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Passeurs d’espoir
Réseaux de passage du Mouvement libertaire espagnol (MLE) 1939-1975
Éditions libertaires, 2012

Voici en avant-première quelques extraits du livre de Guillaume Goutte [1] à paraître bientôt. Nous le remercions bien chaleureusement de nous avoir confié son contenu.

Guillaume a conversé en 2011 avec plusieurs protagonistes des Jeunesses libertaires dont Jordi Gonzalbo, auteur des Itinéraires. Le compte rendu de ces entretiens vient opportunément compléter son récit, notamment avec le témoignage d’une « passeuse » française : Jeanine, la compagne de Jordi.

Nous saluons au passage la récente moisson de livres qui enrichit l’histoire de la Fédération Ibérique des Jeunesses Libertaires (FIJL) en France et en Espagne :


– Salvador Gurucharri et Tomás Ibáñez, Une résurgence anarchiste. Les Jeunesses libertaires dans la lutte contre le franquisme. La FIJL dans les années 1960, Éditions Acratie, 2012.

– Alain Pécunia, Les ombres ardentes. Un Français de 17 ans dans les prisons franquistes, Éditions Cheminements, Le Coudray-Macouard, 2004. On trouve depuis 2011 sur Feedbooks la version numérique (et actualisée) de ce livre sous le titre : Sombra y Sol - Matricule 44 (ainsi que la version espagnole intitulée Sombra y Sol).

Rappelons que des travaux sont toujours inédits :

– Juan Busquets, Vingt ans et six jours de prison. Les anarchistes dans les geôles de Franco, prologue d’Ángel Urzáiz, traduction de Renacer Soler. Parcours d’un jeune libertaire né en 1928 à Barcelone.

– Les mémoires de Paco Soler, aux bons soins de ses enfants Alba, Florita et Renacer Soler.

Nous saisissons l’occasion d’annoncer la publication prochaine chez un éditeur libertaire des Itinéraires de Jordi, revus, corrigés, augmentés et annotés par les Giménologues.

Les Giménologues, 10 avril 2012



Extraits choisis de

Passeurs d’espoir
Réseaux de passage du Mouvement libertaire espagnol (MLE) 1939-1975

Introduction

Si la résistance antifranquiste du Mouvement libertaire espagnol en exil a déjà fait l’objet de plusieurs études – saluons, à ce titre, l’œuvre « fondatrice » de l’historien et militant libertaire Antonio Téllez Solá –, la question de l’organisation de la traversée de la frontière n’a, en revanche, jamais bénéficié d’analyse particulière. Bien qu’évoquée dans certaines biographies militantes comme dans des ouvrages plus généraux consacrés à l’antifranquisme, aucune étude approfondie des acteurs et de l’organisation des réseaux de passage clandestins du Mouvement libertaire espagnol n’a pour l’instant été menée. Et pourtant, cette activité était l’un des pivots de la résistance. Sans elle, celle-ci se serait cantonnée et limitée au seul territoire français. Comment, en effet, conduire des guérilleros en Espagne ou y diffuser de la presse et des tracts sans passer clandestinement la frontière pyrénéenne ? Et comment s’y prendre si l’on ne dispose pas de passeurs, d’ « hébergeurs », de faussaires et de refuges ? L’idée d’utiliser les réseaux d’individus non politisés, et simplement soucieux d’acquérir ainsi un pécule, est éliminée d’emblée, même si, en de rares occasions, certains libertaires pourront y avoir recours. Passer des hommes armés ou des fugitifs, ou bien la propagande politique, est, à cette date, une activité illégale qui conduit bien souvent à la prison ou au peloton d’exécution. La confiance est donc une donnée essentielle, si ce n’est primordiale, lorsqu’un recours à un passeur et son réseau se révèle nécessaire. Or cette exigence ne peut s’obtenir qu’en faisant appel à sa propre « famille » politique, où les risques de délation et de trahison sont plus limités – sans pour autant être totalement absents. Et c’est pourquoi le Mouvement libertaire espagnol est amené, entre 1939 et 1975, à tisser ses propres réseaux de passage transfrontalier.

Au long de cette étude, nous nous intéresserons donc aux réseaux de passage mis en place par les anarchistes espagnols, entre la France et l’Espagne, de 1939 à 1975. La période étudiée est vaste (de la fin de la Guerre civile à la mort de Franco), certes, mais il me semble nécessaire de montrer l’évolution globale de la pratique de traversée clandestine pour mieux saisir son fonctionnement, ses déterminants et les stratégies – politiques et militantes – qu’elle sous-entend. Nous verrons ainsi comment, pendant la Seconde Guerre mondiale, ces réseaux permirent l’évasion de militants emprisonnés dans les geôles franquistes, mais aussi le passage en Espagne de résistants, de Juifs et de militaires alliés en danger sur le territoire français. Nous verrons également comment ils organisèrent l’entrée en Espagne de militants antifranquistes chargés de déstabiliser la dictature par des actions directes (guérilla) ou par la diffusion de propagande politique. Cette activité est d’ailleurs leur principale et quasi seule raison d’être pendant les années d’après-guerre et les années cinquante. Nous verrons aussi comment, à côté de cet activisme strictement politique, ils furent parfois utilisés pour faire passer la frontière à des civils français et espagnols, d’un pays à l’autre. Nous étudierons leur fonctionnement, leur géographie, les itinéraires qu’ils proposaient et nous nous intéresserons aux différents acteurs qui les constituaient. Nous nous pencherons, enfin, sur les mesures prises par les autorités françaises à leur encontre, et leur évolution au cours des trois décennies qui délimitent notre sujet.

Cette étude nous permettra également de présenter cette activité de passage clandestin comme une forme de résistance libertaire aux fascismes allemand, français et espagnol. À ce titre, son intérêt est, nous semble-t-il, double : déconstruire, d’une part, l’image stéréotypée et idéologique de la figure du passeur trop souvent associée, sans nuance aucune, à celle d’un individu sans scrupules vivant de la misère des autres et réévaluer, d’autre part, l’intense activité antifasciste à laquelle se sont livrés les anarchistes espagnols, aspect généralement occulté – quand il n’est pas dénigré – dans les ouvrages traitant de la résistance aux fascismes qui, traditionnellement, font la part belle au Parti communiste – le fameux « parti des fusillés » (et des fusilleurs…) – et aux gaullistes.

Extrait du chapitre III
Organisation de l’activité des passeurs et des réseaux
du Mouvement libertaire espagnol

III : L’activité de passage transfrontalier des Jeunesses libertaires (1961-1975).

1) Les passeurs, des figures moins indispensables.

