prouvés de stratégies visant à criminaliser et à intimider sont exposés dans Rastros de rostros. On accusait à tort les habitants de Can Tunis, on leur infligeait des punitions gratuites, on les emprisonnait sans condamnation, etc. La criminalisation de ces années-là - qui nous est si familière aujourd’hui - allait de pair avec les triptyques offensants : « ouvrier, anarchiste, bandit » ou le si infâmant « immigrés, journaliers et analphabètes » qui représentaient la façon « correcte » de parler des « malfaiteurs, criminels, voleurs ». Dans tout processus de criminalisation, la fonction principale consiste à détourner l’attention des délits qui se commettent dans les « hautes sphères », afin qu’hier comme aujourd’hui, les grands criminels en sortent indemnes. « À cette époque, en matière d’hold-up, ceux qui étaient pratiqués par les cols blancs proliféraient sans empêchements ni censures : zèle dans le maintien de l’ordre, lock-out éhonté du chômage forcé, imposé par la bourgeoisie dont les préférences - espagnoles, catalanes ou républicaines - n’étaient que de façade, car quel que soit le drapeau, ils étaient tous unis pour la défense à outrance de leurs bénéfices. Leur seule profession de foi était la couleur de l’argent. Dans la presse ouvrière, on ironisait ainsi : “Un appartement modeste coûte dix, quinze, vingt douros par mois ; un pain coûte 75 centimes ; une paire de soulier 20 pesetas. Décidément, Monsieur Ametlla - alors gouverneur - il faut en finir avec les braqueurs” » (p. 200).

De nos jours, la structure du mépris contre « ceux d’en bas » se maintient intacte, seules changent peut-être les épithètes adaptées à la correction politique de chaque époque.

La violence prenait des teintes classiques au-delà des escarmouches courantes ou de la violence objective ou structurelle (et pour cette raison invisible parfois). Concrètement, elle prit forme dans les années trente dans la résurgence du pistolerismo que l’on croyait enterré en 1923, selon l’historiographie en usage [11]. Au cours de cette période, quantités de milices locales ou de Bandas negras, d’organisations paramilitaires et criminelles payées par le patronat, protégées par les gouvernants, civils, militaires et par les chefs suprêmes de la police - quand il ne s’agissait pas directement de tueurs à gage du Sindicato Libre - provoquèrent la mort de nombreux ouvriers (p. 102). Il s’agissait d’une « guerre sociale sourde », [...] d’« une mer de feu souterraine » [...] « dans une Barcelone qui continuait d’être un volcan » (respectivement pp. 124, 145 et 125). Quant aux actions menées par les insurgés, elles commençaient par la destruction des lumières des usines jusqu’à la lutte dans les maquis (à laquelle participèrent une poignée d’habitants de Can Tunis), en passant par le boycott envers ceux qui accaparaient trop de produits ; sans oublier les luttes sur les lieux de travail.

« Au sujet de la grève, […] [l’auteur] prétend souligner les modalités que prenait cette forme de lutte, ainsi que la pugnacité de l’action directe lorsqu’elle est l’expression sans médiation d’une base nombreuse, décidée à se saisir d’une paire de bottes, de quelques pesetas, d’un soulagement sur le plan matériel, et à ne pas perdre sa dignité dans ce qu’ils - les affranchis ou les insoumis de notre temps - appelaient amélioration ou émancipation morale » (p. 115). Nous savons qu’il y eut des grèves de la faim en prison, et aussi une dure répression républicaine dirigée en Catalogne par Lluís Companys (p. 120). Dans ces quelques pages, López Sánchez situe le centre du débat dans les formes de contrôle social non bourgeois, en reformulant la maxime marxiste selon laquelle la sécurité est le concept bourgeois suprême. Pour cela, il rappelle aussi le contrôle social que pratiquait l’anarcho-syndicalisme quand il considérait par exemple les vols commis par les ouvriers comme « des actes de rébellion inappropriés, [...] et par conséquent, dignes de réprobation » (p. 124). « Noblesse oui ! Pillage non ! Justiciers conscients oui ! Assassins jamais ! » clamait-on dans le journal Solidaridad Obrera (p. 291).

Appel au boycott de la brasserie Damm


Le rôle des gamins dans la révolution est aussi évoqué, rôle souvent passé sous silence et ignoré. Ils participaient aux barricades « en entassant des pavés pendant la journée, et en élargissant les brèches dans la rue, faisant des tas plus grands » (p. 126). L’auteur rappelle les diverses formes de lutte des femmes, par exemple, les vendeuses ambulantes, durement poursuivies par la République, « des révoltées qui ne se dégonflaient pas face aux mesures répressives, et qui pouvaient être des révolutionnaires ». On ne peut s’empêcher de penser aux images actuelles si récurrentes de vendeurs ambulants fuyant la police, ou parfois l’affrontant comme à Calafell en août 2012, ou plus récemment en juillet 2013 à Torrevieja, ou en mai 2012 dans le quartier madrilène de Lavapiés, où la riposte des vendeurs et des gens du quartier obligea un policier à faire usage de son arme. Ou encore à la revendication du droit pas seulement à la ville mais à la vie, à ne pas être « écarté de la civilisation ». La synthèse exprimée par le titre du chapitre X : « Mal de beaucoup, remède de tous » relève les sanctions que les ouvriers infligeaient à ceux qui n’appliquaient pas le boycott d’un commerçant accapareur. Les luttes rassemblèrent parce que la souffrance était transversale entre ouvriers et autres forces productives et reproductives. « Aller en quête du tout », les assauts de l’économat, les efforts pour distinguer les « jaunes par nécessité » des « briseurs de grève professionnels » (p. 142), les exigences - aujourd’hui encore révolutionnaires - de la journée de travail de 6 heures.

Logo de l’entreprise Alena


Le conflit avec l’usine ALENA est raconté dans le menu. Suite au licenciement des ouvriers, ceux-ci occupèrent l’usine. On y détaille les affrontements entre ouvriers de la CNT - auxquels on avait interdit de travailler - et de faux travailleurs de l’UGT (Unió General de Treballadors) armés qui étaient en fait membres du Sindicato Libre. La République couvrit les événements sans pudeur, et la main de Lluís Companys ne trembla pas au moment de signer la mise à mort d’un libertaire, ni pour « envoyer la force nécessaire afin de garantir l’ordre et la liberté du travail » (p. 152). Les affrontements se soldèrent avec des coups de feu et 13 blessés, 4 d’entre eux graves. […]

L’auteur évoque également de manière claire et détaillée des pans oubliés de l’histoire, comme le 1er mai sanglant de 1931 : il y eut un meeting au Palacio de Bellas Artes, où l’on réclama la liberté de tous les prisonniers, le désarmement et la dissolution de la Guardia Civil, la confiscation des capitaux du clergé, ou encore une baisse des prix des loyers. Après la première proclamation, il y eut des coups de feu et l’armée occupa des lieux stratégiques. Companys loua la « pondération » des forces de l’ordre, et affirma que Barcelone était ingouvernable. Il fallait déporter les « éléments perturbateurs […] » (p. 174)

Il raconte aussi les réunions [des 13-15 juillet 1936 [5] ] entre des militaires loyaux à la République et Francisco Ascaso, Buenaventura Durruti et Joan García Oliver - Los Solidarios, qui deviendraient ensuite Nosotros - au restaurant Las Siete Puertas. Pendant qu’au gouvernement l’innocence se mêlait aux intérêts, dans les quartiers ouvriers « la détermination loin de faiblir ne cessait de se renforcer ». Un témoignage direct rappelle la confiance qu’ils avaient en eux : « Les fachos, cette fois, ils en auront pour leur compte, et quand leur sort sera réglé, la révolution commencera » (pp. 213-215).