Avec les années soixante, l’Espagne franquiste choisit de sortir de l’autarcie et de se moderniser. L’ouverture économique et la croissance phénoménale du tourisme de masse sont les deux principaux axes de cette nouvelle politique. En dix-sept ans à peine – de 1955 à 1972 –, le nombre annuel de touristes se rendant en Espagne passe de 1 400 000 à 33 millions. Cette ouverture vers l’extérieur entraîne, quasi mécaniquement, une baisse d’intensité et de rigueur dans le contrôle des frontières. Rendu moins compliqué pour les touristes, le passage transfrontalier devient aussi moins dangereux pour les activistes antifranquistes. Dès lors, l’activité des passeurs et de leurs réseaux commence à décliner, la plupart des passages s’opérant « légalement », par les postes frontaliers, avec des papiers le plus souvent en règle. Et ce d’autant qu’à cette époque, nombre de jeunes activistes antifranquistes, nés en exil, sont de nationalité française. C’est ce qu’indique Octavio Alberola :

« À l’époque antérieure, les camarades qui allaient en Espagne étaient tous obligés de passer par la montagne. Il y en avait quelques-uns qui réussissaient plus ou moins à se faire des faux papiers, mais en général ils passaient par la montagne. Nous, c’était une autre époque. La majeure partie des jeunes étaient nés ici en France et avaient donc des papiers français ; ils pouvaient donc circuler assez facilement. De même pour les camarades d’autres pays, les Italiens notamment qui nous aidaient, ils circulaient avec leur documentation. On n’avait pas besoin de passer la frontière par la montagne. […] En général, on circulait très facilement, jusqu’à ce qu’on ait des problèmes. Moi-même je circulais avec mes papiers mexicains [2] . »

Tomás Ibáñez confirme, de son côté, à quel point la situation avait changé par rapport aux époques antérieures :

« Dans la période que j’ai connue [les années soixante], les passeurs et les réseaux frontaliers étaient tout à fait exceptionnels. Les militants non espagnols passaient généralement la frontière avec leurs propres documents d’identité, les Espagnols passaient soit avec leurs documents, s’il s’agissait de camarades qui avaient émigré en France légalement et n’étaient pas brûlés [repérés et surveillés par la police], soit avec de faux papiers [3] . »

Pour autant, les passeurs ne disparaissent pas tout à fait, certaines traversées clandestines demeurant indispensables, notamment pour évacuer des militants recherchés par la police. Bien que déclinante, l’activité de passage clandestin de militants et de propagande, reste donc nécessaire. Elle nécessite, de surcroît, la mise en place d’une logistique assumée par divers acteurs organisés, le plus souvent, dans des groupes formels, comme c’est notamment le cas de celui des Jeunesses libertaires de Perpignan.

2) Entre passage de militants et passage de propagande : le groupe de passage des Jeunesses libertaires de Perpignan.

Dans les années soixante, tout au long de la frontière franco-espagnole, des groupes de militants libertaires développent, compte tenu de leur position géographique, une activité militante particulière, essentiellement tournée vers le passage de personnes et de propagande libertaire en Espagne. La plupart sont rattachés à la FIJL et agissent dans le cadre des actions organisées à travers le DI. Les groupes les plus actifs et les plus importants – aussi appelés « bases frontalières » – se trouvent essentiellement à Perpignan, Nîmes, Avignon, Béziers, Bayonne, Biarritz et Tarbes [4]. Ayant eu la possibilité de rencontrer et de m’entretenir avec des anciens membres du groupe perpignanais de la FIJL, c’est principalement à travers l’étude de l’organisation et de l’activité de celui-ci que nous allons aborder le sujet.
Le groupe des Jeunesses libertaires de Perpignan s’est formé dans les années cinquante, et c’est au tout début des années soixante qu’il concentre son activité sur l’organisation du passage – de la France vers l’Espagne ou de l’Espagne vers la France – de militants antifranquistes et de propagande anarchiste. À cette époque, le groupe compte, aux dires de Jordi Gonzalbo et Jeanine Lalet – deux de ses membres –, une bonne vingtaine de militants.

« Nous – raconte Jordi Gonzalbo –, on appartenait à la FIJL comme organisation, mais en temps que groupe frontalier, on avait un travail assez spécifique. On menait une activité assez différente de celle d’un groupe situé à Lyon ou à Limoges, par exemple. Nous, on avait donc une activité de passage de personnes quand c’était nécessaire, mais surtout de passage de propagande avec des bus ou des voitures dont le fond était trafiqué. On était une vingtaine dans le groupe, grosso modo, et chacun s’investissait dans ce travail-là [5]. »

L’activité du groupe n’est, cependant, pas uniquement tournée vers l’organisation de passages frontaliers. Au cours de notre entretien, Jordi Gonzalbo a beaucoup insisté sur le fait que le groupe développait également une activité militante locale, tournée vers la France, liée à des problématiques françaises – ou, du moins, franco-espagnoles –, comme, par exemple, se faire l’écho, dans l’Hexagone, de la réalité espagnole, alors peu relayée par les médias officiels. Dans un texte publié en ligne – Itinéraires non choisis, itinéraires choisis –, Jordi Gonzalbo résume en cinq points le champ d’intervention du groupe de Perpignan :

« 1) “El interior” : en tant que groupe frontalier, nous devions faciliter le passage des copains qui allaient ou revenaient, assurer l’hébergement et, si nécessaire, fournir nous-mêmes l’agent de liaison, comme ce fut le cas en Catalogne et en Aragon.
2) Assurer le cheminement “tras los montes” [à travers les montagnes] du matériel de propagande (journaux, tracts, brochures etc. et, rarement, du matériel plus spécifique).
3) Au niveau local, chercher des appuis auprès des organisations, individualités et associations, car nous n’avions guère la sympathie des comités de la CNTE. La section locale du PSU, ainsi que quelques membres de la CFDT nous apportèrent une aide appréciable.
4) Maintenir une activité d’information par voie d’affiches, de tracts et par la rédaction d’un bulletin humoristique destiné à l’immigration économique espagnole travaillant en France.
5) Quelques-uns du groupe travaillaient dans l’industrie du bâtiment, aussi lors des grèves importantes, nous apportions dans les assemblées générales le point de vue libertaire lequel, n’en déplaise aux “camarades” communistes faisait quelquefois mouche – ce que ne faisait pas la CNT officielle, trop soucieuse de sauvegarder sa virginité [6]. »

a) Le passage de personnes.

Les personnes qui passent en France sont généralement des militants libertaires recherchés par les autorités dont la vie – ou la liberté – est menacée en Espagne. Pour traverser la frontière, ces militants contactent le groupe de Perpignan – directement ou via la FIJL. La suite nécessite une mise en scène bien rodée, comme le raconte Jeanine Lalet :

« Moi, en tant que Française, j’ai pu passer des copains. J’établissais des contacts ou bien je faisais du passage de propagande ou de personnes qui passaient la frontière à Puigcerdá. La première personne que j’ai contactée, c’était Conill [7], c’était mon premier voyage. J’en ai contacté un autre aussi qui faisait partie du groupe de Conill et d’autres à Saragosse dont je ne me souviens pas les noms ou quoi que ce soit. Le plus souvent, ça se faisait à Puigcerdá. On donnait des laissez-passer pour la journée, moi j’en prenais un et il y avait quelqu’un qui en prenait un autre qu’il me donnait et ce laissez-passer je le passais à celui qui arrivait, comme ça il passait incognito [8] . »

Jordi Gonzalbo confirme cette manière de procéder :

« Oui, c’est ça. Nous faisions le voyage Perpignan-Puigcerdá à trois, en voiture, car il fallait réserver une place pour le copain “invité”. On allait dans un café, la fille et le garçon prenaient un laissez-passer pour la journée, ils rentraient après avoir fait quelques courses [de l’autre côté de la frontière], ils revenaient au café où nous étions. Le garçon restait et la fille repartait [de l’autre côté de la frontière] avec son laissez-passer à elle et celui du garçon. Sur place, elle rencontrait le gars qui devait passer en France, mais il fallait des signes distinctifs pour le reconnaître. Ce n’était pas facile quand même, car nous ne disposions pas d’une logistique à la James Bond, loin s’en faut ! [9] »

Si, présentée ainsi, cette activité semble « facile », la réalité était un peu plus compliquée. Tous les protagonistes que j’ai pu rencontrer reconnaissent, en effet, qu’ils n’étaient pas « très rassurés » quand ils menaient ce genre d’opérations.

« Ce n’était pas toujours rigolo, il faut le dire, précise Jeanine Lalet. Une fois, je me suis trouvée à la gare de Puigcerdá où grouillaient les gardes civils. Questionnée, je répondis que j’attendais ma cousine. À peine sortie de la gare, le copain que je devais récupérer faisait, tel un sémaphore, des grands signes, initiative peu indiquée quand il s’agit de ne pas attirer l’attention. Je fis demi-tour, remontai la rue en me disant : “S’il veut, il suit.” Et il a suivi ! [10] »

Même si ce n’est plus la pratique la plus courante, d’autres militants passent la frontière munis de faux papiers.

« Les falsifications étaient très artisanales, indique Tomás Ibáñez. Il s’agissait le plus souvent de changer les photos et de reproduire les tampons sur des passeports fournis par des sympathisants ou des camarades, même si des documents vierges furent parfois utilisés. C’étaient des camarades libertaires spécialisés, ou simplement instruits par les spécialistes dans les activités de faussaire, qui préparaient ces faux papiers [11] . »

b) Le passage de propagande.

Si le groupe des Jeunesses libertaires de Perpignan organise, en cas de nécessité, le passage clandestin de militants, sa principale activité a trait à l’acheminement clandestin de propagande libertaire et antifranquiste vers l’Espagne. Dans les conditions de clandestinité et de répression qui lui sont imposées, le mouvement libertaire de l’Intérieur peine, en effet, à réaliser par lui-même les outils de propagande nécessaires à son combat. Cette tâche incombe généralement aux militants de l’exil qui, le plus souvent à la demande des militants de l’Intérieur, se chargent de la confection des tracts, journaux, papillons, etc., puis les font entrer clandestinement en Espagne. Pour ce faire, le groupe perpignanais de la FIJL a usé de divers subterfuges qui ont montré leur efficacité, du moins pendant un temps.
L’une des techniques mises au point repose sur l’utilisation de la ligne de cars Perpignan-Barcelone.

« C’était extrêmement facile à cette époque-là, raconte Jordi Gonzalbo ; il suffisait de deux personnes : une qui était française – ou censée l’être – montait dans le car, pendant qu’une autre mettait la valise [pleine de propagande] dans le filet. Du coup, [s’il y avait des problèmes en cours de route, notamment lors du contrôle à la frontière] personne ne pouvait faire le lien entre la valise et celui qui était assis dans le car. Ça a très bien fonctionné pendant un bon bout de temps, jusqu’à ce que la compagnie ait le mauvais goût de demander la carte d’identité et d’exiger que le nom du voyageur soit inscrit sur son bagage [12] . »

« La ligne Perpignan-Barcelone, confirme Tomás Ibáñez, était très utilisée, car elle permettait de minimiser les risques, puisque le voyageur ne prenait en charge le bagage à l’arrivée que si le passage de la frontière n’avait pas été problématique et s’il n’avait rien observé de préoccupant soit au départ, soit pendant le trajet, soit à l’arrivée [13] . »

Si l’opération paraît assez simple, les risques ne sont, là encore, pas exclus. C’est d’ailleurs la prise en considération de ces risques qui va pousser le groupe de Perpignan à abandonner ce moyen de transport de propagande. Un problème est, en effet, survenu sur l’envoi d’une valise contenant des explosifs. Elle devait être acheminée à Barcelone par un libertaire italien qui, en cours de route, prit soudainement peur. Du coup, il descendit du car, avant l’arrivée, sans prendre la valise qui, une fois parvenue à destination (Barcelone), resta sans propriétaire… Jordi Gonzalbo se souvient de cette aventure :

« Le premier problème survint au cours du passage d’un cabas d’apparence on ne peut plus banale, contenant, entre autres choses, un pain de plastic. Nous l’avions placé à l’intérieur du bus, un copain italien devait le convoyer à Barcelone. Au bout de quelques heures, nous reçûmes un coup de fil nous signalant que le bus était bien arrivé, mais pas le copain, et que le paquet était resté dans le filet et retournait vraisemblablement au dépôt. Grande cogitation au sein du groupe : fallait-il courir le risque d’aller le récupérer ? [14] »

Jeanine décida d’aller au « charbon » :

« J’avais inventé une histoire, je disais que c’était le paquet de ma belle-mère que j’avais mis dans le filet, mais que, finalement, elle n’était pas partie. Je demandais donc à reprendre le paquet. Et ils m’ont cru, c’était une chance ! On a donc récupéré le paquet. C’était un paquet comme n’importe quel voyageur peut en avoir. Et l’Italien, lui, il avait pris peur et il était descendu avant. Mais remarque, vu la tête qu’il avait, il se serait fait remarquer ! [15] »

Une fois ce système abandonné, le groupe des Jeunesses libertaires choisit d’opter pour un nouveau moyen d’acheminement : le camion. C’est un certain Floréal, ami de Valence et chauffeur d’un camion de fruits et légumes voyageant régulièrement entre l’Espagne et la France, qui est choisi. Il accepte de faire entrer clandestinement de la propagande en la dissimulant dans son chargement. Mais, là encore, cela ne dure qu’un temps, et le Floréal en question est finalement arrêté par les autorités espagnoles.
Après les cars et les camions, les jeunes libertaires perpignanais choisissent la voiture, et pas n’importe laquelle, une 2CV ! Là encore, la mise au point de ce nouveau moyen d’acheminement de propagande prouve que le groupe de Perpignan s’inscrivait dans un réseau qui, bien qu’informel et jamais défini comme tel, en était bel et bien un. Cette nouvelle idée nécessite, en effet, la participation d’acteurs divers, dont des mécaniciens avignonnais, chargés de fabriquer un double fond dans la 2CV.

« À force de cogiter, raconte Jordi Gonzalbo, nous avions trouvé une solution : les copains d’Avignon nous avaient proposé d’équiper une 2CV d’un double fond. L’avantage, c’est que la 2CV n’attirait pas l’attention, elle passait inaperçue. Le défaut, c’est qu’avec une seule personne à bord, elle était déjà en surcharge. Tout le groupe était investi à tour de rôle dans ce “travail”, j’étais le seul à ne pas participer à cette équipée, parce que trop fiché par la police. Nous faisions pratiquement deux voyages par mois [16] . »

À propos des avantages de la 2CV comme moyen de transport clandestin, Jordi précise, par ailleurs :

« On dit communément qu’on ne prête attention qu’aux riches, et comme une 2CV peut difficilement passer pour un signe extérieur de richesse, on peut en déduire que notre dénuement fut notre chance, celle de passer pratiquement inaperçus [17]. »

Outre le double fond fabriqué par l’équipe technique d’Avignon, le groupe de Perpignan s’escrime également à dissimuler de la propagande dans les pneus de la 2CV. À ce souvenir, Jordi Gonzalbo en rit encore :

« Nous avions souvent des idées farfelues que nous testions. L’une d’elles consistait à placer des brochures entre la chambre à air et le pneu d’une voiture… Inutile de te dire que le résultat était catastrophique [18]. »

Passeurs d’hommes ou de propagande, les membres du groupe sont aussi des « hébergeurs ». Quand des militants d’une autre ville ou d’un autre pays se rendent en Espagne pour mener des actions, ils font bien souvent halte à Perpignan où ils sont accueillis, le temps d’une nuit ou davantage, par les militants locaux. Jordi Gonzalbo et Jeanine Lalet se souviennent d’en avoir hébergé un grand nombre au cours des années soixante.