Les assauts des forces de l’ordre contre le quartier étaient fréquents, et avaient pour but de semer la panique et d’intimider les habitants.

« On ne sait pas s’ils progressèrent en s’en tenant aux trois chemins qui, depuis les cercles ouvriers, s’ouvraient à ceux qui ne disposaient pas d’un centime, pour ceux qui ne pouvaient même pas se vendre pour une modeste paye. On avait le choix, disaient-ils, entre mourir de faim et de froid dans les rues, demander l’aumône en tendant la main à la charité publique, et affirmer les droits de la vie par la force en prenant le pain là où il y en avait. Dans l’un de ses poèmes où il déplorait de planter des fleurs et de ne récolter que des épines, El Cangrio récitait à son fils, après des jours à déambuler en quête de travail, et voyant ses pleurs causés par la faim : “Pourquoi ces nuages alors que tes yeux sont des soleils ?” - et “En cette nuit, sois sûr que tu auras du pain, qu’il ne t’en manquera pas.” » (p. 201).

Après ce dimanche de juillet 1936 surgit la tentative de créer une société libre. « Vivre l’utopie n’était pas un leurre » [...] « Ils palpaient un autre monde, né de leurs cultures pratiques » (pp. 243 et 232), « Ils ne se contentaient pas de promesses ajournables, ils ne pensaient pas à renoncer à quoi que ce soit, quel qu’en fût le prix » (p. 231). On songea à abolir l’argent et c’est ce qu’on fit avec l’usure. Les leaders étaient provisoires. Tout fonctionnait au moyen d’échanges et de collectivisations - une des plus importantes de cette zone fut l’usine de Prat Vermell. On trouva des solutions au problème gravissime du logement, et une organisation efficace à travers l’autogestion et la discipline. Car ils aimaient la discipline, « mais pas cette discipline de caserne ou de couvent qu’on voulait leur imposer, plutôt une discipline dévouée, pour accompagner la révolution » (p. 253). Et puis après, très vite et pour un demi-siècle au moins, [on retomba dans] [6] cet avant, où nous sommes encore aujourd’hui.

Patrouilles de contrôle dans Barcelone


La révolution assiégée
Un lieu et des gens comme ceux qui participèrent à la révolution sociale des années trente depuis les Casas Baratas de Can Tunis ont été « la vitrine de la légende noire des marges » (p. 280), une stigmatisation que ce livre corrige enfin. Et c’est là que l’on retrouve de nouveau ce qui semble être le but latent de cette oeuvre : faire honte à ceux qui « ont parlé jusqu’à l’épuisement de crimes et de châtiments afin de cacher les apports constructifs de tous ces anonymes qui s’efforcèrent de forger pour l’éternité le rêve égalitaire » (p. 282).

Un faux choix fut établi : céder ou perdre la guerre, il s’agissait d’asséner un coup solide à la Révolution (p. 239). Malgré cela, la grève des loyers continua et le rejet de la mobilisation s’étendit. Fascistes et républicains s’unirent contre la révolution libertaire. Une guerre à l’utopie faite réalité commença - ou plutôt, continua - de ce côté-ci de l’Èbre. On tenta d’effacer d’un trait de plume l’administration populaire urbaine, le gouvernement s’opposa aux collectivisations et aux patrouilles de contrôle qu’il voulait démanteler. Ce fut le moment choisi par l’UGT pour prendre ses distances vis-à-vis d’elles (p. 257) : en résumé, on assiégea le processus révolutionnaire.

Les Événements de mai 1937 furent le sommet de ce tournant contre-révolutionnaire. Le point culminant fut atteint après d’innombrables chocs sporadiques, divers accrochages dans les rues, quand la rivalité entre le gouvernement et les ingouvernables représentait déjà un antagonisme sans retour possible. On interdit la circulation d’armes, les tribunaux populaires furent dissous. Ce mai sanglant se conclut par la mort de 500 personnes et par plus de 1500 blessés. Il entraîna la dissolution immédiate des patrouilles, ce qui porta à 900 le nombre de membres de la CNT arrêtés (p. 267). Des éclairs de dignité atteignaient la prison où les mutineries se multipliaient.

Un soupçon planait selon lequel les élites communistes avaient provoqué les troubles précédant les Événements de mai. Et pendant quelques jours, voire des semaines, la possibilité d’un coup d’État à l’État était envisagée (p. 269). Le quartier du Raval, méprisé encore de nos jours, se transforma en une forteresse stratégique en plein coeur de la ville.

L’auteur décrit dans le détail la guerre sale contre la Révolution, guerre sale commencée juste après ce court été de l’anarchie. Il pointe du doigt le complot des « nationalistes catalans de haut rang qui conspiraient même contre la Generalitat » (p. 285). Le texte rappelle que des militants de l’ERC firent partie des Patrouilles de Contrôle, même si on sait que ce même parti ne voulut rien savoir d’elles, et les diabolisa.

La répression à Can Tunis fut terrible. Et après la guerre, survint la défaite : répression, mort, fusillades, camps de travail, de concentration, d’extermination. Un grand nombre d’habitants des Casas Baratas finit dans un camp d’extermination avant la lettre, une expérimentation nazie, à Collioure. « Une démoralisation généralisée, des rêves à terre, l’abandon des idéaux, le refus de continuer les sacrifices, les pénuries et les estomacs vides ». Le bilan effectué par López Sánchez est effrayant : d’une manière ou d’une autre - exécutions, emprisonnements, exils forcés ou confinements dans des camps de concentration français et espagnols - le quartier perdit environ 25% de sa population (p. 305).

Et puis les prisonniers. Chaque famille dans le quartier avait au moins un de ses membres en prison. Les rues étaient un autre énorme pénitencier (p. 309), au point que, selon López Sánchez, la prison se convertit à ce moment en modèle de ville (p. 326).

Juillet 1936 : destruction de la prison de femmes de Barcelone


Les traces de visages (Rastros de rostros) se sont concrétisées dans cette œuvre sous forme de « lamentation, parfois comme le cri étouffé des habitants des quartiers extrêmes ». Lieu d’exception permanent où - nous dit-on - une prétendue sauvagerie a justifié toutes sortes d’abus contre ces gens. Les habitants et habitantes de Can Tunis n’ont pu voir fleurir le monde nouveau dont ils rêvèrent, et qu’ils entretinrent. Cependant ils laissèrent des traces qui n’ont pu être effacées. López Sánchez les a sauvées de l’oubli, afin d’alimenter la dignité en action d’aujourd’hui.

Notes
[1] López Sánchez, Pere, 1991.
[2] López Sánchez, Pere, 1986, 1993a.
[3] Les critiques ont été massives depuis le début de ce siècle, moment qui consacre la fameuse formule du Modelo Barcelona pour se référer aux transformations urbanistiques qui ont suivi le choix de Barcelone comme siège des Jeux olympiques de 1992. Le moment est peut-être venu de reconnaître avec plus d’insistance l’apport exceptionnel de López Sánchez (1986, 1991, 1993a, 1993b) à la critique du modèle de ville, même avant l’apparition de la fameuse formule. Cf. Capel, 2005, 2007, 2009, 2010 ; Degen, García, & Cavalcanti, 2008 ; Delgado, 2007 ; Montaner, Álvarez, & Muxí, 2011 ; Ter Minassian, 2009 ; Von Heeren, 2002.
[4] López Sánchez, Pere, 1993b.
[5] Un des précurseurs les plus importants du modèle, désormais adversaire de celui-ci, est Jordi Borja. Dans ses dernières apparitions publiques, que ce soit au travers de livres, articles, chapitres de livres ou conférences, il prend ses distances avec ce qu’il considère comme une trahison du modèle original que des personnes comme lui avaient créé. Même s’il est devenu critique de ce modèle, il reste en même temps l’un de ses principaux exportateurs dans plusieurs villes latino-américaines. Cf. Borja, 2009, 2013.
[6] López Sánchez, Pere, 1993c.
[7] López Sánchez, Pere, 1986.
[8] Benjamin, Walter, [1959] 2008.
[9] Margarit, Joan, 2010.
[10] Ou la Barcelona-Model, expression par laquelle certains critiques du Pla Macià évoquaient la sinistre prison, préfigurant ainsi comment allait se transformer la ville post-olympique et, en particulier, ses quartiers les plus rebelles.
[11] González Calleja & del Rey Reguillo, 1995 ; León-Ignacio, 1981 ; Pradas, 2003 ; Tavera, 1995.

Bibliographie
BENJAMIN, Walter. Tesis sobre la historia y otros fragmentos. México : UACM, [1959] 2008. [ISBN : 9789687943954]
BORJA, Jordi. Luces y sombras del urbanismo de Barcelona. Colección gestión de la ciudad (Vol. 2) Barcelona : UOC. 2009. [ISBN : 9788497889032]
BORJA, Jordi. Barcelona y su relación con otras ciudades. Bilbao, Monterrey, Río de Janerio y Buenos Aires. In J. CUCÓ (Ed.), Metamorfosis urbanas. Ciudades españolas en la dinámica global (p. 51– 80). Barcelona : Icaria Editorial, 2013. [ISBN : 9788498884784]
CAPEL, Horacio. El Modelo Barcelona : un examen crítico. Barcelona : Ediciones del Serbal, 2005.
CAPEL, Horacio. El debate sobre la construcción de la ciudad y el llamado « Modelo Barcelona ». Scripta Nova. Revista Electrónica de Geografía y Ciencias sociales. Barcelona : Universidad de Barcelona, 15 de febrero de 2007, vol. XI, núm. 233. <http://www.ub.es/geocrit/sn/sn-233.htm> . [ISSN : 1138-9788].
CAPEL, Horacio. Barcelona : Construcciones, destrucciones y responsabilidades. Un capítulo censurado de la obra Destrucción y construcción del territorio, de Aurora Fernández Polanco, Magdalena Mora y Cristina Peñamarín (Editorial Complutense, 2008). Biblio 3W, Revista Bibliográfica de Geografía y Ciencias Sociales, Universidad de Barcelona, Vol. XIII, nº 819, 15 de abril de 2009. <http://www.ub.es/geocrit/b3w-819.htm> . [ISSN 1138-9796].
CAPEL, Horacio. Los Juegos Olímpicos, entre el urbanismo, el marketing y los consensos sociales. Biblio 3W. Revista Bibliográfica de Geografía y Ciencias Sociales, Universidad de Barcelona, Vol. XV, nº 895 (1), 5 de noviembre de 2010. <http://www.ub.es/geocrit/b3w-895/b3...> . [ISSN 1138-9796].
DEGEN, Monica Monserrat, GARCÍA, Soledad, & CAVALCANTI, Leonardo. La Metaciudad : Barcelona, transformación de una metrópolis Rubí, Anthropos, 2008. [ISBN : 9788476588598]
DELGADO, Manuel. La Ciudad mentirosa : fraude y miseria del « modelo Barcelona », Madrid, Los Libros de la Catarata, 2007. [ISBN : 9788483193204]
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LÓPEZ SÁNCHEZ, Pere. Un verano con mil julios y otras estaciones. Barcelona : de la Reforma Interior a la Revolución de Julio de 1909. Madrid : Siglo XXI, 1993c. [ISBN : 8432307807]
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VON HEEREN, Stefanie von. La Remodelación de Ciutat Vella : un análisis crítico del modelo Barcelona. Barcelona : Veïns en Defensa de la Barcelona Vella, 2002.

Traduction réalisée par un aficionado sans qualité.
Les notes entre crochets sont des Giménologues.
Les photos ajoutées pour illustrer le propos de Miguel Fernández le sont à notre initiative : elles proviennent du site https://rastrosderostros.wordpress.com/


Les Giménologues, 13 décembre 2014


Version espagnole

MEMORIA DE LA DIGNIDAD EN ACCIÓN
EN EL MENOSPRECIADO CENTRO DE LAS PERIFERIAS [7]

LÓPEZ SÁNCHEZ, Pere. Rastros de rostros en un prado rojo (y negro) : las Casas Baratas de Can Tunis en la revolución social de los años treinta. Barcelona : Virus editorial, 2013. [ISBN : 978-84-92559-45-9]

Miquel Fernández González
Observatori d’Antropologia del Conflicte (OACU).
Facultat de Geografia i Història. Departament d’Antropologia Social i d’Història dÀfrica i Amèrica. Universitat de Barcelona.

22 de enero de 2014

Fue mi colega antropólogo Manuel Delgado el primero que me puso sobre la pista de Pere López Sánchez. Yo me encontraba escudriñando hasta qué punto la celebración de los Juegos Olímpicos de 1992 en Barcelona fue un “objetivo de todos”. El artículo en cuestión[1], criticaba el impostado consenso alrededor del macro acontecimiento. Me sorprendió por la profundidad, originalidad de la perspectiva crítica, por la lucidez del análisis y por lo incisivo y claro del texto. Su forma de escribir y analizar, precisa y preciosa al mismo tiempo, así como una perspectiva profunda y radical, me llevaron a otros textos suyos[2]. El siguiente que atrapó mi atención ampliaba la crítica avanzándose a lo que luego sería la deslegitimación académica[3] del -hoy ya denostado incluso por sus promotores iniciales[4], Modelo Barcelona[5]. Porque tal y como nos recuerda López Sánchez -sin referirse ni una sola vez, valga el silencio como denuncia a gritos- el Modelo ha existido y debe su reconocimiento mundial, a su ardua experiencia a la hora de poner el suelo de la ciudad a disposición de especuladores locales e internacionales, tanto como para perfeccionar la explotación de pobres y su control.