« Nous faisions passer des copains, certes, mais nous assurions également de temps à autre l’hébergement, raconte Jordi Gonzalbo. Il y avait les Italiens qui participaient aux passages, ou qui assuraient le rôle d’agents de liaison entre les groupes en Espagne. Comme dit notre fille, Myrtille, il y avait souvent du monde à la maison [19] . »

À travers tous les moyens mis en œuvre, moyens qui doivent être sans cesse réinventés au fur et à mesure que la police les démantèle, on se rend bien compte que, là encore, l’activité de passage clandestin de la frontière – qu’il s’agisse de militants ou de propagande – ne repose pas seulement sur un groupe de passeurs, mais sur un ensemble d’acteurs différents ayant tous un rôle spécifique à jouer pour le bon déroulement de l’opération : des passeurs, des conducteurs, des mécaniciens, des faussaires, des « hébergeurs », etc. Plus qu’à travers un groupe, c’est donc à travers un véritable réseau que ces passages s’organisent.

3) Origines de l’engagement et fonctionnement interne du groupe de passage libertaire.

Comme beaucoup de groupes anarchistes, celui des Jeunesses Libertaires de Perpignan est largement fondée sur l’affinité. Tous ses membres se connaissent, s’estiment et s’apprécient assez pour se faire mutuellement confiance et travailler ensemble. Pour Jordi Gonzalbo, s’organiser et militer relevaient d’une sorte d’évidence.

« En vérité, il était impensable pour nous de rester en marge, juste occupés par notre seul devenir personnel ; choix que firent tant de jeunes réfugiés de notre âge. L’engagement était donc inévitable [20] … »

Quant à son intérêt pour l’anarchisme et à son désir d’engagement dans le mouvement libertaire, ils procédaient, là encore, à l’entendre, de la même évidence :

« Il n’y avait pas, en ce qui me concerne, de choix à faire. Né en Espagne en 1930, réfugié en 1938, apatride, je vivais le quotidien comme n’importe quel adolescent de mon âge. Par contre, certains d’entre nous menaient en quelque sorte une “double vie”, car nous faisions également partie de la communauté libertaire en exil, bien structurée, ayant toujours un œil tourné vers l’Espagne. Nous assistions à des conférences, à des meetings, à ces discussions sans fin si spécifiques aux libertaires, nous collions des affiches, bref nous “entrions dans la carrière”. L’engagement était inévitable car on ne fréquente pas impunément une communauté bouillonnante d’idées généreuses sans, tel Obélix, en être imprégnés. J’ai commencé à militer à partir de l’âge de 15 ans. On faisait des sorties, du théâtre, des activités militantes ludiques [21] . »

Cette implication militante n’allait pas, comme l’écrit Jordi, sans charrier sa part d’espoir dans l’éveil et la conjonction des consciences :

« Était-ce faire preuve de naïveté que de croire (sans doute avec le recul, on peut le considérer ainsi) que nous pouvions avec notre action contribuer à renverser le régime ; ou à précipiter une évolution démocratique, en attendant mieux ? Il ne faut pas oublier qu’à cette époque il était encore plausible de croire que la somme des révoltes individuelles ajoutées les unes aux autres et potentialisées pouvait mener à la révolution. Peut-être avions-nous la candeur de rêver que l’action révolutionnaire inciterait les nouvelles générations, celles qui n’avaient pas connu la guerre et ses conséquences immédiates, à aller au-delà de la seule révolte [22]. »

Pour Jeanine Lalet, le parcours est d’autant plus différent que, n’étant issue ni du milieu anarchiste ni de la diaspora espagnole, son engagement se situe, comme elle l’explique elle-même, sur un terrain beaucoup plus personnel :

« Déjà, moi, je ne suis pas une militante, je ne me reconnais pas militante. Ce que j’ai fait, je l’ai fait par solidarité, parce que je le ressentais. […] Moi, j’étais révolutionnaire chez moi. Chez moi, ce n’étaient pas des Espagnols, mais la vie était dure et je faisais ma révolution comme je pouvais, à la maison. Je me suis sentie solidaire dans la mesure de mes moyens. J’étais prête à tout faire, mais je ne revendique aucun signe d’aucune sorte. Je ne veux pas qu’on me classe dans une catégorie. Je juge une personne sur son comportement, le reste, ce n’est pas mon truc. »

Libertaire revendiquée ou pas, Jeanine Lalet n’en fut pas moins la principale passeuse du groupe des Jeunesses libertaires de Perpignan. Pour Salvador Gurucharri et Tomás Ibáñez, elle était « probablement celle qui avait le plus d’expérience dans les passages, les liaisons et les contacts avec les compagnons de Barcelone [23] ».

La dimension affinitaire du groupe lui confère une ambiance de franche camaraderie qui permet de surmonter les dangers, de les relativiser et, surtout, de se serrer les coudes en cas de coup dur.

« Il régnait au sein du groupe une confiance absolue, insiste Jordi Gonzalbo. Les réunions de travail étaient laborieuses, dans le bon sens du terme, et les décisions, parfois délicates à prendre. Nous poussions le sérieux jusqu’au point de faire un compte-rendu à chaque réunion. Néanmoins, sans vraiment le réaliser, nous fonctionnions comme ce que nous étions vraiment : un groupe d’affinité qui ne s’embarrassait pas des protocoles qui avaient encore cours dans nos milieux. Ces derniers se révélaient certes nécessaires lors des réunions et assemblées quand il y avait foule, mais demeuraient désuets quand nous étions peu nombreux. Il est vrai que nous avions un comportement assez laxiste et peu orthodoxe qui pouvait décontenancer les quelques copains qui venaient de temps à autre assister aux réunions. Nous avions pris une habitude : tout copain qui effectuait un passage de l’autre côté, devait apporter une bouteille d’eau de feu ou d’autre chose de ressemblant. Comme il n’était pas question de garder ces bouteilles comme des trophées sur une étagère, nous les buvions, sans démesure bien entendu. Et n’étant pas à un vice près, nos réunions étaient, sinon fumeuses, au moins enfumées, arrosées, et quelquefois interminables, ce qui pouvait décourager les moins aguerris… et c’était souvent le cas [24]. »

Avec le recul, Jordi Gonzalbo et Jeanine Lalet s’accordent pour reconnaître qu’une bonne part des succès obtenus dans les passages de personnes ou de propagande était indépendant d’eux-mêmes. « Le hasard avait une grande part ! [25] », affirme Jeanine, ce que confirme Jordi : « Surtout la chance ! On n’était pas des révolutionnaires professionnels, on improvisait tout et on apprenait sur le terrain. Ce n’était pas évident [26]. » Cette part de « hasard » ou de « chance » servit souvent de coup de main du destin pour pallier les très faibles moyens financiers dont disposait le groupe de Perpignan pour monter ses opérations.