La ciudad del perdón que soñó el abuelo del olímpico alcalde, Joan Maragall, nunca ha estado tan cerca de materializarse como en el periodo que va desde su elección en el año 1986 como sede de los Juegos Olímpicos de 1992 hasta el desalojo del cine Princesa en 1996. Diez años fueron suficientes para aturdir a gran parte de su población y dar rienda suelta a un capitalismo tan salvaje como el que explica en parte el estallido de la revolución que nos relata López Sánchez. Este sueño de la Barcelona del orden tendría su primera puesta en evidencia y gran impugnación masiva con el ciclo de protestas que se iniciaría en el 2001 con la masiva ocupación de sus calles contra el Banco Mundial que tenía previsto celebrar la Annual World Bank Conference on Development Economics (ABCDE acrónimo elocuente por otro lado) en Barcelona y que llegaría hasta nuestros días en las variadas formas de ocupación de plazas públicas.

Sus anteriores monografías Un verano con mil julios[6] o El Centro histórico, un lugar para el conflicto[7] son considerados hoy en día como insoslayables para el conocimiento de la historia crítica del gobierno de las ciudades en general y concretamente del de Barcelona. Pues bien, el nuevo libro del geógrafo que aquí se reseña, ha superado todas las expectativas de quien escribe. Se trata del detallado análisis de la revolución social del primer tercio del siglo pasado en el barrio barcelonés de Can Tunis. Pero no es sólo esto. Rastros de rostros contiene una propuesta metodológica tan revolucionaria como pudieron representar los hechos que él mismo trata.

Espero que sirvan estas páginas como síntesis que haga honor a la exhaustiva investigación de López Sánchez y también como homenaje a este conmovedor, innovador e inteligente libro. Quiero destacar en estas líneas dos grandes cuestiones que a mi parecer convierten Rastros de rostros en el último trabajo imprescindible publicado en ciencias sociales en nuestro país : primero –y como se acaba de destacar- su valiosa e irreverente aportación metodológica para el abordaje de problemáticas historiográficas. Segundo, el literal alumbramiento de la lucha de los vecinos y vecinas de las Casas Baratas de Can Tunis. Un puñado de gentes que aquí como en otras obreriadas eran tratados como los piojosos, la chusma, los nadie, los eternos perdedores y perdedoras de la historia. En este sentido es quizás, la obra conocida en castellano que más se aproxima a la octava tesis sobre la historia de Walter Benjamin[8] según la cual, no lo olvidemos, la memoria se construye sobre escombros y que para los oprimidos, los pobres, los extraños... el estado de excepción, constituye la regla de su vida ordinaria. Por ello Rastros de rostros es, no cabe duda, el más incómodo testimonio de lo posible y de sus enemigos.

El estado de excepción ha inundado también el pensamiento producido desde las universidades. Resulta necesario el trabajo de López Sánchez porque impugna los elocuentes olvidos de la historiografía oficial y porque propone un método que desafía las reglas de un establishment académico habituado a observar el mundo social desde muy lejos y desde muy arriba. El trabajo es tan importante porque es el que más claramente escribe contra del estado de excepción académico que se manifiesta estableciendo qué y cómo se puede pensar, investigar o relatar. Una impronta de falsedad e hipocresía que no ha dado justa cuenta de los rastros de las efímeras victorias contra la opresión, las maneras de vivir y organizarse sin dominación de unos sobre otras.

Joan Margarit[9] recita “No és de la història que tinc nostàlgia. És de la geografía”. Y ha tenido que ser un geógrafo el que nos alerte que hoy más que nunca se debe luchar en todos los frentes para que la injusticia no persista en su transmutación en norma. Por último, cabe agradecer también a la editorial Virus la publicación de un texto alejado de las modas historiográficas y de los imponderables académicos.

Cuestión de Método. El método en cuestión

Un título como Rastros de rostros en un prado rojo (y negro) sintetiza, no solo lo que ha descubierto (y no descubierto) el autor sino cómo lo ha hecho. López Sánchez nos da una tremenda lección de cómo aprender, aprehender, descubrir (en los sentidos de destapar lo que estaba tapado y hallar lo que estaba ignorado). Él dirá a lo largo del texto “he preferido interrogantes, a interrogatorios”, dejando de lado “el papel de depredador en favor del de recolector” (p.196). Cuando no tiene datos, ofrece posibilidades y deja bien claras que son las que a él se le ocurre. Lo que sucedió es una cosa y lo que pudo suceder otra bien distinta ; lo primero se pliega a los hechos, lo segundo a los deseos o a los temores. Es una postura ética pero también metodológica porque es él el primero en interrogarse sobre el valor de los datos : ¿Vale más el material de archivo o acaso son más verdad las locuciones de los protagonistas o sus conocidos ? Partiendo de este respeto por lo acaecido y por la flaqueza de la memoria, escudriña el autor con total honestidad la ingente documentación de la que se ha proveído para esbozar qué pudo ocurrir y con especial ahínco, qué rastros han podido ser borrados para que todo se mantenga igual. Porque, otra premisa que supura por las páginas de Rastros de rostros es que cuesta tanto dejar huella como fácil es borrarla.

Qué se ha visto tiene que ver con cómo se ha visto y cómo se explica. Para nada es gratuito el ensayo sobre las maneras de conocer. En este sentido, las reflexiones metodológicas que destellan de un renglón a otro del libro tienen un momento especialmente valioso en la página 202.

“Las monedas tienen dos caras. Los propósitos no tienen por qué ser pretensiones. Los papeles impresos por más que estampen nombres no son de fiar, al menos del todo. Siempre han sido escritos, a menudo al dictado, arrastrando una autoría pomposa o gris, con sello o sin él. De la mirada a la escritura hay un paso : la una y la otra escarban en la realidad de los hechos —de unos hechos—, y cuentan y se fijan en lo que parece oportuno, después de lo que se alcanza a conocer, de lo que se quiere saber. Esa doble, como mínimo, reducción de realidades huidizas debería servirnos para no encumbrar unas fuentes que, aunque pasen por primarias, no dejan de ser secundarias ; es decir, construidas y amañadas. Las cosas, y más los actos, dependen de los ojos que miran, o se tapan ; de las bocas que hablan, o se callan. La acción siempre representará algo muy distinto para quien la hace y para quien la observa. Demasiado lejos queda cualquier pretensión absurda de rozar la verdad, si se escribe en mayúscula, por descontado. Propósito de saber qué pudo pasar, puede ser. No es mucho, pero tampoco nada” (p.202).

Sirva este párrafo como una buena muestra de la honestidad brutal del trabajo de López Sánchez. Un relato historiográfico que no inventa nada, que supone algo y dejando bien claro su componente propositivo, no lo convierte en su verdad. Expone, relaciona, analiza y no engaña. Dice lo que sabe, lo que le han dicho y todo lo sitúa en el plano correspondiente. No pretende reconstruir una verdad que nunca existió, no insiste en imponer una lectura tangencial e interesada. Y eso lo hace tomando partido claro, pero desentendiéndose de su opinión para tergiversar. Lo que él sabe que ha sucedido es lo que escribe. El resto lo supone y esta franqueza que otros autores encontrarían flaqueza es el corazón mismo del valor de su imponente trabajo de investigación.

López Sánchez se sumerge entre documentos y fuentes orales sin fiarse nunca de unos ni de otros. Quiere entender el autor, cómo la gente corriente vivió y se implicó intensamente en un proceso revolucionario. Sus datos los extrae de aquí y de allá, desde reseñas policiales hasta fichas de pensiones de viudedad de caídos en combate que utiliza para dar cuenta de la historia de las gentes de las Casas Baratas de Can Tunis. Al final, con la intención de impugnar frontalmente el silencio sobre estas gentes las nombra y las enumera : 186 hombres y mujeres que “no son tantos, pero esas huellas testimonian que quisieron y supieron estar juntos en sus presentes adversos, haciendo por y pensando en un futuro próximo” (p.206)

Tampoco y para nada el despliegue de los capítulos ni el desarrollo de la narración es canónico. No hay evolución, no hay -siempre- una secuencia correcta y unívoca de los hechos -principio que nos recordaba insistentemente el gran cineasta Joaquim Jordà- vienen y van y con el vaivén nos introduce López Sánchez y desde el principio en los intestinales resortes de los interrogantes de la historia, la personal y la colectiva, la oficial, pero sobre todo la olvidada -y masacrada.

Recuerdos de una revolución que fue una guerra (de clases)
Ahora es el subtítulo el que nos pone sobre la pista de qué se narra. Las Casas Baratas de Can Tunis en la revolución social de los años treinta congrega los resultados de una mayúscula indagación sobre los hechos, las personas, los lugares y las prácticas que protagonizaron la primera y quizás única revolución libertaria en Europa. Para ello concentra su campo de observación en un barrio, eso sí, periférico en toda la amplitud del término, Can Tunis. La obra quiere recuperar un hilo roto de la historia. Un hilo que no sólo se rompió por la derrota, también porque estos derrotados y derrotadas nacieron, crecieron y murieron en el margen aún siendo mayoría. Para ello reconstruye “trazos hechos trizas” (p. 56) añorando la ciudad que hubo pero sin condescendencia ni nada parecido ya que el retrato “miserabilista le asquea”(p. 114). Es ante todo un relato sobre lo incógnito, una especie de micromemoria del dolor, del sufrimiento de los pobres, de los eternos perdedores, de sus esperanzas y de las prácticas para colmarlas. Ahora sí, ¿por qué es tan difícil conocer la memoria de los desposeídos, de los derrotados ? ¿Qué nos dirá de nuevo Walter Benjamin ? Los efectos de la derrota no son solo barridos, sino también ilegalizados, maltratados hasta tal punto que algunos de sus protagonistas vivos -o sus familiares- no quieran recordar lo oscuro y doloroso de aquel acaecer. Es en este sentido que entendemos a Benjamin y que tanto López Sánchez como quien escribe, subscriben que “en aquellos barrios, rasgar la memoria es ingrato, incómodo, cuando no un suplicio” (p.207).

Propone él que el modelo de análisis que ha resultado del examen del inmenso volumen de material con el que ha trabajado sirva para comprender lo que ocurrió en el resto de la ciudad. Es el mismo autor quien nos lo hace notar : “Aunque sólo fuese esbozando lo ocurrido en aquel prado rojo y sus alrededores, salta a la vista que sus aconteceres se asemejan demasiado a los devaneos que sacudieron el resto de la ciudad. Allá pasó de todo lo que tenía que pasar, aunque no tanto o en mayor medida que en otros sitios” (p.294).

La historia oculta de los desarrapados comienza con los efectos de uno de los pilares fundamentales de lo que luego sería el Model Barcelona[10], es decir, la propulsión pública para la producción intensiva de plusvalías para oligopolios que ha significado la promoción de megaeventos. En este caso de estudio, es la celebración de la Exposición Internacional de 1929. Barcelona se dispone a adecuar la ciudad para este acontecimiento. La anterior exposición de 1888, así como el decidido empuje de la élite barcelonesa para sacar tajada del capital que contenía el precio del suelo de la Ciudad de los prodigios y su flamane Ensanche, va a convertir el acontecimiento en una nueva etapa de la típica acumulación capitalista, más que original, reincidente. Primero, la importación de mano de obra del resto del Estado a precios coloniales como primer aliciente para la concentración de capital. Luego, hacer la “ciudad atractiva”, ya en este momento, supone apartar de la vista el sufrimiento y la pobreza -precisamente encarnada en los cuerpos movilizados para ser duramente explotados en Barcelona- que afearían cualquier postal. Lo siguiente será disponer la ciudad para el consumo –o mejor dicho, para ser consumida, tal como ha llegado a nuestros días en la feria de las salvajadas de un capitalismo contrahumanista que muestra hoy, a principios del siglo XXI tanta violencia como en aquel primer tercio del pasado.

Las Casas Baratas de Can Tunis se construyen en este contexto. Su objetivo oficial será eliminar de la vista de visitantes las chabolas de la montaña de Montjuïc. “Todo debía estar a punto o aparentarlo”(p. 64). La corrupción urbanística ya galopaba en esta Barcelona post-prodigiosa. El plan se elaboró para alojar 6500 familias que vivían en barracas, pero acabó construyendo solamente 2329 casas baratas. Parece ser que, ayer como hoy, el dinero destinado a la construcción de las casas fue a los bolsillos de los especuladores de las buenas familias de Barcelona.

La indisciplina no es espontánea
La capacidad creadora de un movimiento revolucionario está basada en la abundancia de iniciativas, y especialmente, en la rapidez de su realización (p.219). Los protagonistas de esta historia son, no lo olvidemos los obreros, y un obrero es “aquel al que no le queda otro remedio que ponerse a trabajar para otro”, que por otro lado, era los que vivían en las obreriadas, de las cuales, el Prat Vermell era una entre tantas. Un motivo no siempre argüido y casi siempre determinante para dar cuenta del estallido revolucionario lo encontramos en el hartazgo de los sometidos : “no aguantábamos a tanto señoritingo nuevo o viejo” (p.48). “Tan insoportable resulta la miseria como la tiranía” (p.82). Afirmación que cruza todo el libro de una manera u otra.

Pere López Sánchez ahonda en la vida cotidiana, en las reflexiones que elaboraban aquellos vecinos y vecinas periféricos. Los personajes de la historia definían las elecciones como superstición, su convencimiento de la “imposibilidad absoluta que tenía la política para resolver los problemas obreros” (162).

“El nosotros suyo -que respetaba las individualidades pero denostaba los individualismos- se fraguaba a través de los contactos que mantenían en idas y vueltas del trabajo, en la estancia en el barrio, en las complicidades derivadas de renegar juntos de la miseria y la opresión que padecían, y de apostar, aunque fuera a tientas, por otro presente y futuro. Estaban aislados de la ciudad pero juntos por las ansias de reivindicación y emancipación. Por conveniencia quizás” (p.164).