« Au niveau local, raconte Jordi Gonzalbo, nous ne pouvions compter que sur nous-mêmes. Il était impensable de demander quoi que ce soit à la CNT, et il n’y avait pas à Perpignan de groupe libertaire ayant pignon sur rue au nom duquel nous aurions pu monter au créneau. Nous dûmes donc nous débrouiller [tout seuls] comme d’habitude [27]. »

4) Liens et rapports avec les organisations politiques et humanitaires.

Bien que jouissant d’une ample autonomie de fonctionnement, les groupes des Jeunesses libertaires ne sont pas pour autant coupés de toute relation avec les autres organisations, celles issues du mouvement anarchiste espagnol et français, mais aussi de divers secteurs politiques, syndicaux ou humanitaires.

a) Avec les organisations anarchistes espagnoles (exilées).

Dans les années soixante, et particulièrement à partir de 1963, les rapports entre les groupes de passage de la FIJL et la CNT sont extrêmement tendus, notamment avec son Secrétariat intercontinental (SI) [28] . Comme nous l’avons vu précédemment, deux grandes raisons expliquent l’existence de ces tensions : d’une part, la volonté du secteur orthodoxe de la CNT de « stériliser » l’activisme, parfois déraisonné, des Jeunesses ; d’autre part, la persistance, au sein de la CNT réunifiée en 1961, de querelles intestines issues – pour partie, mais pas seulement – de la scission de 1945.

L’attitude du secteur orthodoxe de la CNT vis-à-vis des groupes de passage des Jeunesses – dont celui de Perpignan – ne relève pas tant d’une mise en cause de l’activité même de passage [29] , mais d’une claire condamnation de l’activisme d’action directe antifranquiste auquel ces groupes, nous l’avons vu, sont étroitement liés. En effet, il voit d’un mauvais œil l’activité bouillonnante – et illégale – des militants des Jeunesses libertaires. Pour lui, cette voie ne mène nulle part, si ce n’est à une répression accrue du mouvement libertaire, en France comme en Espagne. Cette condamnation de l’activisme se transforme peu à peu en une sorte de paranoïa qui pousse le SI – repris en main par le secteur orthodoxe après la parenthèse de Défense Intérieur (voir chapitre 2) – à accuser la FIJL de vouloir détruire la CNT.
C’est ainsi que le groupe de Perpignan rompt ses liens avec la CNT à la suite de reproches qui lui sont faits à propos d’une action qu’il a entreprise et qui consistait à peindre des slogans antifranquistes sur le bitume des routes. Jordi Gonzalbo raconte :

« Quelques jours après, au cours d’une assemblée ordinaire du syndicat, le comité nous reprocha l’initiative que nous avions prise à leur insu (les inscriptions sur les routes, pour le reste de nos activités ils n’étaient pas dans le secret des dieux) et qui pouvait avoir pour conséquence de mettre en péril l’existence officielle de la CNTE en France – pas moins – et que, le fait accompli, nous quémandions leur aide. À partir de ce jour, nous cessâmes toute relation avec les officiels du comité, tout en maintenant de très bons rapports avec les militants qui nous connaissaient de longue date et que nous appréciions [30]. »

Récurrente, cette condamnation de tout type d’activisme, même le plus innocent, atteint son paroxysme, en novembre 1963, après le coup de filet de police française sur les milieux anarchistes espagnols, et en particulier sur les Jeunesses libertaires. Cet épisode alimente, en effet, les critiques des orthodoxes de la CNT qui y voient la preuve indéniable que l’activisme des Jeunesses porte davantage préjudice au mouvement libertaire lui-même qu’au régime franquiste. Pour Jordi Gonzalbo, il n’était pas rare que cette condamnation officielle de l’activisme suscite une certaine schizophrénie à la base de l’organisation :

« En réalité, notre radicalisme, qui exigeait une cohérence entre dire et faire, mettait la CNT et la FAI en porte-à-faux. Certains militants de base étaient écartelés entre une sympathie évidente pour l’action que nous nous efforcions de mener à bien – et qui n’était, dans le fond, guère éloignée de celle qui fut la leur bien des années auparavant – et les mises en garde émanant du comité, garant de l’orthodoxie [31]. »

Mais, derrière ces divergences à propos de l’activisme des Jeunesses libertaires, se profilent aussi des luttes de pouvoir internes à la CNT. En effet, comme nous l’avons évoqué précédemment, la CNT en exil est alors en proie à des divisions et à des querelles qui, au final, relèvent davantage de pratiques bureaucratiques de contrôle de l’appareil que de désaccords idéologiques et tactiques tranchés. Ce que confirmait Tomás Ibáñez lors de notre entretien :

« Je pense que, sur un fond d’une plus ou moins grande conviction quant à l’opportunité de mener réellement à la pratique les accords concernant la ligne d’action directe, et sur un fond d’un degré plus ou moins fort d’engagement envers cette ligne, ce furent en définitive des luttes de pouvoir internes à l’appareil qui exacerbèrent les désaccords [32]. »

b) Avec les organisations anarchistes françaises.

Les clivages qui se manifestent au sein du Mouvement libertaire espagnol autour de la question de l’activisme se retrouvent également, quoique de manière moins intense, au sein du mouvement anarchiste français.

« Le mouvement anarchiste français, raconte Tomás Ibáñez, était fort hétérogène, mais la solidarité envers les libertaires espagnols était un trait dominant. En fait, la situation était complexe, car le mouvement espagnol en exil était lui-même hétérogène avec des affrontements entre courants, et cela entraînait des clivages dans les rapports des diverses composantes du mouvement français envers les organisations espagnoles [33] . »

Globalement, l’ensemble du mouvement libertaire français soutient les groupes de la FIJL. C’est vrai, en particulier, pour les groupes à forte concentration de jeunes, comme les Jeunesses libertaires (JL), la Liaison des étudiants anarchistes (LEA) et le Comité de liaison des jeunes anarchistes (CLJA). Le secteur spécifiquement communiste libertaire – Union des groupes anarchistes communistes (UGAC), puis Noir et Rouge – manifeste également son soutien aux positions et aux activités de la FIJL. La Fédération anarchiste (FA) est, en revanche, plus divisée sur le soutien à la FIJL : une grande partie de ses groupes s’inscrivent dans cette perspective de soutien, mais d’autres groupes s’alignent, au contraire, sur les positions « immobilistes » de la FAI – qui sont, en fait, celles du SI de la CNT. On notera, par ailleurs, qu’il exista bien, sur le terrain de l’activisme, une évidente porosité entre la FIJL et certains libertaires français, qui n’hésitèrent pas à prêter leur concours actif aux actions menées en Espagne contre le franquisme.

c) Autres organisations politiques, syndicales et humanitaires françaises.

Devant l’absence de soutien moral, matériel et financier du SI de la CNT, les groupes de la FIJL se tournent vers d’autres organisations issues de divers secteurs politiques ou sociaux. C’est notamment le cas du groupe de passage de Perpignan qui, pendant son activité, recevra le soutien et l’appui de plusieurs organisations et associations plus ou moins étrangères aux milieux anarchistes. Parmi elles, l’Union rationaliste (UR) – association fondée en 1930 pour le respect de la laïcité et des valeurs républicaines – et la Ligue des droits de l’Homme (LDH) – association fondée en 1898, en pleine affaire Dreyfus, pour la défense et la promulgation des droits humains en France. Au cours des années soixante, à Perpignan, ces deux associations apportent très régulièrement leur soutien aux initiatives du groupe local des Jeunesses libertaires. Au point que Jordi Gonzalbo se voit obligé de préciser, dans ses souvenirs, que, « finalement, ce furent la Ligue des droits de l’Homme et l’Union rationaliste qui consentirent à chapeauter nos initiatives [34] ».