Por ello, por conveniencia quizás allí también emergió la realización cultural de los principios autodidactas populares en la forma del Ateneo de defensa obrera. Con fines declarados de bastión moral, donde se llevaban a cabo jornadas poéticas o teatrales, y conferencias (una de ellas sobre la futura sociedad sin dinero), festivales pro presos y en general con una actitud resuelta para abordar cualquier faceta de la vida que les afectara.

El autor recoge historias olvidadas como la variedad de huelgas desatadas : por solidaridad con un compañero despedido, “huelgas por la dignidad colectiva”, en solidaridad internacional (con los mártires de Chicago por ejemplo), o las de brazos caídos. A éstas se añade la de alquileres y las múltiples protestas contra los desahucios o las cláusulas abusivas de los contratos de las Casas Baratas. Cantidad de notas nos ofrece López Sánchez para encontrar las similitudes -idénticas, en su presente y en el nuestro- entre las formas de responder a los desalojos en los barrios de Sants, Hostafrancs o La Magoria. La huelga afectará a más de 90.000 viviendas y llegará -con variada intensidad- hasta 1942. “Porqué no iban a dejarse robar para vivir y más, con tanto lujo desbocado a su alrededor” (p.177). De hecho, a los desalojos se les respondía con realojos, como los masivos que se produjeron en la noche de Sant Joan de 1931 (p.183). Sin lugar a duda, el preámbulo de nuestra emocionante y guerrera PAH (Plataforma d’Afectats per la Hipoteca). En este importante hecho que hoy tenemos tan presente se hace manifiesto en el mitin que generaliza la huelga el primer julio del 1931 y se demanda que los parados no paguen, que se eliminen los depósitos y la reducción del 40% para los trabajadores. Por entonces la huelga de alquileres habría adquirido brío. El gobernador civil Esplá Rizo y el presidente de la Cámara de la propiedad Pich i Pon (quien será alcalde de la ciudad en 1935) se alían para “imponer la paz civil”. Mientras, los inquilinos se organizan para impedir los desahucios.

Y es que, estos hombres, mujeres, mayores y niños, antes y durante la revolución “iban a por el todo” partiendo de que eran los del montón, los que no querían ser más que uno más, los que, al fin, revindicaban que la “civilización también les alcanzase a ellos”.

Esta obra, cabe insistir, es ante todo un arma para ruborizar a quienes tildaron la revolución de los años treinta de “resultado de la silvestrada”. Y no se rehúyen las acusaciones : “¿Acaso se puede hacer una revolución sin gota de violencia ?” (p.283). “En la justicia de los revolucionarios, policía, juez y verdugo se confundían en una. Esa metamorfosis de la justa justicia tampoco era tan novedosa. La conocían de antaño, tanto como para saber, por desgracia, que la única verdad jurídica era ésa” (p.290). Aun así la investigación sirve igualmente para desmentir el estigma del asilvestramiento sobre las gentes de aquellas casas : en el Prat Vermell hubieron apenas cuatro muertos represaliados por los obreros.

Todo el libro es una impugnación directa a los que han encontrado que la eclosión anarquista del 1936 resultó una espontaneidad, para sonrojarlos se dice que de espontaneidad ninguna, que todo lo contrario, que “al acecho a la coyuntura mal catalogada de espontaneidad” (p.232) […] ebulliciones subterráneas que a borbotones remueven las calamidades de la supervivencia […] “Los piojosos de aquel barrio y otros similares se apuntaron de golpe y porrazo, sin ninguna preparación, a aquella revolución social que destorotó muchas vidas ; las primeras, las suyas” (pp. 92-93) o “el asombro dejará de ser sorpresa y como bulo quedarán las manidas argucias que pontifican su irrupción por ensalmo, que de la nada arremetieron los nadie, que con nada quisieron comérselo todo y de malos modos” (p. 203). Porque salió la fachanderia a darles reacción y se llevaron revolución. “En los extremos de la ciudad de los prodigios, […] cuando la tortilla se giró bruscamente se atrevieron con desparpajo - algunos dirán que incontrolado- a lucir el mango de la sartén. Las periferias pasaron, al menos durante un buen trecho a ser centro. Arrastraron a los márgenes a sus eternos rivales” (p.159).

Y llega al “domingo sin festival”. Recoge el famoso santo y seña del 18 de julio, Fernando, Furriel, Ferrol. Enumera los planes golpistas bajo la clave de “operar al niño” que fueron seis : tres de ellos programados para antes, dos después e incluso uno el mismo día de las elecciones que dieron la victoria al Frente Popular el 14 de abril de 1936 (p.211).

Recupera también como aquella mañana de domingo, hubieron actos de confraternización entre el pueblo en armas y, por ejemplo, durante el asedio al cuartel de Lepanto, unos militares, después de ondear la bandera blanca, abrieron las puertas del cuartel y se abrazaron a los revolucionarios (p.217). Y durante las siguientes páginas, establece el recorrido de las gentes armadas contra la reacción -el que fue y el que pudo ser- de los que creyeron que era el momento de ir a por el todo.

Por momentos parece que existe un convencimiento general de la inminencia de la instauración del comunismo libertario. Esto no fue así pero la atmósfera lo recogía y obligaba a dignos dignatarios a no poder disociar en su vocabulario público las palabras “orden” y “revolucionario”. Fue el momento de “puesta de largo de las patrullas de control” (p.220). Se declaró la guerra a los parásitos sociales, se imponían multas a los industriales, éstas funcionaban a modo de impuesto revolucionario […] “se les hizo la vida imposible, acosándolos a capricho con tropelías varias (p.223). Porque tampoco esto oculta el autor cuando recoge otro testimonio que reconoce “de todo hubo, como en la viña del señor, no podía ser de otro modo” (p. 227)

Guerras subterráneas
En Rastros de rostros se expone cantidad de ejemplos detallados y probados de estrategias de criminalización y sus efectos que se esperaban amedrentadores. A los vecinos de Can Tunis, se les acusaba falsamente, se infligían castigos gratuitos, se les encarcelaba sin condena y un largo etcétera. La criminalización de aquellos años - que tan familiar nos resulta hoy- se cocía con las triadas escogidas e hirientes “obrero, anarquista, pistolero” o la tan infame de “inmigrantes, jornaleros y analfabetos” que eran la manera “correcta” cuando esta corrección les impedía decir “malhechores, maleantes y ladrones”. Como toda criminalización su principal función era distraer la atención que se tenía sobre los delitos que se cometían en las “altas esferas”, para que allí como aquí hoy y ayer, los grandes criminales, queden indemnes :

“En aquellas fechas, para atracos —decían ellos— los de guante blanco, que se prodigaban sin impedimentos ni censuras ; para celo en el mantenimiento del orden el descarado locaut del paro forzoso impuesto por una burguesía, cuyas preferencias —rojigualdas, cuatribarradas o con tintes violetas republicanos— eran pura tramoya, ya que sin distinción de banderas se aunaban todos a una en la defensa —como fuese— de sus beneficios, pues sólo profesaban, en el fondo, devoción y entrega por el color del dinero. En la prensa obrera ya ironizaban : « un piso modesto cuesta diez, quince, veinte duros al mes ; un pan cuesta setenta y cinco céntimos ; un par de zapatos, veinte pesetas. Decididamente, señor Ametlla —el entonces gobernador— hay que acabar con los atracadores » (p.200)

Hoy la estructura del menosprecio contra “los de abajo” se mantiene intacta, cambian, quizás los epítetos, adaptados a la corrección política de cada época.