Outre l’UR et la LDH, un noyau de militants de la toute jeune Confédération française démocratique du travail (CFDT) – fondée, en 1964, par scission de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – apporte leur soutien aux jeunes libertaires perpignanais. Il en va de même pour quelques adhérents du Parti socialiste unifié (PSU), alors dirigé par Michel Rocard et dont la CFDT est particulièrement proche. « Nous savions pouvoir compter, confirme Jordi Gonzalbo, sur quelques individualités et sur quelques copains du PSU et de la CFDT [35] . »
Enfin, le groupe de Perpignan peut aussi collaborer, ponctuellement, avec des militants de sensibilité communiste et trotskiste. Cette connivence déchaîne les foudres des instances de la CNT et lui vaut d’être taxé de « communisant », anathème particulièrement disqualifiant dans le mouvement anarchiste. Pourtant, le groupe de Perpignan – qui reste, en règle générale, très vigilant vis-à-vis des organisations marxistes – n’est absolument pas dupe des intentions réelles de ses « collaborateurs » ponctuels :

« Ce qualificatif de “communisants”, explique Jordi Gonzalbo, nous avait été attribué parce que nous avions osé avoir des rapports avec des communistes en vue de participer à un meeting sous l’égide de la Ligue des droits de l’Homme en faveur des prisonniers politiques. Nous n’avions aucun complexe d’infériorité ni de supériorité envers les communistes, nous étions conscients de leur penchant pour l’amalgame et la manipulation. Nous avions également eu des contacts avec un groupe trotskiste qui voulait travailler avec nous en faveur des prisonniers espagnols, avec la volonté évidente de prendre les choses en mains. Il est vrai qu’entre nous et les marxistes – soient-ils léninistes ou trotskistes – le courant ne passait guère, ils se voulaient purs et durs, et leur conception du militantisme n’était pas la nôtre. Notre tendance à ne pas nous prendre trop au sérieux les incommodait. Ce que ne comprenaient pas les copains libertaires subjugués par le Comité, c’est que si les communistes venaient nous démarcher, c’était tout simplement parce que notre activité, notre présence (FIJL), aussi bien en Espagne qu’en exil, ne passait pas inaperçue, comme l’était celle de la CNT [36]. »

Daté du 27 août 1963, un rapport des Renseignements généraux confirme l’existence de solidarités entre des organisations politiques et syndicales de la gauche française et les jeunes activistes libertaires espagnols :

« L’existence d’un réseau de complicités susceptible d’être utilisé par ces groupes, lors des “opérations”, a été connue également par la découverte, en juillet 1962, d’un document imprudemment égaré, dans les Pyrénées-Orientales, par un des animateurs terroristes de la FIJL, Guerrero Lucas Jacintho [37]. Il s’agit d’une liste de correspondants en France et dans les pays d’Europe et d’Amérique du Sud où se sont créées des cellules d’anarchistes espagnols après la guerre civile.
Or, presque tous les animateurs terroristes qui se sont dévoilés au cours des précédentes opérations se trouvent sur cette liste. Il y a certes, en plus, beaucoup d’autres personnes qui se déclarent syndicalistes, opposées à la violence. Il s’agit souvent de naturalisés français respectables, toujours non communistes (FO, CFTC, SFIO, PSU, etc.). Mais Guerrero Lucas comptait sur eux, et non sans raison, pour obtenir une aide financière, des possibilités de cachettes et de liaisons, un appui de propagande en cas d’arrestations et de difficultés. La tradition anarchiste, la haine du franquisme restent fortes chez les Espagnols exilés, et des vieux comme des jeunes, apparemment acclimatés en France et embourgeoisés, sont susceptibles, sur un coup de tête et si on les persuade qu’ils courent peu de risques, notamment en raison de leurs qualités de Français, de se lancer dans une expédition terroriste [38] . »

Extrait du chapitre IV : La répression du passage clandestin de la frontière : passés et passeurs face aux autorités

II.– Répression des candidats au passage clandestin et des passeurs anarchistes entre 1945 et 1975.

Traitement des clandestins espagnols appréhendés…

Lorsque des clandestins espagnols sont arrêtés, une procédure bien précise est mise en place. Elle vise à connaître les motifs pour lesquels ils ont quitté l’Espagne – ce qui permet de les classer dans la catégorie des réfugiés politiques ou économiques –, mais aussi à s’informer sur les attaches éventuelles qu’ils ont en France. Sans attaches, les réfugiés économiques non refoulés sont envoyés vers des centres d’hébergement. Cette procédure, qui implique la participation active des Renseignements généraux – voire de la Brigade de surveillance du territoire (BST) –, vise également à démasquer d’éventuels agents de renseignements étrangers, surtout dans les années qui suivent la fin de la Seconde Guerre mondiale. Un document intitulé Immigration clandestine espagnole. Projet de création d’un centre d’hébergement et d’accueil à Rivesaltes – que j’ai trouvé aux archives départementales des Pyrénées-Orientales et qui date de l’année 1948 – expose très clairement la procédure à suivre par les autorités concernant les clandestins espagnols appréhendés :

« Dès leur arrivée en territoire français, les Espagnols entrés clandestinement sont appréhendés et dirigés sur le centre du Haras escortés par des militaires appartenant aux unités préposées à la surveillance de la frontière. Les procès-verbaux d’arrestation sont transmis à la Préfecture et aux services de police du centre. Nantis des premiers renseignements recueillis à la frontière, les inspecteurs de police procèdent à un interrogatoire d’identité ; ils cherchent à déterminer les raisons qui ont poussé les intéressés à fuir l’Espagne et prennent note de leurs desiderata. Complétant leur enquête à l’aide des moyens dont ils disposent (fichiers), ils s’attachent à déceler les éléments douteux qu’ils signalent à la BST pour examen. À l’issue de ce contrôle, les immigrants subissent au commissariat central leur identification anthropométrique et reviennent au centre où ils sont soumis à la visite médicale. Les sujets malades ou contagieux sont admis à l’hôpital de Perpignan. Les autres se présentent au délégué local de commission préparatoire de l’OIR qui, à la suite de son enquête, délivre, à ceux auxquels il reconnaît la qualité de réfugié politique, un certificat provisoire de nationalité et en avise la préfecture. […] Ces formalités terminées, les clandestins sont soit autorisés à résider dans les Pyrénées-Orientales lorsqu’ils y possèdent proche parent ou que leur activité professionnelle présente un intérêt économique certain, soit envoyés sur leur demande chez un répondant domicilié dans un autre département (après accord du préfet intéressé s’il s’agit d’un département interdit), soit présentés au contrôleur des services de la main-d’œuvre installé aux Haras, qui indique un département non interdit où les aptitudes professionnelles des intéressés pourront être utilement employées. […] Enfin, tout individu suspect ou dangereux est, aux résultats des enquêtes des services de police, déféré au parquet et, dans certains cas, fait l’objet, dès sa sortie de prison, d’un rapport motivé au ministère de l’Intérieur en vue de son refoulement sur son pays d’origine [39] . »

Selon les années et les politiques adoptées, entre 1945 et 1975, à l’égard de l’immigration clandestine espagnole, des procédures de refoulements sont mises en place pour les clandestins non reconnus comme réfugiés politiques ou jugés inaptes à travailler dans des secteurs professionnels demandeurs de main-d’œuvre.