La violencia adquiría los tintes clásicos más allá de las corrientes escaramuzas o de la clásica y por ello a veces invisible violencia objetiva o estructural. Concretamente ésta se dio en la forma de una resurrección del pistolerismo en los años treinta que se creyó enterrado en 1923 según la historiografía al uso[11]. Un inventario de somatenes o de Bandas negras hasta bien entrada la década de los años 30, organizaciones paramilitares y criminales pagadas por la patronal, protegidas por los gobernantes, civiles, militares y jefes supremos de la policía cuando no, directamente sicarios del Sindicato Libre que provocaron numerosas muertes de obreros (p.102). Se trataba, al fin, de una “sorda guerra social” […] “un mar de fuego subterráneo” [...] “en una Barcelona que seguía siendo un volcán” (pp. 124, 145, 125 respectivamente). El repertorio de acciones insurrectas pasaba por la destrucción del iluminado de las fábricas hasta la lucha de los maquis (donde participaron un puñado de aquellos vecinos), pasando por los boicots a quienes, por ejemplo, acaparaban productos además de un sinfín de refriegas cotidianas en los lugares de trabajo.

“Con la huelga […] pretendía destacar los modos que tomaba esta forma de lucha, [la contundencia] de la acción directa -nos recuerda el autor- cuando es expresión sin mediaciones, de una base numerosa decidida a agarrar unas botas, unas pesetas, un descanso en el plano material y a no perder la dignidad en lo que ellos, manumisos o insumisos de nuestro tiempo denominaban mejora o emancipación moral” (p.115). Sabemos de huelgas de hambre en prisión y también de la dura represión republicana, comandada en Catalunya por Lluís Companys (p. 120). López Sánchez sitúa durante unas páginas el centro del debate en las formas de control social no burguesas, es decir replanteando la máxima marxista según la cual, la seguridad es el supremo concepto burgués. Para ello, recupera también el control social que el mismo anarcosindicalismo llevaba a cabo, cuando por ejemplo, consideraban los robos de obreros como “actos de rebeldía mal encaminados […] y por tanto dignos de reprobación” (p.124). “¡Nobleza sí, pillaje no !, ¡justicieros conscientes sí ! “asesinos nunca”, clamaran desde Solidaridad Obrera (p. 291).

El silenciado e ignorado cual tabú papel de la “chiquillada” en la revolución, su participación en las barricadas “amontonando adoquines durante el día, ensanchando los boquetes en la calle y haciendo los montones más grandes” (p.126). Lo mismo recupera las diversas formas de lucha de las mujeres, por ejemplo, las vendedoras ambulantes, duramente perseguidas por la República, “revoltosas que no se achicaban ante las medidas represivas y hasta pudieron ser revolucionarias”. Y es imposible que uno no le venga a la mente las actuales y demasiado recurrentes imágenes de “manteros” corriendo frente a la policía o incluso enfrentándose a ella como aquel plante en Calafell en agosto del 2012, el más reciente de julio de 2013 en Torrevieja o en mayo de 2012, en el madrileño barrio de Lavapies que, obligó a un policía a disparar con su arma por la respuesta que encontraron de éstos y de los vecinos. O la reivindicación del derecho -ya no a la ciudad- a la vida, a que no se les “apartara de la civilización”. La síntesis expresada con el título del capítulo X “Mal de muchos, remedio de todos” recoge las sanciones obreras a los que no acataban por ejemplo, el boicot a un tendero acaparador. Las luchas aglutinaron porque el sufrimiento era transversal entre obreros y demás fuerzas productivas y reproductivas. “Ir a por el todo”, los asaltos al economato, los esfuerzos por distinguir a los “esquiroles por necesidad” de los “revienta huelgas profesionales” (142), las exigencias -aún hoy revolucionarias- de la jornada laboral de 6 horas.

Se narra con sumo detalle el conflicto con la fábrica ALENA. Al despedir a los obreros, éstos ocupan la fábrica. Se detalla los enfrentamientos entre obreros cenetistas -a los que se les prohibió trabajar- y falsos trabajadores de la UGT (Unió General de Treballadors) armados -que resultaron ser del Sindicato Libre. La cobertura de la República se realizó sin pudor y a Lluís Companys no le tembló la mano ni para firmar un ajusticiamiento a un libertario ni para « enviar la fuerza necesaria para garantizar el orden y la libertad de trabajo » (p.152). La cosa acabó con disparos y 13 heridos, 4 de ellos graves, las condenas de muerte a población del barrió fueron 3 en diciembre de 1938.

Detalles claros también de partes olvidadas de la historia. Como el sangriento 1º de mayo de 1931 : Se produjo un mitin en el Palacio de Bellas Artes donde se reclamaba la libertad de -todos- los presos, el desarme y la disolución de la Guardia Civil, la incautación de los capitales del clero o la rebaja de los precios de los alquileres. Después de la primera proclama se produjeron unos disparos y el ejército ocupó lugares estratégicos. Companys alabó la “ponderación” de las fuerzas de seguridad y afirmó que Barcelona era ingobernable y que se debía deportar a los “elementos perturbadores” para así también poder atender a “los arraigados” (p.174).

También recoge las reuniones entre militares leales a la República y Francisco Ascaso, Buenaventura Durruti y Joan García Oliver -Los Solidarios primero, y más tarde Nosotros- en el restaurante Las Siete Puertas. Mientras en el gobierno, la inocencia se mezclaba con el interés, en las obreriadas “los bríos, más que achicarse se multiplicaban” y un testimonio directo recuerda la confianza que tenían y afirma que “aquellos fachas esta vez se llevarían su merecido y que tras acabar con ellos empezaría la revolución” (pp. 213-215).

Los asaltos al barrio por parte de las fuerzas del orden eran comunes y tenían como finalidad sembrar el pánico y amedrentar a sus gentes.

“Es una incógnita si medraron ateniéndose a los tres caminos que, desde los círculos obreros, se abrían para los que no disponían de un céntimo, para los que ni venderse podían por un exiguo jornal. A escoger había, decían, entre morirse de hambre y de frío por las calles, pedir limosna extendiendo la mano a la caridad pública o afirmar los fueros de la vida por la fuerza tomando el pan donde lo hubiera. El Cangrio, en uno de sus poemas quejándose de que por más que sembraran flores ellos recogían espinas, le recitaba a su hijo, tras días deambulando en busca de faena y ver sus lloros por hambre —« por qué se ponen las nubes si tus ojos son soles »—, que « esta noche ten por seguro que pan tendrás, que no te habrá de faltar » (p.201).

Después del domingo entonces, el ensayo de una sociedad libre. “Vivir la utopía no era un señuelo” [...] "palpaban otro mundo, parido de sus culturas prácticas” (p.243 et 232), “no se contentaban con promesas aplazables, no pensaban en renunciar a nada, costara lo que costara” (p.231). Se pensó en abolir el dinero y se hizo lo propio con la usura. Los líderes eran de quita y pon. Se funcionaba mediante intercambios, y colectivizaciones -una de las más importantes de la zona, fue la misma fábrica el Prat Vermell. Se encontraron soluciones al gravísimo problema de la vivienda y una organización eficiente mediante la autogestión y la disciplina. Porque era amantes de la disciplina, “pero no de esa disciplina cuartelaria o conventual que les pretendían imponer, sino de la disciplina del deber entregada a encauzar la revolución” (p.253). Y después, muy pronto y para medio centenar de años -al menos- el antes en el que estamos hoy.

El asedio a la revolución
Un lugar y unas gentes como las que participaron en la revolución social de los años treinta desde las Casas Baratas de Can Tunis, fueron y han sido “el aparador de la leyenda negra de los márgenes” (280), una estigma este trabajo finalmente corrige. Y es aquí donde nos encontramos de nuevo con lo que parecen los fines latentes de esta obra : Abochornar a los que “han hablado hasta la extenuación de crímenes y castigos para tapar las aportaciones constructivas en que se empeñaron tantos anónimos que trabajaron, como proclamaban, para la eternidad labrando el sueño igualitario” (p.282).

Se estableció una falsa disyuntiva : claudicar o perder la guerra, se trataba de un sólido golpe a la Revolución (239). Aun así, la huelga de alquileres no se detuvo y el rechazo a la movilización se extendió. Fascistas y republicanos se unieron contra la revolución libertaria. Una guerra a la utopía hecha realidad empezó -o mejor dicho, continuó- en este lado del Ebro. Se intentó borrar de un plumazo la administración popular urbana, el gobierno se puso en contra de las colectivizaciones y de las patrullas de control que se querían desmantelar, momento en que UGT se desmarca de las mismas (p.257), en definitiva, un acecho en toda regla al proceso revolucionario.

Els Fets de Maig del 37 fueron el colofón de este giro contrarevolucionario. Un clímax al que se llegó después de innumerables colisiones esporádicas, de diversos altercados en las calles, cuando la rivalidad entre el gobierno y los y las ingobernables era ya un antagonismo irreductible. Se prohibió la circulación de armas, disolviéronse los tribunales populares. Este mayo sangriento acabó con la vida de 500 personas y con más de 1500 heridos. Comportó la disolución inmediata de las patrullas que aumentaron a 900 el número de cenetistas confinados (p.267). Los destellos de dignidad alcanzaban la prisión, donde se multiplicaban los motines.

Existía la sospecha que las élites comunistas promovieron los disturbios previos als Fets de maig. Y durante unos días, semanas tal vez, planeó la posibilidad de un golpe de Estado al Estado (p.269). El mismo denostado -aún hoy- barrio del Raval, se convirtió en una fortaleza estratégica en pleno corazón de la ciudad.

Describe el autor -con sumo detalle- la guerra sucia contra la Revolución iniciada prácticamente después de aquel corto verano de la anarquía. Toma nota de un complot de “nacionalistas catalanes de postín que estaban fraguando en contra de la misma Generalitat” (285). El texto recuerda que militantes de ERC formaron parte de las Patrullas de Control, aunque sea bien sabido como el mismo partido se desentendió de ellas y las demonizó.

La represión en Can Tunis fue esperpéntica. Y luego de la guerra, la derrota : represión, muerte, fusilamientos, campos de trabajo, de concentración, de exterminio. Muchos de los vecinos de las Casas Baratas acabaron en lo que fue un campo de exterminio avant la lettre, un experimento nazi, en Colliure. “Una desmoralización a raudales, sueños por tierra, abandonados por los ideales, rechazos a proseguir con más sacrificios, penurias y estómagos vacios”. El cálculo que realiza López Sánchez es aterrador. Por activa o por pasiva la represión -fusilamientos, detenciones, encarcelamientos, exilios forzados o confinamiento en campos de concentración franceses o españoles- apartó del barrio a un 25% de su población (p.305).
Mientras y durante, los apresados. No hubo ninguna familia en el barrio que no tuviera alguno de sus miembros en la cárcel. Las calles, eran otro enorme presidio (p.309), hasta el punto que según López Sánchez, la prisión se inauguraría en este momento como modelo de ciudad (p.326).

Los Rastros de rostros han tenido papel ahora, escrito y que se ha plasmado en esta obra como “el lamento, a veces grito sordo de las gentes de las barriadas extremas”. Lugar de excepción permanente como nos explicaba donde un salvajismo infundado ha justificado todo tipo de abusos contra aquellas gentes. Vecinos y vecinas de Can Tunis que no pudieron ver florecer el nuevo mundo que soñaron y cultivaron. Dejaron, eso sí rastros que no se han podido borrar. López Sánchez los ha recuperado, al fin, para combustible de la actual dignidad en acción.

Notas
[1] López Sánchez, Pere, 1991.
[2] López Sánchez, Pere, 1986, 1993a.
[3] Las críticas han sido masivas desde principios del presente siglo, momento en que se acuña la célebre formulación del Modelo Barcelona para referirse a las trasformaciones urbanísticas desde que Barcelona es escogida como sede de los JJOO de 1992. Quizás haya llegado el momento de reconocer con más ahínco la trascendental aportación de López Sánchez (1986, 1991, 1993a, 1993b) a la crítica al modelo de ciudad incluso antes que existiera la exitosa denominación. Ver Capel, 2005, 2007, 2009, 2010 ; Degen, García, & Cavalcanti, 2008 ; Delgado, 2007 ; Montaner, Álvarez, & Muxí, 2011 ; Ter Minassian, 2009 ; Von Heeren, 2002.
[4] Uno de los más notables precursores y ahora críticos con el modelo es Jordi Borja. Sus últimas apariciones públicas ya sea mediante libros, artículos, capítulos de libro o conferencias se distancia de lo que él contempla como una traición al modelo original, el que personas como él diseñaron. Aunque ahora se haya transubstanciado en uno de los críticos de dicho modelo, es, al mismo tiempo uno de sus más importantes exportadores en varias ciudades latinoamericanas. Ver Borja, 2009, 2013.
[5] López Sánchez, Pere, 1993b
[6] López Sánchez, Pere, 1993c
[7] López Sánchez, Pere, 1986
[8] Benjamin, Walter, [1959] 2008.
[9] Margarit, Joan, 2010
[10] O la Barcelona- Model, expresión con la que algunos críticos del conocido como Pla Macià evocaban la infausta prisión, presagiando en qué se convertiría la ciudad postolímpica y particularmente, sus barrios más irredentos.
[11] González Calleja & del Rey Reguillo, 1995 ; León-Ignacio, 1981 ; Pradas, 2003 ; Tavera, 1995.

© Copyright Miguel Ángel Fernández González, 2014.
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Ficha bibliográfica :
FERNÁNDEZ GONZÁLEZ, Miguel Ángel. Memoria de la dignidad en acción en el menospreciado centro de las periferias. Biblio 3W. Revista Bibliográfica de Geografía y Ciencias Sociales. [En línea]. Barcelona : Universidad de Barcelona, 25 de febrero de 2014, Vol. XIX, nº 1063. <http://www.ub.es/geocrit/b3w-1063.htm> . [ISSN 1138-9796].