Les autorités françaises face aux passeurs anarchistes.

Des documents trouvés aux Archives Départementales des Pyrénées-Orientales et de Haute-Garonne attestent que, dans les années d’après-guerre et les années cinquante, les autorités françaises sont au courant de l’existence de filières de passage clandestin rattachées au Mouvement libertaire espagnol et utilisées par la guérilla antifranquiste. En témoignent les deux notes de la direction des Renseignements généraux, que nous avons déjà mentionnées et retranscrites [40], datées de 1958 et mentionnant la découverte, à Pamiers, d’un réseau de passage clandestin de la frontière géré par des militants de la CNT. Il existe également des traces de l’arrestation de certains passeurs du mouvement libertaire, et notamment de Ramón Vila Capdevila, dit « Caraquemada », arrêté en juillet 1948 lors de la perquisition menée par les autorités françaises au Mas Tartas. Déjà cité par ailleurs, ce rapport d’arrestation indique :

« Le 24 juillet 1948, à la suite d’une information provenant du secteur de contre-espionnage de Toulouse, un fonctionnaire de la BST de Perpignan a effectué, avec le service des douanes de Bourg-Madame, une perquisition au lieu dit Mas Tartas, commune de Palu-de-Cerdagne (Pyrénées-Orientales). Au cours de cette opération, un important matériel et explosif étaient découverts et saisis. L’audition de deux Espagnols, les nommés : Llanci Ramon [41] et Domingo Rouste permettait d’établir que le dépôt était organisé pour le compte de la CNT MLE dont le secrétaire départemental est le nommé Ballesteros, 48, rue de l’Anguille, à Perpignan. Llaugi Ramon et Domingo Rouste ont été arrêtés et écroués à la maison d’arrêt de Perpignan sous l’inculpation de détention d’armes et de contrebande. Une enquête effectuée par la BST à Toulouse a permis de préciser que ce dépôt d’armes était bien contrôlé par la CNT et qu’il était destiné aux membres de cette organisation, chargés de missions clandestines en Espagne. Les nommés Llaugi Ramon et Domingo Rouste ont été condamnés, par le tribunal correctionnel de Perpignan, le 18 août 1948, à deux mois de prison [42] . »

Dans les années soixante, le groupe de la FIJL de Perpignan a plusieurs fois à faire avec la police française. Notamment avec les Renseignements généraux, qui s’intéressent à son activité et enquêtent sur d’éventuels liens pouvant exister entre les dates de passage en Espagne de membres du groupe (via le contrôle des passeports) et des attentats. En revanche, la diffusion de propagande ne semble pas les concerner outre mesure. Plus généralement, d’après Jordi Gonzalbo, les Renseignements généraux locaux ne semblent pas faire preuve de beaucoup de zèle dans leur travail :

« Nous ne savions pas à quel point les Renseignements généraux étaient au courant de nos activités. Nous eûmes quelquefois à faire à des “questionnements” de la part de RG locaux, mais menés sans trop d’acharnement. Ils se contentaient de contrôler les passeports et de vérifier si les passages officiels ne coïncidaient pas avec les feux d’artifice. Ils ne nous ont pas tellement emmerdés. Ceux de Montpellier, en revanche, étaient beaucoup plus pugnaces [43] . »

Jeanine Lalet se souvient, elle, d’un policier « bien plus cool » que les autres :

« À Perpignan, aux Renseignements généraux, il y en avait un qui devait être un peu de gauche. Il m’avait dit : “De toute façon, moi je vous assimile un peu à la Résistance, si vous avez besoin de quelque chose…”. Je ne lui ai jamais rien demandé. Ce n’était pas les plus virulents, ceux des Renseignements généraux de Perpignan. Mais à la PJ [Police judiciaire], c’était autre chose quand même… [44] »

Pour le groupe de Perpignan, la répression devient plus préoccupante en 1963, lorsque les autorités policières françaises déclenchent une vague de répression contre la FIJL en France. Cette opération, que nous avons déjà évoquée [45], intervient à la suite de l’affaire Delgado-Granado et aboutit à l’interdiction de la FIJL et de son journal (Nueva Senda) et à l’arrestation d’une vingtaine de militants des Jeunesses libertaires.

« Il est évident, indique Jordi Gonzalbo, que les autorités françaises étaient au courant de nos activités antifranquistes, mais tant qu’elles restaient dans les “normes” elles ne les gênaient pas outre mesure. D’ailleurs nous leur étions d’une certaine manière utiles. Après tout, n’étions-nous pas une force structurée non communiste ? Laquelle, selon leur logique, était une entrave à l’expansion marxiste au sein de l’exil espagnol ? Bien sûr, quand le ministère de l’Intérieur considéra que le jeu n’en valait plus la chandelle, il s’y prit autrement, signifiant à la CNT qu’elle avait tout intérêt à assagir “ses jeunes”. C’était en 1963. Après, la FIJL a été interdite [46] . »

Du côté de la police, un rapport des Renseignements généraux, daté du 27 août 1963, indique assez précisément dans quelle optique sont réalisées les perquisitions effectuées chez les militants arrêtés :

« Il s’agit de trouver :

1) Des explosifs, des mécanismes de bombes à retardement, des armes. Il y a peu de chances pour qu’elles se trouvent dans les locaux officiels de la FIJL ou aux domiciles mêmes des militants. Mais les indices (documents, lettres, codes, photographies), trouvés lors des perquisitions, peuvent orienter les recherches vers les caches.
2) Il faudra donc saisir tout document dactylographié ou écrit, et toutes lettres dont les termes peuvent faire allusion à une action subversive. D’une manière générale, peut être intéressante toute correspondance entre anarchistes espagnols, italiens, portugais et français, même si elle présente à première vue une caractère familial anodin. Chez les anarchistes espagnols, le terrorisme reste une affaire de famille.
3) En vue de la solution des attentats commis aux aéroports de Genève, Francfort et Londres, il faudra rechercher les passeports, les billets de chemin de fer et d’avion, les factures, les notes de frais, etc. qui permettraient de prouver que des éléments se sont rendus dans ces villes entre le 1er et le 6 juin.
4) Le CIL [Comité ibérique de libération] a diffusé depuis le début de l’année cinq déclarations dactylographiées où il revendique les divers attentats commis et annonce des représailles. Ces tracts devront être saisis.
5) Le journal de la FIJL, “Nueva Senda”, imprimé à Toulouse, a été interdit par arrêté ministériel du 26 mars 1963 paru au Journal Officiel du 3 avril 1963, en raison de ses appels à la violence et de son action, en vue de la subversion en Espagne, nuisible aux intérêts diplomatiques de la France. Il vient de renaître clandestinement sous le même format 28 x 38 et les mêmes caractéristiques typographiques avec comme titre “FIJL”, le sigle étant agrémenté du drapeau anarchiste rouge et noir. Les exemplaires devront être saisis et les détenteurs poursuivis pour diffusion d’un organe interdit [47]. »

Plusieurs membres du groupe de passage de Perpignan – dont Jordi Gonzalbo – font partie des militants arrêtés et emprisonnés, cette année-là, pour « association de malfaiteurs » et « infraction à la loi sur les associations politiques étrangères ». Voici ce qu’il dit de sa détention :

« La surpopulation en milieu carcéral est un grave problème de nos jours ; il l’était tout autant, sinon plus, à cette époque. La cellule A104 était une pièce d’environ 14 m2, meublée de deux fois deux lits superposés, de quatre paillasses et d’autant de placards muraux. Le mur de façade était percé d’une fenêtre vasistas munie d’un point d’eau, et d’un WC on ne peut plus rudimentaire. Pour les huit bonshommes qui ne se connaissaient ni d’Eve ni d’Adam, que seuls les aléas de l’existence avaient fait se rencontrer, le seul moyen de ne pas perdre pied dans ce huis clos de 23 heures sur 24 était l’évasion, l’évasion dans la tête, le réflexe d’élever de temps à autre un mur imaginaire derrière lequel s’isoler du regard des autres. On pouvait s’estimer heureux d’être tombé dans une “bonne” cellule, dont les occupants pouvaient être considérés comme normaux ; dans le cas contraire, c’était l’enfer en bout de couloir [48] .

Fin des extraits

Table des matières

Introduction

Chapitre I : L’immigration anarchiste espagnole : une longue histoire d’exil politique

I.– L’immigration anarchiste espagnole avant 1939.


1) 1909-1934 : les trois premiers exils politiques des anarchistes espagnols… p. x

2) Immigration espagnole et mesures juridiques et administratives dans la France des années vingt et trente… p. x

II.– La Retirada, l’exode massif de la guerre d’Espagne : 1936-1939.

1) Des trois premières vagues à la Retirada… p. x

2) La Retirada… p. x

3) Du triage aux camps ou aux centres d’hébergement… p. x

4) La Retirada anarchiste… p. x

III.– Entre mise au travail, engagement dans l’armée, déportation et répression : la politique d’exil française pendant la Seconde Guerre mondiale.

1) Une main-d’œuvre disponible… p. x

2) Des soldats disponibles : de l’armée française aux camps de concentration allemands… p. x

3) Xénophobie, travail obligatoire et déportations : les nouvelles mesures du régime de Vichy… p. x

IV.– De la fin de la guerre à la chute de Franco : l’exil politique se tasse, l’exil économique croît.

1) De 1945 à 1955 : de la politique d’accueil libérale d’après-guerre au durcissement considérable des années cinquante… p. x

2) 1955-1975 : l’exil politique se noie dans l’immigration économique… p. x

3) La répression des milieux de l’exil anarchiste espagnol… p. x



Chapitre II : Les motivations du passage clandestin : entre résistances aux fascismes et misère économique

I.– Résister et lutter contre le franquisme : la guérilla anarchiste.

1) L’activisme antifranquiste transfrontalier des anarchistes espagnols pendant la Seconde Guerre mondiale (1939 à 1944… p. x

2) Au temps des « bandoleros » : un activisme transfrontalier intense mais désorganisé (1945-1963)… p. x

3) L’activisme des Jeunesses libertaires (1960-1969… p. x


II.– Entre fuir les fascismes européens (franquisme, nazisme et « vichysme ») et fuir la misère économique : des candidats au passage aux motivations diverses.

1) Les départs de la France vers l’Espagne… p. x

a) L’Espagne : terre d’espoir ?… p. x
b) Échapper au STO… p. x
c) Trouver un travail ou un salaire plus élevé… p. x
d) Fuir les persécutions des nazis et de Vichy… p. x
e) Rejoindre la France libre… p. x

2) Les départs de l’Espagne vers la France… p. x

a) Fuir le régime franquiste… p. x
b) Fuir le chômage et l’inflation… p. x
c) Retrouver sa famille… p. x



Chapitre III : L’organisation de l’activité des passeurs et des réseaux du Mouvement libertaire espagnol

I.– Passeurs et réseaux de passage pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945).


1) Les figures du passeur… p. x

a) Francisco Ponzán Vidal, dit « Paco »… p. x
b) Juan Català Balanyà, l’évadé… p. x
c) Agustín Remiro Manero… p. x
d) Josep Ester Borrás : de Berga à Mauthausen… p. x
e) Joaquim Baldrich : de la contrebande au passage clandestin de la frontière… p. x
f) Et les autres… p. x
g) La rémunération du passage clandestin de la frontière… p. x

2) Les autres acteurs employés pour une traversée clandestine de la frontière… p. x

a) Les « hébergeurs »… p. x
b) Les faussaires… p. x
c) Les contacts frontaliers et de l’intérieur… p. x

3) Trajets et itinéraires géographiques du passage clandestin de la frontière… p. x


4) Le Mouvement libertaire espagnol (MLE) et la collaboration des passeurs anarchistes avec les Alliés… p. x



II.– Les passeurs anarchistes au temps des « bandoleros » (1945-1961).



1) Figures de passeurs anarchistes de la fin des années quarante et des années cinquante… p. x

a) Francisco Denís Díez, dit « Català »… p. x
b) Ramón Vila Capdevila, dit « Caraquemada »… p. x
c) Et les autres… p. x
d) La rémunération du passage clandestin… p. x

2) Les bases d’appui frontalières… p. x

a) Les bases d’appui en France… p. x
b) Les bases d’appui en Espagne… p. x

3) Traverser la frontière : une épreuve difficile… p. x

a) Les itinéraires de passage clandestin de la frontière… p. x
b) Durée du trajet et poids de l’équipement… p. x
c) Les mauvaises conditions climatiques… p. x
d) Les patrouilles des autorités… p. x



III.– L’activité de passage transfrontalier des Jeunesses libertaires (1961-1975).

1) Les passeurs, des figures moins indispensables… p. x

2) Entre passages de personnes et de propagande : l’exemple du groupe de passage des Jeunesses libertaires de Perpignan… p. x


a) Le passage de personnes… p. x
b) Le passage de propagande… p. x

3) Origines de l’engagement et fonctionnement interne du groupe de passage libertaire… p. x

4) Liens et rapports avec les organisations politiques et humanitaires… p. x

a) Avec les organisations anarchistes espagnoles (exilées)… p. x
b) Avec les organisations anarchistes françaises… p. x
c) Autres organisations politiques ou syndicales françaises… p. x



Chapitre IV : La répression du passage clandestin de la frontière : passés et passeurs face aux autorités

I.– Répression des candidats au passage clandestin et des passeurs anarchistes pendant la Seconde Guerre mondiale.

1) En territoire espagnol… p. x

a) Surveillance de la frontière… p. x
b) Traitement des clandestins par les autorités espagnols… p. x
c) La chasse aux exilés politiques et aux guérilleros… p. x
d) Abus des autorités… p. x
e) Répression des passeurs anarchistes… p. x

2) En territoire français… p. x

a) La surveillance aux mains des autorités de Vichy… p. x
b) Les autorités allemandes prennent les choses en main… p. x
c) Les autorités françaises et allemandes face aux passeurs anarchistes… p. x

II.– Répression des candidats au passage clandestin et des passeurs anarchistes entre 1945 et 1975.

1) En territoire espagnol… p. x

a) Pas de changements… dans la répression... p. x
b) Des indicateurs et des policiers infiltrés dans les réseaux de la guérilla… p. x

2) En territoire français… p. x

a) Surveillance de la frontière… p. x
b) Traitement des clandestins espagnols appréhendés… p. x
c) Les autorités françaises face aux passeurs anarchistes… p. x

Conclusion
Annexes
Notices biographiques
État des sources
Bibliographie